mardi 24 juin 2008

le design du temps / designer animateur / didier saco


il y a d’abord le temps de la recherche, celui de la chasse aux idées, celui consacré à essayer, à peser, à projecter, à imaginer et à concevoir / le temps avec soi

puis il y a le temps de l’expertise, celui du partage de l’idée avec les experts / les experts de la forme, du matériau, de la forme, de l’environnement, des technologies, de la sémio et du droit

et vient le temps de la formulation de l’idée, précise, tangible, concrete, et celui de la présentation

là, le temps s’arrête / le téléphone se fait muet, l’écran se fait aveugle
des jours, des semaines, parfois des mois à attendre /
pas dans les arbres nécessairement, mais dans les affres, toujours / quelles suites ? quelles réactions ? quels développements ?
rien, pendant longtemps

viennent, bien sûr, pendant ce temps, d’autres projets et d’autres histoires à raconter mais pourquoi le silence, pourquoi ce temps “inutile” ?

comment organiser, gérer, manager ce temps de non-temps, après le projet et avant son développement ?
il nous faut là intégrer le temps du doute, de l’incertitude, de la crainte de l’erreur, de la presse et de l’actionnaire

puis viendront alors d’autres temps, plus opérationnels, ceux des expertises, des validations, des prototypages, des présentations, internes, externes et auprès des media

à ces temps-là, le temps présent en ajoute d’autres, inscrits dans l’air du temps, incertain, instable et insécure et où la marque demande au designer des compétences, des expertises et des validations qui relevaient, il y a longtemps, de son territoire d’expertise / recherches de financements auprès des pouvoirs publics, permis, autorisation des bâtiments de france et des collectivités, conformité aux normes européennes reach

brigitte borja décrit dans “design management” la valeur que le design apporte à l’entreprise et en développe le bon management

la fonction majeure du designer, aujourd’hui où l’innovation, dans un environnement économique et social proche de la récession et où toute prise de risque est écartée, relève de l’animation : le designer est devenu animateur de projets, séquencés en temps : le temps de la recherche, celui de la validation, celui de l’accompagnement et celui du développement

tous ces temps sont devenus essentiels aux projets / il convient de les rémunérer

centre wallonie bruxelles à paris / mobilier urbain en cours de validation

lundi 23 juin 2008

Signs for sense / Anne-Marie Builles


Ça fait sens, dit-on à tout propos, nous renvoyant à Monsieur Jourdain tout esbaudi de parler en prose ». Oui, toute manifestation visuelle est signifiante pour nous autres humains.
Pour tous ceux qui regardent sans voir, nous sommes tous concernés, il n’est pas superflu de prendre le temps d’un peu « d’attention » aux images qui nous sollicitent.
Un apprentissage du regard, voilà tout un programme qui soutiendrait fort à propos le débat actuel sur l’éducation artistique à l’école.
Les mots, les sons, les couleurs, les images qui nous environnent sont autant de signes dont le sens émerge à partir d’un système d’interprétation.
Comment les images produisent-elles du sens ? Selon quelles modalités et quelles intentions notre système cognitif manipule-t-il signes et représentations ? Voilà la tâche que s’assigne la Sémiotique, décrypter la signification et l’organisation de ces signes, mettre à jour
les systèmes de représentation que nous nous forgeons et qui régissent nos relations au monde. Une telle démarche intéresse au premier chef la « visibilité » de l’entreprise, les sens qu’elle émet à travers les biens et les services qu’elle produit, sens qu’elle ne maîtrise pas toujours au regard du discours et des valeurs qu’elle prétend investir.
En son temps, la publicité soucieuse de son impact s’est beaucoup inspirée des méthodes et des analyses de la sémiotique.
Aujourd’hui, l’approche sémiotique devient ainsi un moyen très utile à l’entreprise
pour s’assurer des contenus de sens de tous les signaux qu’elle émet, pour diagnostiquer leur potentiel communicatif, pour en vérifier l’adéquation au positionnement souhaité.
Par ricochet, elle permet à l’entreprise de mieux comprendre ses publics, leurs perceptions et ressentis, tous les effets que produisent sur eux les images qu’elle génère et les formes des objets qu’elle propose.
Ainsi, le design offre un champs d’études très fécond pour ce type d’analyse.
A partir des signifiants, des codes graphiques, de « la matière design », exprimés, la sémiotique peut établir méthodiquement comment le sens s’organise et se diffuse.
C’est l’entreprise que mène avec rigueur la sémioticienne Maria Cavassilas qui met à jour les catégories de l’expression du packaging dans son récent ouvrage « Clés et codes du packaging » assorti d’un logiciel. « Sa méthode permet à tout un chacun d’aborder le facing
d’un packaging avec logique ».
Il s’agit de repérer et catégoriser les codes de langages, les territoires occupés, les valeurs prédominantes,et « de mesurer l’influence de telle ou telle caractéristique visuelle du packaging sur la représentation que le consommateur se fera de la marque ou du produit »
Maria Cavassilas définit ainsi une grille de lecture qui rend compte de la structuration du langage visuel du packaging à partir de trois niveaux :
- la structure du plan de l’expression (décomposition de l’image en traits significatifs
- la spécification de la forme qui unit l’expression au contenu (lien signifiant signifié) en s’appuyant sur les figures de la rhétorique
-la structure du contenu publicitaire, définition des catégories qui structurent la forme
du positionnement du packaging.

