lundi 29 septembre 2008

ordre, désordre et design / didier saco


la merveille du temps présent / même s’il nous faut faire quelque effort pour nous détacher du quotidien / est la vitesse avec laquelle notre monde évolue et dont nous sommes, de gré ou de force, selon notre volonté, les spectateurs et les acteurs

tout change, très vite, et il nous faut, tout aussi vite changer nos habitudes, nos réflexes et nos vocabulaires, au risque de ressembler à ces danseurs qui se sont implantés de la matière siliconée pour sembler encore plus forts et qui, quand ils dansent, ont le corps qui bouge en deux temps

la jeunesse est apparue, invention des sociétés occidentales du 20ème siècle qui, auparavant, n’avaient pas segmenté, pour raisons commerciales, le passage entre l’enfance et l’âge adulte tout comme la vieillesse qui a disparu / il n’y a plus de vieillards / car ce n’est pas un segment porteur mais des adultes qui le demeurent, jusqu’à disparaître ou devenir déficients, sans passage intermédiaire

le bon ordre et son écho, le désordre, la remise en ordre, l’ordre des choses : toutes ces expressions relèvent à présent d’un passé lointain et dépassé, puisqu’aujourd’hui, l’ordre a disparu / et c’est très bien

ce qui relève du seul ordre, c’est celui dans lequel nous viennent nos idées, le matin, sous la douche, en tondant la pelouse ou en lisant le journal

le seul ordre, c’est celui de la conversation, de la concaténation des idées qui se suivent, s’enchaînent, qui semblent n’avoir aucun lien et qui pourtant constituent un récit


la merveille, c’est la scénographie de l’exposition d’émil nolde actuellement au grand palais à paris
première galerie : les œuvres à caractère religieux, qui se suivent selon une chronologie, séquencées par des illustrations et une bio : tout est normal ;
puis la période art dégénéré et, à nouveau, une chronologie et, à nouveau, une bio : tiens, c’est curieux ;
puis une troisième partie, les œuvres à caractère nature et, là, à nouveau, une troisième bio et une troisième chronologie et, tout à la fin de l’exposition, au détour de la dernière salle, le portrait d’émil nolde et de sa compagne que l’on n’avait pas vu de toute l’exposition

ces trois chronologies, ces trois bios qui, au sortir de l’exposition, peuvent faire chaos, désordre, donnent au contraire à l’exposition toute son énergie et permettent une approche polyforme du travail d’émil nolde, et cette segmentation crée une énergie, une curiosité, un croisement d’informations stimulant

le designer est précurseur, et la scénographie de l’exposition démonte l’ordre, qui va de la naissance au décès de l’artiste qui n’ont d’intérêt que pour lui et ceux qu’il a aimés, pour organiser une lecture de son travail autour de ses trois axes principaux

qui eût pu imaginer, au siècle dernier, des sièges en papier, des panneaux signalétiques transparents, des cloisons en toile ajourée, une scénographie d’exposition avec trois bios et le portrait de l’artiste, en noir et blanc, juste à la sortie ?

l’implication du designer à toutes les étapes de la création, qu’elle relève du produit, du service, du meuble, du textile ou du transport est essentielle car c’est à partir de l’usage et non de l’ordre que le designer travaille

et si le bronze, l’or et le marbre ont pu, pendant des siècles, symboliser la force et le pouvoir de quelques uns, ce sont les designers qui, en quelques dizaines d’années, ont pu renverser l’ordre des choses et travailler au confort et à l’usage du plus grand nombre, en posant en premier la question de la fonction avant celle de l’image

emil nolde / 1867 1956
galeries nationales du grand palais à paris, jusqu’au 19 01 09

La sémiotique appliquée au packaging / am builles

















Le design packaging ne fait pas seul le succès à tout coup d’un produit, mais il peut précipiter son échec ; il reste déterminant à l’instant ultime de l’acte d’achat.
On lui demande beaucoup : expliciter, différencier, valoriser et séduire.

Comment être sûr qu’il remplit bien son rôle ?
La méthode comparative chère à la sémiotique peut nous y aider et la mise en regard de plusieurs visuels packaging choisis dans une même catégorie produit peut être riche d’enseignement et esquisser quelques pistes de réfléxion.

