mardi 27 mai 2008

le designer, vecteur leader de la croissance / didier saco


chacun d’entre nous, marque, école, designer, a pris conscience du rôle croissant du designer auprès de la marque / celui qui vivait de la commande, publique et privée, est devenu, en dix ans, celui qui décèle de nouveaux usages, découvre de nouveaux matériaux, crée de nouveaux réseaux et tisse des liens entre les technologies, les normes, les usages, les usagers et les fabricants

c’est le designer qui expérimente les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies / le corian, les led’s
c’est le designer qui initie la marque aux réseaux de l’innovation / salons, événementiels, presse
c’est le designer qui relaie auprès de ses clients les normes, les réglementations, les brevets et leurs bons usages
c’est le designer qui sait positiver la réglementation européenne reach, en remplacant un composant non par un autre mais par une nouvelle forme
c’est le designer qui percoit les nouveaux us, les nouveaux désirs et les nouvelles contraintes et sait dessiner le canapé pour “rester”, le vélo pour être vu, la lampe pour être reconnu et le pack pour doigts usés

le designer est aujourd’hui le meilleur vecteur de la croissance / au-delà de sa science de l’usage, le designer apporte sa connaissance et son intuition à l’usage et, avec le designer, la marque développe en même temps son activité, sa notoriété et sa crédibilité, en investissant dans la recherche et dans l’innovation et qualifie sa croissance

mais la croissance est-elle d’actualité ?

nul ne conteste le rôle essentiel du designer comme vecteur de la croissance économique et comme acteur majeur parmi les actifs de la marque
mais la marque a-t’elle le désir réel de s’inscrire dans un process de croissance

vincent tiberj vient de rédiger un opuscule, “la crispation hexagonale” où il relève, depuis 2001, une rétention française sur ce qu’il était convenu d’appeler une “révolution silencieuse”, basée sur le renouvellement des générations, l’élévation du niveau de diplôme et se traduisait par une évolution sur les questions sociétales / permissivité sexuelle, lutte contre l’homophobie et les discriminations et qui s’est figée, face à la question de l’immigration / craintes du communautarisme et de l’islamisation, valeurs de l’islam incompatibles avec les valeurs de la république / excision, polygamie / et s’est traduite par la création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale

cette crispation hexagonale se retrouve en économie, où la croissance ne semble pas être un objectif majeur et la marque plus soucieuse de conserver ses parts de marché que d’en acquérir de nouvelles

plusieurs réticences, fortement ancrées dans la mentalité française, sont à vaincre :
- la première, et non la moindre, est la réticence viscérale vis-à-vis de l’entreprise qui ne subit qu’opprobres / licenciements, actionnaires exigeants, stock-options excessives, retraites dorées et s’oppose frontalement à l’esprit individualiste, fondamental français
mais nous sommes tous impliqués / qui d’entre nous est capable de décrire précisement le métier de ses cinq meilleurs amis ?
- la seconde est le rejet du concept de leader / non seulement décrié par tous car responsable de tous les maux / économiques et sociétaux /, le leader est devenu obsolète / le dernier leader en date en france doit être zidane, et il y a bien longtemps
- quant à la troisième, et sans doute la plus rétive : la réticence à toute forme d’innovation, dans un pays où le patrimoine a sa journée et où les budgets du minstère de la culture consacrés à la conservation sont trois fois supérieurs à ceux consacrés à la création

le rôle du designer peut aussi, au delà du dessein, du dessin et du désir, être le porteur de l’innovation et de la croissance / nous sommes prêts

