lundi 23 février 2009

passages / didier saco


tout est signe, et tous ceux que nous recevons, et envoyons, font sens

l’hôpital de garches s’est trouvé, lors du décès de l’un de ses directeurs, confronté à la réalité d’un corps familier exposé dans une salle totalement dénuée de toute réflexion sur son usage et sa fonction
à partir de cette expérience, l’hôpital a initié un projet, aujourd’hui opérationnel, conçu par le designer italien ettore spaletti : la salle des départs / the last good bye
plusieurs salles d’approche, une salle de recueillement, un univers construit à partir de couleurs, de matières, de fontaines, de mobiliers et de sons, conçus par robin rimbaud et david lang et qui incitent à l’apaisement

ce travail est exemplaire, au-delà de celui d’ettore spaletti, de la part d’une structure dont la fonction principale est le soin, et la seconde, qui semble contrainte de prendre le pas sur la première, la rentabilité et la gestion de l’espace hospitalier, et le résultat stupéfiant et efficient auprès des proches et des parents
en investissant ce territoire, la marque élargit son espace d’intervention, au delà du soin apporté et de l’écoute prodiguée et installe une humanisation, par les mots, les matières et les intentions qui dépasse l’attendu

le passage, c’est ce qui semble devenir le fondamental de nos commandes : une communication pour une exposition culturelle qui doit faire vendre, un pack d’eau minérale qui doit faire terroir et une scénographie qui doit démontrer avant que de montrer

nos curseurs se déplacent, et chacun d’entre nous quitte sa case “casé” / design pack, design son, design print / pour devenir généraliste / la signifiance de la couleur, l’importance de la circulation dans un espace, le blanc sur un pack ou une annonce-presse, la réflexion sur la gestion de la pose d’une enseigne et la souplesse de pouvoir passer de l’autre côté du miroir et d’imaginer, au-delà du dit, les problématiques de la marque face à des territoires multiples et à un discours qui se réduit

c’est ce que parcourt jean christophe choblet, scénographe urbain en concevant une video sur l’aller, et materio tout autant en organisant une journée de réflexion sur la matière animale

souplesse requise

urbane affects 2 / jean-christophe choblet / www.dailymotion.com
caméléon, léon une journée matério autour du biominétisme en partenariat avec le cnrs le 17 03 / 01 56 23 20 00 élodie pour infos

David La Chapelle / le roi est nu / anne-mairie builles


Vous ne regarderez plus un journal de mode comme avant, après avoir parcouru la rétrospective du photographe David La Chapelle à la Monnaie de Paris.
L’affiche annonce donne le ton iconoclaste de la rétrospective, un portrait de sa muse Amanda dans un style warholien hyperréaliste saturé jusqu'à l’obscénité.
Choc frontal avec un univers « pop baroque » totalement visionnaire et prémonitoire.
La factory David La Chapelle tourne depuis peu à plein régime, pour réaliser de somptueuses fresques allégoriques annonciatrices d’un monde qui court à l’apocalypse joyeuse. Chaque prise de vue déploie une machinerie de mise en scène stupéfiante, un casting de reality show, des arrêts sur image d’une prodigieuse exubérance, où rien n’est laissé au hasard.
Fou de lumière et de couleur, en photographe de mode qui ne renie rien, rompu à toutes les exaltations de l’esthétique factice, le regard de David La Chapelle nous jette de délires en délices bariolés et luxuriants où le kitsch le dispute au glamour, la pose extatique à l’emphase gothique.
David La Chapelle ne fait qu’authentifier une société de consommation ivre d’elle-même et flattée par le star system, dernier stade d’un narcissisme éperdu où l’autre n’a plus de visage.
A ce niveau de paroxysme et d’ « excess » le propos est totalement subversif mais jamais désespéré. L’exhibitionisme des corps-surfaces fait écran au vide qui nous guette mais « crie » une humanité en souffrance d’amour.
Du plus profond de l’horror vacui demeure l’espoir de remonter à la surface (Awakened).
Au premier plan de « Cathédral », un visage d’enfant énigmatique nous regarde, fantasme d’une innocence qui peut encore nous dire que le roi est nu.