Où il est question dans la présentation des trois packs suivants
d’identité de marque, de philosophie et d’expérience sensorielle :
Tropicana, Innocent et Adez, trois visuels pour exprimer les propriétés sensorielle et naturelle d’une nouvelle boisson de fruits mixés « smoothie »

Tropicana Smoothie
Une nouveauté de plus qui s’ajoute à la gamme imposante de Tropicana, marque
Internationale et hégémonique sur son marché, un savoir faire reconnu grâce à « l’expertise de ses maîtres fruitiers » : tous les fruits vont à Tropicana et Tropicana sait les transformer.
Un pack qui reflète bien l’efficience et la souvraineté de la marque, une compréhension immédiate du concept produit, le mix onctueux tout juste sorti du blender, rien à ajouter, efficace.
Manque la « new sensation » ; l’effet « smoothy voice » de Nina Wall qui accompagne l’autre lancement du même produit au Royaume Uni.

Innocent smoothie
Une image pack qui incarne une philosophie, un objet non identifié du marketing éthique, apparu récemment sur nos linéaires, dont Monoprix, il nous vient du Royaume Uni.
« Innocent »la marque ! des jus garantis naturels sans ajouts concoctés sur « le mode éthique de A à Z », l’auréole en est le symbole. Les acteurs de la marque se proclament comme une tribu, notre famille, notre éthique, notre histoire, nos voitures et délirent joyeusement au verso du packaging sur les aventures d’ un nain à six doigts qui a du mal à éplucher les mangues.
Manifestement ces gens ont envie de rester « entre soi » ; faudra-t-il être « initié » pour comprendre un produit ?
Aux dernières nouvelles, une petite étiquette ajoutée au linéaire signale qu’il s’agit d’un breuvage de fruits mixés.

Adez
La smoothie touch, c’est lui. Notre coup de cœur packaging, trouvé sur le site que nous recommandons: the Dieline d’Antoine Gibbs" the web’s leading package design blog".
Il s’agit pourtant d’une recette un peu différente, un « blend of fruit juice and soya »,un produit de bonne santé mais la smoothy touch est là, onctuosité, plaisir et gourmandise, « un pack in lively bright colours with fruity illustrations inspired by the spirit and vibrancy of Latin America, graphics 100% hand made, the enjoyment rather than sacrifice » : tout est dit et avec quel talent !

A quoi ça marche, un bon packaging ?
ça marche au bon design, celui qui saura le mieux exprimer la sensation, le plaisir, l’en-vie, entre le blender de Tropicana, l’auréole de l’Innocent et la vibration d’Adez:
je choisis……l’émotion

http://www.thedieline.com/

lundi 22 septembre 2008

cosmétique / du bon usage des mots / didier saco


chacun d’entre nous, et en particulier les français, connaissent la place et l’importance de l’industrie cosmétique dans notre histoire, dans notre réalité et nos projets

aussi, découvrir le mot cosmétique utilisé, dans un article, au cours d’une intervention dans un sens qui signifie “accessoire, superficiel, frivole, léger, inconséquent” est violent et ignorant et, en tous les cas, totalement inadapté et irrespectueux pour les 500 000 personnes qui y consacrent leur activité professionnelle, dans la seule europe

juste quelques chiffres, dont chacun d’entre nous se souvient : la seule industrie cosmétique européenne est leader mondial et représente plus de 35 milliards d’euros par an, renouvelle chaque année 25% de sa production et emploie directement 150 000 personnes et, indirectement / vente, distribution et transport / plus de 350 000 personnes

s’il est donc une activité éminemment respectable, autant en termes d’emplois que d’innovation et dans laquelle nous sommes, nous designers, directement impliqués, c’est bien la cosmétique

les combats que nous menons, chaque jour, pour mieux faire connaitre nos métiers, sont éternels /
nos activités, nos histoires et les hommes et les femmes qui les construisent sont nos meilleurs outils et les mots, comme les couleurs, les formes et les usages, que nous utilisons sont nos meilleurs arguments

c’est à nous qu’il appartient d’en faire le meilleur usage

jane fonda / dans le monde entier

Two signs for sense / anne-marie builles


Le slogan Monday design « signs for sense » dit assez le fil rouge de notre propos. Si nous allons parfois à sauts et à gambades, à partir de sujets d’étonnements très divers, on dira que « c’est l’amour vif et joyeux du sujet qui nous guide » vifs, nous nous y essayons toujours.
Et la discipline design autorise toutes les connections inattendues.