Clés et codes du packaging
Sémiotique appliquée
Marina Cavassilas (éditions Hermes)

lundi 9 juin 2008

des femmes gaies, légères et qui pétillent / didier saco


je me souviens de dizaines de réunions consacrées à l’épaisseur d’un papier de soie, à la largeur d’un bolduc, à la profondeur d’un orange, à la matitude d’un noir, au bleu d’un rouge et au martelé d’un or

je me souviens de dizaines de défilés haute couture : le premier m’a stupéfié, par son récit évident, naturel, tout à la fois lié et délié ; le second m’a surpris : tiens, celà me dit quelque chose, le troisième m’a laissé un peu interdit : mais c’est la même chose que la dernière fois ! et il m’a fallu le quatrième pour comprendre le récit de la marque yves saint laurent

à travers ses défilés haute couture, son prêt-à-porter, ses parfums, ses maquillages, ses boutiques, yves saint laurent racontait une seule histoire, qui évoluait, au fil des années, de ses rencontres, de ses découvertes, de ses désirs et de ses ombres

cette histoire, c’est une histoire universelle, et le succès que la marque a rencontré, dans le monde entier, montre que toutes les femmes, de tous les pays du monde, l’ont comprise

je me souviens de copines fauchées qui, à partir de l’essence de la marque qu’elles avaient perçue et sans pouvoir s’habiller “saint laurent”, ont saisi la marque, l’ont adoptée, l’ont faite leur et ont choisi leur garde-robe et leur manière de la porter, de la marier et de leur faire vivre “selon yves saint laurent”

je me souviens d’une marque qui construisait son histoire sur des couleurs, des matières, des mouvements, des équilibres, des lumières, des brillances, des échancrures, des plissés et dont le récit était l’essentiel, avant ses produits qui en étaient les épisodes

depuis, d’autres marques sont venues, et d’autres viendront

ce que la marque yves saint laurent m’a appris, c’est l’idée de l’idée
la construction d’une marque s’établit à travers ses fondamentaux / un packaging, une annonce presse, un nom de produit, le bois d’un corner, un coffret pour la saint valentin / tous ses éléments inscrivent, mot par mot, couleur par couleur, matière par matière, le récit de la marque, et l’essentiel y réside

l’idée de la marque yves saint laurent, c’est celle de l’écho avec la vie, un tissu avec matisse, une couleur avec le champagne, une forme avec mondrian et une fleur avec l’idée du bonheur