David L a Chapelle à la Monnaie de Paris
11 quai de Conti Paris 6
Du 6 février au 31 mai

Photo : Cathédral, David La Chapelle 2007

lundi 16 février 2009

french design / didier saco


la merveille des mythes, c’est qu’ils sont éternels
tout comme psyché symbolise, sans faillir depuis 22 siècles, l’accès à l’éternité grâce à cupidon, fils de vénus, nos débats sont régulièrement agités par les mêmes récurrences : la rémunération des compétitions, la paire design/dessein et les aléas ubuesques des appels d’offre

la french touch, le design français est aussi un tube qui fait toujours recette

anne-marie boutin, de l’apci, a l’habitude de dire que c’est à l’étranger que l’on mesure la spécificité du design français
bien sûr, nul ne peut ni ne veut établir d’échelle de valeurs comparatives du design à partir de sa nationalité, et la tentation nationaliste actuelle de certains pays face à la situation mondiale actuelle est un argument dissuasif supplémentaire

la spécificité du design français ne peut en rien tabler sur un quelconque meilleur, même si chacun d’entre nous, de retour de londres, de milan, de bruxelles ou de tokyo a tentation, comme les enfants, à trouver la purée meilleure chez ses copains et le design extra-muros plus juste

et la quantité chaque année accrue d’étudiants en design venus du monde entier poursuivre leurs études en france est un indicateur précis, tangible et réel

l’histoire du graphisme, édité par les arts décoratifs, apporte une réponse fulgurante, et les pages qui défilent déroulent toute l’intelligence du monde, créée en france
cinzano par savignac en 1951, mazda par rené herbst en 1930, les galeries lafayette par cassandre la même année, jean widmer pour les autoroutes du sud en 73 et phillipe apeloig pour le musée d’orsay en 87 / la pertinence de ces designers ne réside pas dans leur nationalité mais dans leur champ de création

si l’on peut revendiquer une spécificité du design français, c’est son environnement
le travail de raymond subes, ferronnier d’art créateur des balustrades du paquebot france, des colonnes du pont du carrousel et du mémorial porte d’orléans à paris s’inscrit dans le mouvement des arts décoratifs et celui d’arik levy dans les recherches d’eillen gray

la french touch, c’est la proximité, la curiosité jamais assouvie et la familiarité à 25 siècles de création artistique, technique, culturelle, sociale et industrielle qui se sont exprimés sur un même territoire et savent convaincre, séduire et y attirer des créateurs du monde entier

la french touch, c’est le savoir pouvoir, et le pouvoir créer / savoir trouver ceux qui savent, les chercheurs et les créateurs, et pouvoir trouver ceux qui peuvent, les artisans et les industriels, réunis

histoire du graphisme en france / michel wlassikoff / les arts décoratifs / 45.00 euros

Design, feuille de route / Anne marie-builles


Avec « le designer », allons-nous désespérer ne plus avoir à réinventer la définition du design ?
Reconnaissons que Jean Jacques Urvoy et Sophie Sanchez ont fait le tour de la question, une véritable somme sur la fonction design, enfin « presque », car le livre est promis à une perpétuelle évolution.
Il n’existait pas d’équivalent pour guider utilement la collaboration entreprise/designer.
Qu’ils soient remerciés d’avoir fait œuvre intelligente, documentée, précise et didactique, une véritable somme des bonnes pratiques qui président au bon déroulement d’un projet design, de sa conception à sa mise en place.
Il s’agit bien au sens propre d’un « manuel », d’un livre de « formation », clair, vivant, riche d’explications et d’illustrations, mini-cas, entretiens décrivant actions, comportements, méthodes et tâches nécessaires à la conduite du projet.
Ici ne prévalent ni les parti-pris d’intention du designer ni la démarche stratégique propre à l’entreprise, c’est le « faire ensemble » et le « comment ça marche » qui importent.