Le vif de la semaine, deux sujets sur « le quotidien de nos objets » aux antipodes l’un de l’autre.

L’exposition aux Arts Décoratifs à Paris des vingt projets sélectionnés pour la première édition du prix Emile Hermès, « le sens de l’objet » :
le thème de l’appel à projets était « la légèreté du quotidien » ; en ces temps un peu lourds, certaines maisons de luxe ont parfois des raccourcis plaisants.
700 dossiers ont été envoyés, provenant de quatorze pays d’Europe, et les premier et deuxième prix n’ont pas été décernés.
A légèreté de la question, légèreté de la réponse ! Légèreté aussi de ces marques qui multiplient à l’envie des concours pour souvent de piètres résultats ; que d’énergie et de talents dissipés sur des briefs approximatifs et plats ; un peu de récit et de sollicitation de l’imaginaire n’auraient pas été de trop pour stimuler les talents, surtout venant d’une entreprise qui n’en manque pas.

Le vif, la provocation salutaire vient de Chris Jordan qui stigmatise à travers ses photos l’obscénité de notre consommation et nous offre une vision simple et glacée de la somme de nos comportements individuels (exposition Vevey du 11 au 30 septembre). « Les individus s’effondrent, les objets leur survivront, soit nous réalisons ce que nos comportements impliquent, soit nous mourrons en tant que civilisation».
Les patrons de la Sillicon Valley qui se réunissent chaque année à Monterey, pour la Conférence Technology Entertainment and Design, l’y ont invité cette année.Les choses changent, dit-il amusé, puisque les multinationales m’invitent.
Le design qui ira dans le bon sens est celui qui inspirera et donnera les motivations et les stratégies pour réaliser les vrais changements que nous savons tous devoir faire.
Celui qui saura imposer des logiques du sensible contre les logiques industrielles et marchandes.

Chris Jordan,exposition Vevey du 11 au 30 septembre
Exposition Prix Hermès (les Arts Décoratifs du 17 au 30 septembre)

Photos :
Concours Hermès :porte-manteau Suzan Stofer
Chris Jordan

lundi 15 septembre 2008

design, de la légèreté et de l’effort / didier saco


la légèreté a disparu
tout comme l’insouciance dans les années 1980, les années 2000 en ont sonné le glas

europe, mondialisation, prix des carburants, allongement de la durée de nos vies, réduction des certitudes ou inflation des aléas / climatiques, économiques et personnels / chacun a intégré la gravité dans son quotidien et dans nos métiers / chaque projet nécessite plus de garanties, de validations, de bons à tirer, d’épreuves couleurs, de prototypes, d’expertises et donc, plus de temps passé et, en même temps, les budgets se réduisent et les marques de réduire d’autant la rémunération de ce temps-là qui a pris le pas sur celui de la création

le rose est devenu mauve, le papier est devenu carton, le carton-mousse s’est épaissi et les bâtiments carrés ou rectangulaires, classiques et à angles droits, s’adaptent à présent aux vents, à la lumière de la ville, aux accidents du terrain et aux idées et aux humeurs de ceux qui les concoivent et de ceux qui les achètent

et l’effort est tenté de suivre la même voie
inspiré par ceux qui nous gouvernent et qui semblent agir dans une sorte d’urgence perpétuelle et qui efface le temps, l’effort n’a plus la cote
l’idée s’installe qu’il suffirait de déplacer l’existant pour que, sans délai, sans effort et sans sacrifice, tout s’améliore et que chaque mesure, chaque réforme prise amène dans l’instant quelque avantage

comme si l’apprentissage, le temps passé, l’histoire, le travail et l’effort n’étaient plus nécessaires et que le naturel, l’inspiration et le génie semblaient les avoir remplacés