bien sûr, le temps a passé, la fragilité des marques est devenue un composant “normal”, nombre de marques sont réduites à leurs produits et nos rues emplies de boutiques qui ferment six mois après leur ouverture

le designer ne peut pas garantir à une marque son succès, qui repose sur la pertinence de l’équilibre du marché et l’adéquation de la marque à le comprendre / ce dont le designer est capable, c’est d’apporter à la marque les composants culturels qui lui permettront d’installer son histoire dans celles de celles et ceux qui la porteront

longtemps, je me souviendrai de cet hommage à yves saint laurent, face à l’église saint roch, à paris, ce jeudi gris, où des centaines d’hommes et de femmes, de tous âges, de tous pays, de toutes cultures, parisiens, provinciaux, touristes, couturières, journalistes sont restés debout, pendant deux heures, tristes et silencieux
chacun d’eux témoignait de ce que la marque lui avait apporté, et qui ne relevait ni du marketing, ni de la communication, ni du produit ni du prix mais du culturel et de l’affectif
chacun d’entre eux portait yves saint laurent, qui dans sa mémoire, qui sur sa peau et qui sur ses épaules et tous sont repartis, tout aussi tristes mais en ayant perpétué un travail d’émotion, de partage et de transmission que nul ne pourra jamais acheter et qui relève de l’essentiel de la vie

rêve de marque

hommage

Le métier change / Anne-Marie Builles


La Zazou attitude
L’identité est pour l’entreprise le point de rencontre de ses cultures de ses valeurs, de la réalité du moment, de son image et de ses ambitions
C’est la définition qui a cours dans le métier du design d’identité visuelle.
Mais comment ça marche réellement, aujourd’hui, un projet d’identité visuelle ?
La revue Etapes graphiques dans son dernier numéro, sous la plume de Caroline Bouige en propose une illustration riche d’enseignements au travers d’une description très précise du concours « work in progress » proposé par l’Ecole Spéciale d’Architecture pour son changement de logotype.
Après avoir écarté les premières propositions de quelques « studios de renom » jugées trop « institutionnelles » l’équipe de l’école décide de lancer un concours international très large auprès de jeunes de jeunes diplômés.
L’annonce du concours se veut succincte pour « laisser parler le regard, l’interprétation et la créativité des candidats ». L’école recherche un visuel simple, symbolisant aussi bien l’inscription de l’école dans la contemporanéité que son caractère unique « spécial et libre », plus qu’un bon logotype, elle recherche une logique, un système, un univers.
Une seule contrainte délimite le cadre du projet; la désignation de l’Ecole Spéciale d’Architecture doit figurer en toutes lettres, in extenso, (les jeunes ne lisent pas les briefs, quarante dossiers sur la centaine reçus seront éliminés).
Au final l’équipe de l’école incite les candidats à la fantaisie, et attend une proposition « chic et zazou »
Trois projets seront finalement retenus, Caroline Bouige en analyse avec subtilité
Les partis pris et contenus graphiques. Les deux premiers projets sont intelligents mais manifestement inconciliables.
Le projet vainqueur du groupe « PlasTac » (pas le plus ambitieux ni le plus élaboré ajoute Caroline Bouige) présente un style graphique éclaté, en figures géométriques de couleur, un style déconstructiviste et « jazzy » pour prolonger la métaphore Zazou, à l’opposé, le projet de Cédric Quissola tout en rigueur graphique, très élaboré, très construit, progressant dans une logique orthonormée, « laissant courir tous les potentiels du système ».
À l’ère du tout communication, c’est la « mise en discours » libre, la qualité du lien émetteur/récepteur qui l’emporte sur la rigueur identitaire d’une « mise en signes », nous sommes loin « des fondamentaux » de l’identité. Privilège est donné à la forme sur le contenu.L’identité de l'école se résume finalement à une proposition pédagogique valorisant le « jeu », sa capacité à promouvoir une « attitude » particulière face à une tâche proposée, attitude ambivalente faite à la fois de liberté et d’implication, en somme une attitude propice à inciter le futur élève à s’adonner à l’étude avec intérêts et enthousiasmes multiples, tout en gardant l’esprit léger et libre face aux échecs de parcours.
Une très bonne stratégie commerciale pour une école privée.

