lundi 19 mai 2008

Monumenta 2008/ Promenade/ Richard Serra / Anne-Marie Builles


Comment aborder l’espace »

Une expérience inédite de l’espace, nous étions bien avertis du «dispositif»par l’esprit même du projet «Monumenta» qui se veut confrontation et défi d’une œuvre d’un artiste contemporain à ce grand vaisseau de lumière qu’est la grande nef du Grand Palais à Paris. Les moyens sont à la hauteur du défi : lancer vers la grande verrière, bien arrimées, profondément dans le sol, cinq immenses planches de métal (18 mètres de hauteur pour un poids de 75 tonnes, chacune).

«Monumental» : pas du tout ; une étrange légèreté de l’ensemble, toute en subtilité et intelligence architecturale, selon une intention toute simple de Richard Serra, ce sera une «promenade», un parcours libre et privé dans un «espace public» parcouru en tous sens ;
marcher, marcher, chercher son centre, trouver son cheminement propre, expérimenter du regard diverses perspectives, retrouver librement des postures, des gestes, des envies de toucher, étranges, ces mains posées à plat contre ces murs de métal, ces oreilles qui écoutent le métal, s’immerger dans l’expérience de l’espace.

Il n’est pas question ici de «comprendre l’intention» de l’artiste mais d’habiter vivre et expérimenter un espace selon une rupture : «Je construis une sorte de disjonction, quelque chose qui situera ce lieu et dans lequel on pénétrera au milieu de l'architecture environnante». C’est extraordinaire, cette œuvre nous fait bouger, nos mouvements et déplacements trouvent une expansion infinie comme en apesanteur, elle agrandit l’expression de nos gestes et nous relie à ceux des autres dans un étonnement mutuel.
Tel était le pari de Richard Serra, pari gagné !
«En venant ici, au Grand Palais, il n'est pas nécessaire de connaître quoi que ce soit. La pièce ne fait pas référence à quelque chose que l'on connaîtrait déjà. Il suffit de marcher tout autour de long en large, dans tous les sens et d’en faire l'expérience. Pas de signification : le sens de l'œuvre, c'est son effet sur vous».
Quelques jeunes personnes très bien intentionnées nous accueillent et nous accompagnent afin de nous donner quelques clefs pour appréhender l’œuvre et trouver notre chemin.
On pourrait s’interroger sur l’utilité de cette démarche pédagogique si Richard Serra ne s’était pas inquiété, à juste titre, que l’entrée ne fasse irruption au milieu du dispositif dans le sens de la largeur.
Une seule précaution : partir à la découverte, chercher, passer du temps, contempler….. longtemps.
«Que le promeneur marche selon son propre mouvement corporel, qu’il choisisse où il veuillle aller. Il ne marchera peut-être pas le long de l’axe sur toute la longueur mais, s’il veut comprendre la complexité de ce travail, il le fera et je pense que la majorité des gens seront suffisamment curieux pour le faire ; en tout cas , c’est mon espoir».
S’il est encore à prouver que l’expérience de l’art nous fait percevoir une réalité que nous ne verrions pas sans elle et nous permet d’approcher au plus près la diversité du réel, d’accéder à la réalité même, Richard Serra nous donne ici une leçon magistrale d’appréhension de la réalité de l’espace.

Monumenta / Richard Serra / Grand Palais Paris / jusqu’au 15 06

Aucun commentaire: