lundi 28 septembre 2009

travailler sur l’innovation / didier saco


monique vervaeke vient de publier, avec christophe midler et guy minguet, un ouvrage qui pointe les avancées récentes en matière de stratégie et de pilotage de l’innovation

destiné aux designers, aux ingénieurs, aux chercheurs et aux dirigeants de marques, il croise 3 niveaux d’analyse : les possibles des stratégies industrielles, les conditions, réelles et idéales, de l’organisation de la conception et la dynamique des identités professionnelles des acteurs qui interviennent dans les processus innovants, en étayant ses argumentaires dans les secteurs de l’automobile, de la haute technologie, des laboratoires pharmaceutiques, de l’aéronautique, de la grande distribution et des biens d’équipement

monique vervaeke est sociologue et a déjà publié en 2003 “le design et les immatérialités de l’entreprise” / son centre d’intérêt majeur et récurrent est la mise en avant des réseaux qui lient les entreprises à l’innovation et aux travaux qu’elles mènent en matière de recherche, de management, de pilotage et de développement du design

l’innovation n’est ni la recherche de la poursuite de ce qui a été, ni liée à des résultats uniquement économiques mais la création de nouveaux us, liés autant à la nécessité qu’au désir universel du mieux

à l’heure où les grandes surfaces se désertifient, où les packagings ne relèvent plus que du promotionnel, où les entreprises voient leurs parts de marché se réduire et les salariés leurs perpectives d’augmenter leur pouvoir d’achat tout autant, l’innovation est bien évidemment ce qui saura permettre aux marques, et à tous les acteurs économiques qui travaillent pour elles de conserver d’abord, puis d’acquérir de nouvelles parts de marché

disparition des dogmes et des modèles, effacement des concepts de pérennité, circulation maximale des flux, renouvellement rapide des produits, développement des formes organiques : le simple a pris le pas sur l’élaboré / simple d’accès, simple de préhension, simple de passage et simple d’abandon

le simple et le quick / travailler sur l’innovation en matière de design, c’est avant tout la réflexion sur la circulation / comment simplifier tous les accès : accès aux informations sur sites, accès aux produits sur linéaires, accès aux mentions obligatoires sur packs et accès au bien-être au quotidien / rapide tout autant : notre capacité à l’attention s’aménuise, dispersée par la multiplicité des offres et le territoire de l’innovation est tout autant celui du temps

travailler sur l’innovation, c’est en même temps réfléchir, entreprendre, accompagner et articuler les futurs modes de vie, collaborer à la construction sociale des goûts et apporter à l’industrie les dimensions sensorielles et émotives de la culture


working on innovation, edited by christophe midler, guy minguet and monique vervaecke
routledge studies in innovation, organization and technology
110 $ / isbn 978-0.415-49844.9

mardi 22 septembre 2009

Le prix du design / Decathlon / A.M. Builles


Comme un coup de tonnerre dans le ciel serein du premier groupe distributeur et concepteur d’articles de sport en France et en Europe,
Design fax annonçait le 7 septembre « L’homme qui a bâti le design de Décathlon et en a fait une entreprise exemplaire dans ce domaine, va devenir le responsable design du deuxième distributeur mondial Carrefour ».
C’est avec toute la sérénité du devoir accompli que Philippe Picaud peut quitter la direction du design de Decathlon au terme de huit années de déploiement d’une politique de management design exemplaire.
En 2008 avec six de ses produits, Decathlon ravit le leadership mondial
de Apple aux International Design Excellence Awards.
Quand Philippe Picaud prend la direction du design de Decathlon en 2001, l’entreprise a su adapter mieux que toute autre enseigne concurrente de sport la logique commerciale de la grande surface inspirée par les trois piliers traditionnels de la grande ditribution que sont le prix, le choix et le service.
Le groupe comprend très vite l’intérêt d’intégrer conception, production et marques propres sous l’étendard de quatre axes stratégiques design, innovation, passion et vitesse.
Sous la direction de Philippe Picaud, le design s’impose alors comme une activité stratégique et un investissement majeur pour l’entreprise, le pôle R&D design devient « Decathlon Création » ; s’ensuivent la création des fonctions brand managers, les marques passion se spécialisent, prennent leur autonomie et s’installent sur les lieux de pratique, le pôle Advanced Design est créé pour « renforcer l’imaginaire des marques, émuler les équipes et augmenter leur niveau de créativité » le pôle Trends&View définit les grandes orientations de la marque et le pôle Visual Communication met en place tous les supports visuels des marques et le déploiement de leur identité graphique, des ponts s’établissent vers l’extérieur avec des pôles de technologies avancées, nouveaux matériaux et recherche textile. Aujourd’hui Décathlon compte 120 designers qui sortent 3 à 4000 produits par an.
Il n’existe aucun autre exemple en France d’une entreprise qui ait su intégrer à un tel niveau stratégique et organisationnel la culture design du produit.
Une culture du management de l’innovation capable de mobiliser et structurer avec cohérence, flexibilité et réactivité, ressources et compétences de l’entreprise, d’intégrer de nouvelles méthodes de travail, de mixer, confronter et valoriser toutes les cultures métiers, en somme un management de l’intelligence collective et de la synthèse créative qui pourrait bien inspirer certaine adepte du changement de culture à marche forcée .
Philippe Picaud a porté une politique généreuse et volontaire de la pratique du design à partir d’objectifs simples mais intangibles :
« Mettre l’esprit d’innovation et l’intelligence sensible aux service du client », « concevoir des produits au meilleur prix sans faire de profit qui ne soit justifié », « concevoir des produits au plus prés des pratiques vers des publics de plus en plus ciblés », « rendre la technologie accessible au plus grand nombre », et « faire partager par tous le plaisir du sport ».
Mission accomplie ! Philippe Picaud, vous disiez que le design avait trouvé matière à s’exprimer chez Decathlon parce que il se reconnaissait spontanément dans les valeurs portées par le groupe .
Si vous retrouvez les mêmes valeurs dans l’entreprise Carrefour,tous les designers se prennent à rêver, les clients aussi.

DecathlonTribord Lunette Xbase junior au prix de 3,50 euros

lundi 7 septembre 2009

la volonté de puissance / didier saco


la volonté de puissance, chacun s’en souvient, est le concept élaboré par friedrich nietzsche, et jamais publié de son vivant, pour comprendre nos passions, nos appétits et nos instincts et les rendre concevables
la volonté de puissance est une réalité, celle de chacun d’entre nous qui désigne l’accroissement de la puissance par la connaissance de son vivant / ce qu’il est /, de son devenir / ce qu’il veut / et de ses instincts, autant pour les accepter que pour les développer, par la culture
la volonté de puissance, ou le bon usage de ce que nous sommes pour mieux devenir

jamais nous n’avons été autant sollicités par les fabricants, qu’ils soient verre, acier, corian, bois, textile pour nous mieux faire connaitre leurs métiers et leurs talents
jamais nous n’avons été autant sollicités pour participer à des colloques, des conférences, des tables rondes pour partager nos expériences et expliquer ce que nous faisons
et jamais nos projets n’ont été de spectre aussi large / nos interventions ne se limitent pas à une scénographie, un mobilier, une identité ou un packaging mais des projets à multiples dimensions, sociétales, économiques et culturelles où la circulation, le cycle de vie et la connivence de nos projets sont devenus aussi importants que le confort, la solidité et la durée de vie

les merchandisers que nous concevons intègrent en même temps leur durée de vie / entre 4 à 5 ans /, leur devoir de performance, autant en notoriété qu’en résultats, le développement durable, avec la traçabilité de tous les matériaux utilisés, leur impact et leur interactivité, le tout dans un budget chaque fois plus concis
et il nous est devenu normal de savoir définir les kpis / keys performance indicators / qui permettent à nos clients de mesurer le retour sur investissement de nos travaux / roi / return on investment

la volonté de puissance en design 2009, c’est savoir construire les liens, les échos, les échelles qui permettent de deviner, de devancer tous ces signes, toutes ces attentes et de bâtir des projets, en collectifs, en équipes, avec nos instincts, nos passions et nos réalités et accroître la pertinence de nos réponses

la volonté de puissance en design 2009, c’est accepter de construire une offre innovation design globale qui intègre stratégie, analyse de la concurrence et garantie des retours sur investissements, tout en acceptant qu’elle corresponde à ce que nous sommes, vraiment / classiques, un peu essoufflés et plus très glam, tout en disposant de ressources culturelles exceptionnelles, de talents d’artisans fabuleux et d’un capital innovation, intuition et curiosité top niveau

bien sûr, tout seul, c’est râpé / il nous faut entendre, avant de les oublier, les traces d’amertume dans les propos de pierre paulin à la fin de sa vie sur sa solitude et la méconnaissance de son métier qu’il a ressentie / “un permanent du design qui a vécu comme un intermittent du spectacle”

maison et objet du 4 au 8 septembre à villepinte / www.maison-objet.com
100% design les 24, 25 et 26 septembre à londres / www.100percentdesign.co.uk
brands & signs design expo du 2 au 8 novembre à ljubljana en slovénie / www.zavodbig.com
le lieu du design à partir du 21 octobre à paris / www.lelieududesign.com

L’esprit de la lettre / Anne-Marie Builles


Je suis une école d’art et je confie ingénument en 2004 à deux designers people M/M la réalisation de mon identité graphique.
Le résultat nous laisse perplexes : la calligraphie du sigle est formée dans un style gothique soft qui s’évertue dans une succession d’entrelacs et de circonvolutions, à briser toute lisibilité, une frénésie ornementale d’aplats qui viennent rompre systématiquement toute tentative de lecture de la lettre, pour se clore par le geste rageur d’un trait dégoulinant.
L’obstination baroque de M/M concourt à briser tout continuum de visibilité, de lisibilité et de reconnaissance de l’identité visuelle de l’ENSAD.
Si l’on pense que l’écriture est au service d’un projet ou de valeurs à investir, si l’on pense que les hommes ont inventé la typographie « pour honorer un contenu, pour donner forme à un fond, pour servir une pensée », on peut se demander devant de telles prouesses si nous vivons bien encore dans une culture du signe et de l’identité ou si nous n’assistons pas à une interchangeabilité généralisée des signes.

L’identité de l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs pourrait se lire comme l’expression d’un sabotage inconscient.

Il ne s’agit pas de juger de l’esthétique de la proposition de M/M.
Simplement une école d’art se doit au premier contact de susciter un minimum de désir et d’aspiration vers l’engagement de formation qu’elle propose et Il y a là peu de place pour la dérision.

L’histoire du design s’est souvent écrite contre l’ornement, l’ornement tue la ligne.
Il est de bon ton chez certains designers de considèrer leur métier en rupture totale avec la tradition française des arts décoratifs, oublieux que tradition et modernité s’y sont souvent cotoyées.

Calligraphie, typographie sont peu prisées des designers par les temps qui courent. Pourtant, elles sont aussi une subtile école du geste, du rytme,de l’émotion,du mouvement et de la tension intèrieure des lignes.
La discipline, il est vrai, s’accomode peu de la création assistée
Je me souviens dans les années 80 d’un premier spectacle inoui du calligraphe Hassan Massoudi illustrant dans l’instantané du geste et de la lettre le texte des mille et une nuits lu par l’acteur Guy Jaquet.
L’histoire continue et la vie est formidable, puisqu’il faut sur le métier remettre l’ouvrage, l’ENSAD lance aujourd’hui un nouvel appel d’offre.
Designers, à vos typo !
Qu’un « désir d’envol » vous inspire et vous motive pour trouver et communiquer l’expression juste et sensible d’une tradition qui n’a pas à rougir au trbunal de la modernité.

référence livre :
désir d'envol
Hassan Massoudy