On progresse de façon méthodique et exhaustive sur la compréhension des méthodes, des attitudes, des disciplines nécessaires à l’instauration d’un véritable échange, entreprise / designer.
Le message est clair : « le designer n’engage pas son style mais le style et l’image propre à l’entreprise ».
L’intérêt juste du propos est d’arrimer d’emblée la tâche du designer à la stratégie de l’entreprise, d’en explorer systématiquement les responsabilités et les obligations de part et d’autre.
Ce livre est essentiel à tous, étudiants, designers et tous les acteurs de la vie économique.
À tous, comme le soulignent les auteurs, parce que le design s’impose aujourd’hui comme design de communication, communication de l’entreprise ou de la marque vers ses publics dans toutes ses dimensions d’expression visuelle (identité graphique, produit, architecture commerciale).
À tous parce que le design s’impose comme acteur majeur de l’économie globale en impliquant vision et stratégie de l’entreprise à tous les niveaux de décision.

Un pouvoir de démiurge pour le designer, une liberté qui n’est qu’un paradoxe de plus et l’oblige « comme tout créateur à être doté d’une bonne culture générale à la fois artistique et technologique, un sens aigu de la curiosité, ouvert sur le monde et sur les autres : les hommes, les cultures, la philosophie, les tendances, les nouveautés, les arts et les voyages….
Écouter, dialoguer, partager, transmettre et rester modeste, qualités qui lui seront nécessaires pour appréhender la relation de l’utilisateur avec l’objet, cerner les intentions des entreprises et donner la bonne réponse à leur problématique ».

ps perso : au jeu du je me souviens, que les auteurs soient remerciés d’avoir rappelé (à certains), au détour d’une page, la douce odeur d’amande du petit pot de colle Cléopâtre de notre enfance.


Le designer, de la conception à la mise en place du projet
Jean-Jacques Urvoy / Sophie Sanchez
Editions Eyrolles

lundi 9 février 2009

Valeurs


Essensis / Danone : épilogue
Danone stoppe la vente du yaourt Essensis, le yaourt qui nourrit la peau de l’intèrieur.
Echec d’un premier pas dans la cosmétofood.
La faute à la crise ?
Mais si l’on entend par crise une remise en question de valeurs qui ne nous parlent plus, l’échec trouve son explication.
Le communiqué de Danone dit assez bien sa volonté de recentrage et la perception diffuse des raisons de son erreur .
« Nous continuons à croire dans ce territoire de la dermonutrition, nous n’abandonnons pas les produits avec un bénéfice santé, et de clore le communiqué par l’affirmation d’une volonté de se recentrer sur ses marques piliers. »
Persister, oui mais en retenant la leçon que la signature importe tout autant que l’engagement.

Ce qui s’est passé restera un cas d’école de la démarche marketing et design d’une marque disposant d’un fort capital confiance qui n’a pas respecté dans l’expression visuelle d’un produit ses valeurs essentielles, leur cohérence, leur pertinence par rapport à son engagement santé et nutrition.

Quatre recommandations marketing furent transmises à l’agence de design :
- se faire rapidement remarquer dans les étalages par sa cible,
- se distinguer dans l'identification de la nouveauté,
- être pertinent,
- être attirant pour mettre en valeur l’aspect plaisir du produit.

Ces recommandations ne sauraient à elles seules tenir lieu de valeurs pour le consommateur.
Le simple glissement sémantique de « dermonutrition » à « cosméto food » en dit long sur l'attitude d’un marketing qui prétend « créer son client ».
Ensuite la « disruption » a fait son œuvre.
Mais quand bien même nous serions toutes des blondes, fallait-il affubler ce yaourt d’un habillage cosmeto poupée Barbie ?
C’est bien mal apprécier les trésors d’intelligence créative et subtile que déploie l’industrie cosmétique pour nous séduire.

Pour Thierry Wellhoff, dans son livre valeurs, le temps est révolu où deux attitudes d’entreprise vis-à-vis des valeurs pouvaient cohabiter : d’un côté, l’entreprise qui se veut citoyenne, de l’autre celle qui vend.
Parce que ce qui fait lien dans la chaîne de valeur, c’est le sens, parce qu’on attend d’une marque et de ses produits qu’ils reflètent de façon transparente et cohérente les valeurs de l’entreprise, à l’intérieur comme à l’extèrieur, certains exercices de séduction commerciale sont à manier avec précaution.

Vers un client qui devient moraliste et qui veut consommer raisonnable et responsable à tout instant, la marque doit penser au sens de ce qu’elle fait.
Selon le propos paradoxal de Comte Sponville, c’est parce que il n’y a pas de morale de l’entreprise qu’il doit y avoir de la morale dans l’entreprise.
Cela veut dire simplement qu’à partir d’une plateforme de valeur définie, le sens est donné et la responsabilité de s’y tenir doit se prendre à tous les niveaux.
Ce qui fait lien dans la chaîne de valeurs, c’est le sens.
Tout contre sens, ou manque de transparence, ou fausse promesse se paie cash.
Culture et éthique ne peuvent être des alibis.
Faire à partir de ce que l’on est.
Le sens est l’essence de la question Ethique.
Dommage pour Essensis.

Les valeurs
Thierry Wellhof (editions Eyrolles)

mardi 3 février 2009

augures / didier saco


certains ont choisi de décrypter, d’analyser les signes que nous émettons et d’en tirer des perspectives

pythie, oracle, cabinet de tendances, étude de styles : multes marques, qu’elles soient textiles, horlogères, alimentaires, cosmétiques, automobiles et autres construisent leurs collections et bâtissent leurs avenirs sur des cahiers de tendances

valeurs de refuges et humeurs combatives, idées intuitives et créations instinctives : ce qui fait notre quotidien, ce qui a fait les années de ceux qui les ont conçus et fera l’avenir de ceux qui les suivront relève de l’air du temps

envies de jardin, graffitis, scarifications, jeunisme frénétique, petites filles princesse et charlotte rampling manga, art, design, architecture et mode plus affirmés que jamais, marques repères majeurs, altruisme, nationalisme et monolâtrie / li edelkoort fouille notre environnement, par ses voyages et ses analyses et connecte ses informations glanées pour en prévoir les tendances et les changements à venir dans nos modes de pensée et de vie

les tendances ne sont pas de simples engouements destinés à faire la couverture pendant une semaine de magazines papier glacé / ce sont des phénomènes socioculturels à long terme et que l’on retrouve, chacun d’entre nous, dans nos comportements d’achats, de styles de vie et dans nos engagements sociétaux

reste à déterminer où est l’œuf et où est le volatile : nos métiers, par nos fondamentaux qui sont la recherche constante du mieux, sont toujours en amont, de quelques années, de ce qui va devenir

nous travaillons sur le devenir de l’usage, et ce travail nous amène à chaque fois, à chaque recherche, à chaque projet à déterminer le geste, la matière, la couleur, la forme, le mot qui va améliorer l’usage pour le plus grand nombre, et ce sont souvent nos recherches et nos travaux qui annoncent et déterminent l’air du temps, par celui que nous consacrons à l’analyse de l’usage

tout ce sur quoi nous travaillons, la durée de vie de nos produits, leur tracabilité, comment nous travaillons / en relais, en réseau / nos liens avec l’autre / partenaire, collaborateur, client, prospect, media, banquier / et la perspective de nos projets / sur 6 mois, sur un an, pour la vie et au-delà racontent des histoires et inspirent, tout comme ils s’en alimentent, les tendances

d’autres n’y croient pas : dommage, c’est un métier

archéologie du futur / 20 ans de tendances vues par li edelkoort
institut néerlandais 121 rue de lille paris 7
jusqu’au 08 03 09