le festival d’automne à paris nous dit tout le contraire / depuis 37 ans, date de sa création par michel guy, le festival d’automne à paris nous offre à chaque rentrée une source exceptionnelle d’idées, de concepts, d’inspirations, de stimuli et de plaisirs
arts plastiques, musique, théâtre, danse, video, installations, lectures / la sélection, réalisée chaque année par marie collin, nous offre autant de rencontres avec la création du monde entier que d’échos à nos travaux
lumières, sons, espaces, couleurs, matières / chaque proposition du festival d’automne est geyser / qu’ils soient japonais, italiens, belges ou basques, chaque concepteur, dans sa matière, et parfois en transversal avec d’autres animations, nous propose un fil déroulé, qui nous déroute, nous séduit et nous embobine /
à nous de le rembobiner à notre tour, et à nos histoires

qui croire ?

festival d’automne à paris / 13 septembre - 21 décembre 08
www.festival-automne.com

lundi 8 septembre 2008

viva via / dry design in paris / didier saco


tout ce que l’on aime
via présente pendant plusieurs semaines dans ses locaux à la bastille un digest du mobilier et des accessoires conçus par gae aulenti, olivier mourgue, michel hamon, quasar, jean-louis avril, terence conran pour prisunic

au-delà des pièces montrées et de l’ambiance 70, que certains se plaisent parfois à regretter, en oubliant vite jean royer, gabrielle russier et la mort prématurée de françois cevert, l’intelligence de l’exposition est dans le déroulé des causes et la pertinence des moyens trouvés : l’offre de meubles bon marché face à la construction de centaines de milliers d’hlm à équiper, et la vente de meubles par catalogue pour cause de manque de place dans les magasins

quant à fabrice peltier, toujours malin et célère, il installe son agence au cœur de paris et y ouvre une galerie consacrée au packaging et à toutes les créations qui lui sont chères / la programmation est déjà full pour toute l’année

tout ce dont le design à paris a besoin
ces deux initiatives sont d’autant louables qu’elles rendent notre horizon parisien encore plus sec
sans doute dans tous les métiers de la création mais peut-être plus encore dans le nôtre où nous sommes, comme les abeilles, à butiner mille fleurs pour créer notre miel, nous avons besoin, pour nourrir nos idées, comprendre nos partenaires et pour innover, de nous abreuver à des sources / les galeries, les musées, les sites en sont, certes mais le partage d’expériences et le montrage de résultats, expérimentaux ou définitifs, râtés, refusés ou sucessfull sont inégalables

et le paris du design is dry
bien sûr, l’observeur du design, mais une fois l’an
quel temps perdu, alors que nous avons à paris des marques talentueuses, des artisans exceptionnels, des experts émérites, des écoles compétentes et des étudiants affamés
alors que nous brûlons de tout savoir sur les potentiels de la porcelaine, les réalisations de jean dubuisson, la résistance des cartons, la date de création de prochaines couleurs, les alliances possibles entre l’eau et la lumière et les limites d’options possibles d’offres pour nonagénaires ardents

il nous faut alors aller à londres, à milan, à lyon, à clermont-ferrand, à bâle et à neuchâtel, et les voyages forment la jeunesse

ou créer, comme prisunic, à paris des collectives de talents convergents et stimulants qui puissent, tout en même temps, apprendre, comprendre, transmettre, s’amuser et gagner de l’argent / possible ?

Design militant / anne-marie builles


En avril 1968, joli printemps, le magasin populaire prisunic crée le premier catalogue de vente de mobilier par correspondance qui rassemble des créations signées par de jeunes designers ; ils se nomment Terence Conran, Olivier Mourgue, Gae Aulenti, Marc Held, Marc Berthier.

40 ans après, le VIA célèbre l’anniversaire de cette expérience pionnière, l’occasion de démontrer, note justement Gérard Laizé, « la vocation du design à se démocratiser » et d’esquisser le vœu
« qu’une telle démarche serait bien d’actualité….. » quand force est de constater que jeune création et distribution ont du mal à se rencontrer.

Au commencement de cette aventure design militante et inspirée, audace et foi dans l’avenir, mobilisation, dynamique et stratégie managériale tendues vers la cible.

Les protagonistes : un dirigeant visionnaire, Jacques Gueden, qui pense « que les arts se servent mutuellement et annoncent les tendances », une instigatrice déterminée, un esprit libre, l’œil esthétique du projet, la styliste Denise Fayolle, conviction et enthousiasme chevillés au corps, une ligne éthique qui ne la quittera pas : « offrir le beau au prix du laid et faire bénéficier le plus grand nombre des créations les plus pointues ».

Une exigence de tous les instants pour choisir et créer l’alchimie entre les meilleurs talents, graphistes, photographes, designers
publicitaires, forces de vente, tous soudés par l’esprit d’équipe et la fierté de travailler pour la marque.

On se frotte les yeux : le résultat est magique et crée l’événement à chaque parution. Un parti pris « style de vie » en mouvement et optimiste, des lignes simples, nettes et architecturées par la couleur, une cohérence absolue, de l’identité globale du projet design « Qualité, prix et style », jusqu’à l’infini détail.

Morale de l’histoire : la motivation, les échanges, la défense d’une éthique créent l’énergie d’entreprendre.

Designers, retrouvons l’esprit militant !
Tant de causes et d’idées à promouvoir au regard de tant de frustrations pour les designers et pour un public avide de nouveautés.

Pour qui, pourquoi voulons-nous travailler ? Le design se fait-il à la galerie Perrotin / paris 3 ou chez Ikea ? Quelle troisième voie démocratique, quelles idées, quelles causes voulons nous promouvoir ? Monday Design lance le débat.

« prisunic & le design, une aventure unique »
Au VIA, depuis le 5 septembre jusqu’au 30 novembre
Exposition d’une cinquantaine de pièces de mobilier et d’objets
Coédition avec Alternatives d’un livre d’Anne Bony
Prisunic & le Design.


Photo site : la "cible" identité visuelle prisunic

mardi 2 septembre 2008

le mythe d’aladin / design narratif, design efficient / didier saco


pourquoi jean nouvel vient-il d’obtenir seulement cette année le pritzter prize, et pourquoi son projet de la tour signal dans le quartier de la défense vient-il d’être retenu cette année alors que celui de la tour sans fin, merveille d’audace, d’intelligence et performance dans le même quartier a été refusé, il y a vingt ans ?

pourquoi olivier roellinger, cuisinier à cancale, recueille t’il tous les suffrages, dans le monde entier et convainc t-il même les plus réticents, en mélangeant dans une casserole un bout de poisson ou de crabe et quelques épices ?

parce qu’ils racontent des histoires / la leur, celle de leurs projets, de leurs désirs, de leurs produits à partir d’émotions, de poèmes, de mystères, de voyages et de rencontres et qui devient la nôtre, au fil d’échos, de réminiscences, de découvertes et de confiance

écrire l’histoire de la marque prend du temps, autant pour en installer les fondamentaux que pour donner à chacun le temps de les comprendre, de les assimiler et les désirer

et le designer peut être le premier récitant de la marque
l’époque n’a jamais été aussi exceptionnelle en moyens, en supports, en outils, en matières à notre disposition / couleurs, matières, formes, accélérations des communications, décloisonnement des usages, prototypages rapides / et tous les récits de marque sont possibles : historiques, émotionnels, institutionnels, responsables, citoyens


la légèreté s’est juste estompée / à chacun de l’attribuer, selon sa culture, son histoire, ses projets et ses humeurs : mondialisation, récession, pertes de pouvoir, de confiance, de marchés ou d’appétence

et le grave l’a remplacée

la marque a alors besoin, et nous le dit chaque jour davantage, que nous étayons, expliquons, détaillons chacun de nos projets, nos sources, nos intuitions, nos intentions et nos méthodes, nos techniques et nos équipes / quel matériau ?, pourquoi ?, quelle épaisseur ?, quelle résistance ?, quel temps passé ?, quelle justification de nos honoraires ? pour pouvoir, elle aussi, s’engager, en prenant des partis-pris, en choisissant, en validant, en accompagnant et en soutenant nos projets

paul smith, en lançant son nouveau parfum, rose, n’a pas choisi d’illustrer son produit avec des couleurs délicates, des pétales, des épines et des doubles pages david hamiltonesques : un jus fort, un pack secondaire blanc avec typos noires, un flacon lourd et qui tient en main et un lancement en réseau : ses boutiques / l’histoire de la marque est la caution de son produit, et son récit efficient

olivier roellinger, trois étoiles de mer / christian lejallé / flammarion 49.00 euros

Bad buzz pour orange / am builles


Quand la ficelle est trop grosse….