la crispation hexagonale / vincent tiberj / plon / 10.00 euros

Fiat lux / Anne-Marie Builles


L’énigme du verre

L’apparition de nouveaux matériaux et la sophistication des process techniques pour les traiter et les façonner offrent aux designers un vaste champ d’investigation créative.
En introduction à une très belle exposition sur le verre qui se tient à l’Orangerie du Domaine de Madame Élisabeth, à Versailles, du 20 mars au 22 juin, Elisabeth Vedrenne note justement : « l’artiste en général évite d’être trop séduit par la matière qu’il emploie pour qu’elle ne prenne pas le premier rôle et lui rogne sa liberté de manœuvre, la matière n’est souvent pour eux qu’un outil », pour ajouter un peu plus loin « en cela, l’attitude des verriers diffère ».
Démonstration éblouissante pour les sept artistes internationaux réunis ici (cinq français, un allemand et un américain) qui explorent et façonnent la matière verre/lumière avec une étonnante liberté.
Par son pouvoir de concentration et de diffusion de l’énergie lumineuse, le verre semble détenir un pouvoir secret et mystérieux, il suscite en nous le plus sensible de nos perceptions, nous ramène à l’émotion originelle d’une matière qui naitrait de la lumière et nous rappelle toute une tradition immémoriale qui voit dans la lumière, l’éclat, la brillance, le reflet,les attributs de la beauté. Fiat lux.
« Puisque l’art, avec ou sans le verre, aujourd’hui comme hier, reste lumineux ou pas, son rôle est encore de nous éclairer, nous émouvoir, nous faire toucher les mystères de la vie »
Stupeur devant ces œuvres inimaginables, ces sept artistes ont atteint un tel niveau de maîtrise, de rigueur, de travail dans l’arte fact qu’ils nous proposent des langages du verre totalement inédits.
Chacune de ces œuvres est une dans sa vibration et la perfection d’une lumière qu’elle exprime.
Laissons conclure Elisabeth Vedrenne : « chacun porte un regard différent sur une œuvre…mais l’authenticité de la démarche, l’adéquation entre le projet et le résultat, la poésie, le sentiment de vie, le mystère sont en réalité des émotions avec lesquelles on ne triche pas ».
Bernard Dejonghe, Josepha Gasche-Muche, Anne Skibska, Isabelle Monod, Perrin&Perrin, Matei Negreanu, Didier Tisseyre.
A voir absolument.
Designers, à vos matières !


Voir site
http://www.yvelines.fr/actu2008/verre/

lundi 19 mai 2008

pluriels / didier saco


designs / intelligences

il arrive à chacun de nous, par pulsions, le désir de vouloir changer la vie / changer l’orthographe, le vocabulaire, le code de la route, la programmation de nos chaînes de télévision ou le sommaire de nos journaux

et l’on imagine parfois des dictionnaires sans “irrémédiable”, sans “inéductable”, sans “toujours” et sans “jamais”, des codes de la route où ce n’est plus la priorité à droite qui prévale mais la priorité au plus fragile, au plus lent et au plus indécis, des émissions de télévision qui stimulent et donnent envie qu’elles ne s’arrêtent pas et des journaux uniquement avec des bonnes nouvelles, des projets et des naissances

il en est de même pour les mots, qui se retrouvent parfois avec un genre qui ne leur va pas

chacun d’entre nous a plus d’une fois sursauté, lors d’une conférence sur le design ou en lisant un éditorial, un article en découvrant une définition du design très éloignée de la sienne / selon notre formation, notre vocation, notre activité et nos projets, le mot design regroupe en effet pour chacun un réseau de pensées et d’actions personnel, en mutation constante,
et ce encore plus depuis quelques années où la mode, l’architecture et la décoration s’approchent, se rapprochent et parfois même fusent et s’abritent sous le même toit, par volonté, facilité, complaisance ou ignorance

le design devrait toujours être pluriel, comme l’intelligence

la mémoire, la culture, la sensibilité, l’écoute, la gentillesse, l’intuition, la capacité d’adaptation sont autant de composants de l’intelligence, que chacun évalue, compose et développe selon ses compétences, ses désirs ses projets et que pourtant personne ne saura évaluer, quantifier et étalonner

il en est de même du design / quel lien entre la réédition d’une chaise d’eames, un jus de tomate en éprouvette, un vélo où les deux freins sont sur la même poignée pour laisser l’autre main disponible pour signaler les changements de voies et un dirigeable en 2008 ?
à chacun de le trouver, ils sont tous labelisés design

il arrive aussi que la matière muette, l’objet soit porteur d’intelligence, vertu en principe exclusivement humaine
un packaging intelligent, c’est lorsque la marque conçoit et développe non pas un produit mais une histoire et un projet / la conception a alors pour source et pour objectif non le profit immédiat mais la connivence entre le produit, ceux qui l’ont conçu et ceux qui vont l’acquérir, l’adopter, l’adapter à leur histoire et le transmettre à leur tour

davines / cosmétiques italiens
en vente dans le monde entier

Monumenta 2008/ Promenade/ Richard Serra / Anne-Marie Builles


Comment aborder l’espace »

Une expérience inédite de l’espace, nous étions bien avertis du «dispositif»par l’esprit même du projet «Monumenta» qui se veut confrontation et défi d’une œuvre d’un artiste contemporain à ce grand vaisseau de lumière qu’est la grande nef du Grand Palais à Paris. Les moyens sont à la hauteur du défi : lancer vers la grande verrière, bien arrimées, profondément dans le sol, cinq immenses planches de métal (18 mètres de hauteur pour un poids de 75 tonnes, chacune).