Etapes Graphiques N°157 Juin 2008-06-06
www.etapes.com

lundi 2 juin 2008

tout est typo / didier saco


le designer n’est plus casé, et celui qui essaie encore de segmenter le travail du designer / design graphique, designer produit, design textile, web design / a mille trains de retard

le temps est passé où le graphiste concevait une affiche, le scénographe imaginait une vitrine et le designer dessinait un flacon

plutôt que d’acheter un produit, le cllent est devenu acteur majeur de sa propre vie, et ce qu’il a est devenu progressivement ce qu’il est

les marques sont donc devenues récitantes, et ce qu’elles concoivent, produisent et distribuent sont les épisodes de leur récit / à chacun de construire son histoire, en assemblant les épisodes qui lui plaisent et qui correspondent à ce qu’il veut, à ce qu’il peut et à ce qu’il est

c’est au designer de savoir raconter l’histoire, rendre une scénographie onirique, une affiche bavarde et un packaging complice

bernardaud vient de créer une collection de 42 pièces / plats, bols, brocs, assiettes avec agnès thurnauer, plasticienne enchanteuse / à partir de vaisselle blanche, aux formes pures et radicales, agnès thurnauer a imaginé tout un service basé sur les titres des tableaux les plus célèbres de l’histoire de l’art, de la renaissance aux avant-gardes russes, en jouant sur la typographie, à chaque fois différente et déclinée par bernardaud en effets gris métallisé et velouté par la porcelaine

les éditions galaade ont entrepris la même croisade / à partir du produit-base, le livre, dont chacun croit tout connaître depuis gutemberg, les éditions galaade ont réussi, avec la typographie, le papier, les marges, la mise en page, la pagination, les visuels à recréer un objet, le livre, à la fois intemporel et radicalement moderne

c’est la typo qui lie et permet à une affiche, une scénographie, un packaging d’être lisibles / à chacun de définir ce que lisible signifie / le passage de l’émotion est sans doute la réponse

la collection / agnès thurnauer / bernardaud 11 rue royale paris / www.bernardaud.fr/
galaade éditions / www.galaade.com

Petits signes entre amis/ Anne- Marie Builles


Sur sa page d’accueil, Google propose à ses publics la possibilité de personnaliser le logotype de la marque et anime régulièrement son logotype d’illustrations graphiques dédiés à un événement.
De la neige à Noël, des cloches à Pâques, les 55 ans de la première ascension de l’Everest….
Sur un logotype simple et fort sans surcharge, ces petites illustrations évocatrices de notre vécu ou commémoratives d’évènements sont autant de clins d’œil complices, de proximité ou
« signes d’attention » vers ses publics.
Ces petits signes peuvent paraître anodins, mais ils nous parlent et, selon l’événement suggéré, offrent à chacun l’occasion « de faire advenir son monde ».
Ils vont plus loin et en disent plus long sur le talent et la capacité d’une marque à établir un lien émotionnel subtil, fort avec ses publics. Ils « touchent » mieux que ne le ferait n’importe quelle stratégie de matraquage publicitaire ou déploiement d’une charte identitaire irréprochable et omniprésente.
Google est la marque la plus connue et la plus puissante au monde, elle bénéficie aujourd’hui d’un capital affectif très fort auprès de ses utilisateurs.
Pour construire une identité basée sur les services et la personnalisation de la relation,et rester leader une marque doit se mettre en totale disponibilité vis à vis de ses cibles. C’est le privilège des marques du web.
En faisant le choix d’une présence discrète et attentive, en n’essayant pas d’asséner ses messages, en ne jouant pas sur une relation de force mais sur une relation dynamique et d’interactivité , la stratégie « branding » de Google a toutes les chances d’établir une relation de confiance durable avec ses publics.