Quelle marque ne rêve pas, comme Vuitton Champs Elysées, de voir s’étirer une longue file d’attente devant les portes de sa boutique.
Apple en rêve, Orange l’a fait.
Dans la nuit précédant la mise en vente de l’Iphone en Pologne, l'opérateur Orange (France Telecom) a payé des figurants pour former de fausses files d'attente devant ses magasins, ironie de la scène qui rappelle aux Polonais l’époque d’avant la chute du communisme lorsqu'ils étaient contraints de faire la queue des heures pour acheter des produits de première nécessité.
Résultat : un«Bad buzz »pour Orange, qui s’est répandu comme une traînée de poudre dans la presse et sur le web. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé.
Sur le fond, une première réaction ; le simple bon sens commercial nous enseigne qu’un produit désirable s’accomode mal d’une tromperie.
Quant à la méthode « susciter le buzz », elle s’appuie traditionnellement sur les valeurs de complicité, de franchise, d’écoute, de participation qui conditionnent son succès. La simple définition du buzz comme « source authentique » d’information grâce à laquelle chacun peut devenir l’ambassadeur d’un message ou d’une idée,
Ou d’un produit oblige à prendre certaines précautions dans l’exigence de vérité.

« Flatter la rareté » est le fond de commerce des marques de luxe. En manipulant et multipliant à l’envie des signes « élitistes » vers leurs cibles, elles sont aussi devenues très expertes et subtiles dans le maniement du buzz.
Même si le mode de lancement de l’Iphone a tous les attributs d’une stratégie de luxe, un prix élevé, une distribution et un service exclusifs, une communication axée sur le rêve qui développent une esthétique de l'expérience unique et un sentiment communautaire fort, Apple n'est pas une marque de luxe comme les autres, du type Vuitton ou Prada. Apple se veut démocratique, jeune et « design ». A travers ses produits, l’entreprise a construit un vrai système de valeur, une vision, qui sous-tend une dimension politique et sociale.

Mais ce qui la distingue entre toutes, c’est justement son rôle de référant en matière de design.
Pour Apple, le design n’est pas un simple outil de relooking mais le vrai moteur de sa stratégie, une approche qui oriente toute sa réflexion en termes d’esthétique d’usage et d’appropriation des nouvelles technologies de la part des usagers.
Une telle démarche produit est fondatrice d’une éthique et engage la marque dans un vrai de contrat de confiance vis à vis de ses publics.

Flatter la rareté est un bon vieux truc commercial mais peut se révéler dangereux pour l’éthique et les valeurs d’une marque leader.Dans le cas présent, les deux marques en font les frais.
Pour Orange, ce truquage est manifestement en déphasage avec sa vocation de « connect »opérateur, de marque « relationnelle » portée par les valeurs d’échange, de transparence,de proximité et de simplicité.
En ce qui concerne Apple, ce type de manip porte atteinte aux valeurs intrinsèques de l’expression design de ses produits et à la mythologie entretenue par la marque

« Tout produit ou objet design a son sens et développe en lui même sa propre stratégie »(jean-Pierre Vitrac).
Cela concerne bien évidemment, aussi son mode de commercialisation.Les clients y sont d’ailleurs plus en plus attentifs, beaucoup d’entre eux s’intéressent à l’origine, la traçabilité, à la cohérence de l’ensemble de production des objets jusqu’à leur mise en scène sur le marché.
Le design « global » y travaille, et y trouve toute sa signification.
Face à un marché mature et exigeant (Polonais compris….) il a aujourd’hui toute légitimité pour proposer aux entreprises de nouveaux scenarii, de nouvelles logiques de commercialisation…..

Photo site www.q-matic.fr