«Monumental» : pas du tout ; une étrange légèreté de l’ensemble, toute en subtilité et intelligence architecturale, selon une intention toute simple de Richard Serra, ce sera une «promenade», un parcours libre et privé dans un «espace public» parcouru en tous sens ;
marcher, marcher, chercher son centre, trouver son cheminement propre, expérimenter du regard diverses perspectives, retrouver librement des postures, des gestes, des envies de toucher, étranges, ces mains posées à plat contre ces murs de métal, ces oreilles qui écoutent le métal, s’immerger dans l’expérience de l’espace.

Il n’est pas question ici de «comprendre l’intention» de l’artiste mais d’habiter vivre et expérimenter un espace selon une rupture : «Je construis une sorte de disjonction, quelque chose qui situera ce lieu et dans lequel on pénétrera au milieu de l'architecture environnante». C’est extraordinaire, cette œuvre nous fait bouger, nos mouvements et déplacements trouvent une expansion infinie comme en apesanteur, elle agrandit l’expression de nos gestes et nous relie à ceux des autres dans un étonnement mutuel.
Tel était le pari de Richard Serra, pari gagné !
«En venant ici, au Grand Palais, il n'est pas nécessaire de connaître quoi que ce soit. La pièce ne fait pas référence à quelque chose que l'on connaîtrait déjà. Il suffit de marcher tout autour de long en large, dans tous les sens et d’en faire l'expérience. Pas de signification : le sens de l'œuvre, c'est son effet sur vous».
Quelques jeunes personnes très bien intentionnées nous accueillent et nous accompagnent afin de nous donner quelques clefs pour appréhender l’œuvre et trouver notre chemin.
On pourrait s’interroger sur l’utilité de cette démarche pédagogique si Richard Serra ne s’était pas inquiété, à juste titre, que l’entrée ne fasse irruption au milieu du dispositif dans le sens de la largeur.
Une seule précaution : partir à la découverte, chercher, passer du temps, contempler….. longtemps.
«Que le promeneur marche selon son propre mouvement corporel, qu’il choisisse où il veuillle aller. Il ne marchera peut-être pas le long de l’axe sur toute la longueur mais, s’il veut comprendre la complexité de ce travail, il le fera et je pense que la majorité des gens seront suffisamment curieux pour le faire ; en tout cas , c’est mon espoir».
S’il est encore à prouver que l’expérience de l’art nous fait percevoir une réalité que nous ne verrions pas sans elle et nous permet d’approcher au plus près la diversité du réel, d’accéder à la réalité même, Richard Serra nous donne ici une leçon magistrale d’appréhension de la réalité de l’espace.

Monumenta / Richard Serra / Grand Palais Paris / jusqu’au 15 06

mardi 13 mai 2008

le designer est passeur / go between / didier saco


la vie est une histoire de formes / peter sloterdijk

le temps est passé où chacun d’entre nous a pu, en son for intérieur, maugréer, se moquer ou vouloir ignorer les efforts d’incitation à la participation collective à ce qui s’est appelé l’écologie et maintenant le développement durable

chacun d’entre nous a perçu l’impact du développement durable sur son activité professionnelle et, si certains d’entre nous ont centré l’activité de leur agence sur ce positionnement, la masse d’informations, de connaissances, de mutations et de transformations de méthodes de travail nécessaires à connaître et à appliquer est considérable, pour chacun de nous, qu’il soit designer, industriel, fabricant ou distributeur

la réglementation reach, réglementation européeenne en vigueur depuis le 1er juin 07, vise à améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement en demandant à toute entreprise européenne de vérifier chaque composant chimique qu’elle utilise et, le cas échéant, le remplacer s’il n’est pas conforme et modifier sa production

il s’agit, bien sûr, d’une mesure bénéfique à l’humanité toute entière dont la compréhension et l’application peuvent être interprétées comme difficiles, dans une période économique tendue, face à une concurrence mondiale qui en est exempte et dans une période où chaque effort de chaque entreprise européeene est déjà à flux tendu pour, en même temps, maintenir son activité et gagner de nouveaux marchés

le designer est passeur / go between entre les matières, les usages, les formes, les services, les technologies et les réglementations et nos clients, demandeurs chaque jour davantage de liens, de relais et de récitants capables d’analyser et de transmettre

la matinale reach du 20 mai s’inscrit dans cette dynamique : transmettre une information et permettre aux marques et aux designers de concevoir, à partir d’un projet universel, le développement durable, de nouvelles formes et de nouveaux produits

matinale reach / informations et développement pour le design
interventions / christelle henry, conseillère technologique développement durable reach - critt chimie et témoignage d’entreprise / integration de la réglementation reach dans la production
steelcase le mardi 20 mai de 9 à 11 heures
23 boulevard jules ferry paris 11
entrée libre

E la nave va / Salon du Meuble de Milan 2008 / Anne-Marie Builles


Devant une mer de plastique rutilante sous un soleil rouge de décor studio, une passagère d’E la nave va murmure « c’est si beau, on dirait que c’est faux ».
Rutilante et brillante de talents et de maîtrise technique, cette édition 2008 du Salon de Milan fut « encore » frénétique, luxueuse avec ces quelques pointes de style un brin décadente, peu de tonalités enclines au délire poétique, en somme du sonnant et trébuchant, bien sur ses rails pour conquérir les new young money des pays émergents.

Dans cette belle effervescence où tout se veut prétexte à événement, les marques et les personnalités fashion se donnent en spectacle, show Vivian Westwood chez Molténi, Corian chez Missoni, le Sacco de Zanotta en version Haute couture,les 50 fauteuils « Egg » d'Arne Jacobsen 1958 customisés par l'artiste américain Tal R, du 18ème revisité dans les collections d’un nouveau label anglais Meta By Mallett objets rhabillés par de grands noms du design contemporain Tord Boontje et Hani Rashid,(le frère de Karim) et Matali Crasset, avec une suspension lumineuse nommée « Diamonds are a girl’s best friend », ça ne s’invente pas…..,
et encore et toujours Karim Rashid dans ses délires « papier peint ».
De temps à autre, pourtant de belles surprises « évidentes », comme l’exhumation de la magnifique collaboration entre l'architecte Gio Ponti et l'orfèvre Christofle, et la carte blanche donnée par Guzzini à des designers Japonnais.
Milan 2008 fut aussi à l’évidence un grand cru pour les designers français : les frères Bouroullec, Jouin, Massaud, Grcic et Starck, toujours au sommet de sa forme avec sa pip_e chez Driade, tous rassemblés grâce (il faut le souligner ) à une production Italienne au sommet de son art et de sa maÎtrise technique et d’une imagination toujours plus sophistiquée au service d’un travail des matières sidérant, découpe des motifs,travail et tressage des cuirs, collage de coques plastiques (Kartell chaise Eros de Starck) : du grand art.
Rien n’est impossible pour le savoir-faire Italien et le restera sans doute longtemps encore.
Il y eu aussi comme d’habitude des hommages au design historique : Mendini, Branzi, de Lucchi et quelques créations «clins d’œil très appuyés» à Jacobsen et Paulin, par Patricia Urquiolla, et cet objet surconnoté design chez Tonon qui reçut le IF Product Design Award 2007 et fait mentir le dicton qu’il arrive que l’élève surpasse le maître.
Alors, tout serait parfait dans le meilleur des mondes ? On reste cependant sur un sentiment de déjà vu, un peu lassé par un esprit d’ostentation et u surenchère qui frôle souvent le nombrilisme.

Au milieu de toute cette agitation, on a du mal à percevoir,
puisqu’il est question ici aussi de design, quelque engagement ou vision de notre monde présent et à venir, souci de
L’environnement, écoconception, design durable, ce n’est pas quelque habillage «nature & bois» qui tient lieu le plus souvent d’alibi cosmétique, ou certaines créations fabriquées en Afrique à partir de papiers et de morceaux de verre recyclés qui signeront le design de demain.

Il nous prend une folle envie de simplicité devant la chaise Basel de Jasper Morrisson chez Vitra et d’humour, comme cette armature en chataîgner destinée à récupérer les sacs plastiques pour en faire des poubelles (5.5 Designers).

Le design reste très très cher et laisse à la Chine devenue premier exportateur en 2008 meubler le tout venant.

E la nave va…….