mardi 27 octobre 2009

sylvain dubuisson, trésor national vivant / didier saco


trésor national vivant : l’expression désigne au japon des individus reconnus de leur vivant comme porteurs des plus précieuses propriétés culturelles de la nation et désignés pour en être hérauts / transmettre leur talent et leur savoir-faire aux générations suivantes, ce sont autant la maitrise de la technique que la culture artistique qui sont ainsi distinguées et les trésors nationaux vivants, consacrés “détenteurs de biens culturels intangibles importants” vont, pendant des années, transmettre leur savoir et leurs techniques

l’espace mitsokushi à paris expose régulièrement des œuvres des trésors nationaux vivants et nous offre les expositions les plus vertigineuses qu’il est possible d’imaginer / caligraphie, peinture, travail sur la pierre, le bronze, le bois, la laque / les travaux exposés représentent autant des années de travail que la transmission de travaux et de savoirs d’autres trésors précédents qui ont, eux aussi et à leur tour, transmis leurs talents et leurs cultures

sylvain dubuisson est de cette case / il travaille le temps, l’espace et la matière

architecte, comme son père à qui l’on doit l’exceptionnel musée des arts et traditions populaires avenue du mahatma ganhi à paris, fermé pour d’incompréhensibles dédales administratives et designer, ce sont les matières, l’assemblage des pièces et les contraintes industrielles qui lui donnent l’espace pour donner vie à l’objet, à la circulation et à l’appropriation par chacun de son travail
alliant la passion de la technologie et la perfection de l’artisan, sylvain dubuisson crée du manifeste : de l’aiguière au lampadaire, du fauteuil de ministre au siège épiscopal, du stylo qui porte l’écriture de rimbaud à la vaisselle de porcelaine virginale, de la réhabilitation de logements sociaux à l’aménagement d’un musée et d’une exposition à la création de mobilier urbain

le travail de sylvain dubuisson ne se voit pas : il s’attend, il se lie à nous, il se récite, par les formes, par les matières et par les histoires / c’est le temps qui en est le moteur essentiel, autant celui de la création que celui du désir, de l’usage et de l’usure

l’occasion, pendant 34 petits jours seulement, de participer, en la découvrant, à une exposition monographique de sylvain dubuisson est exceptionnelle, tout comme ces photos de famille où l’on retrouve, sur les traits du petit-fils, de la mère, de la cousine lointaine et de l’aieul les mêmes traits, les mêmes poses et les mêmes goûts pour les chaussures en daim / la trace et la piste d’une histoire qui dépassent l’objet et la fonction et s’inscrivent dans l’intention de toute une vie

“même dans un contexte de contraintes, tout n’est pas dicté par une nécessité / c’est la faculté d’organiser dans l’espace les différents dispositifs plus ou moins fonctionnels qui procure un sentiment d’efficacité et redonne une perception fluide de l’espace et une notion de plaisir”

plat céladon / bernardaud 2007

espace mitsukoshi 3 rue de tilsit paris 8

table-ronde autour de sylvain dubuisson le 09 11 à 18h30 au via 33 avenue daumesnil paris 12 / entrée libre
dans le cadre de l’exposition monographique “ôte-toi de mon soleil”, au via jusqu’au 13 12 seulement

lundi 19 octobre 2009

automne au festival / didier saco


alain crombecque est parti lundi dernier, d’une crise cardiaque dans le métro parisien / chacun s’en souvient, alain crombecque dirigeait depuis 1993 le festival d’automne à paris, fondé par michel guy en 1972

38 ans de festival d’automne à paris, ce sont 38 saisons pendant lesquelles la création, sous toutes ses formes, qu’elle soit lue, chantée, dansée, murmurée, exposée, projetée est distribuée, transmise et passée à paris

le festival d’automne à paris est sans doute le meilleur exemple de ce que nos amis étrangers nous reprochent parfois / cette compétence à ne pas être expert en un seul territoire, ce refus à être spécialiste, cette capacité au transversal et cette idée que la force, l’énergie, l’envie et l’intuition ne seront jamais casées

le festival d’automne à paris, ce sont autant d’installations dans des lieux inopinés, autant de paroles données à des artistes du monde entier, autant de scénographies, d’expositions, d’histoires, de paroles, d’images à chaque fois créées

chaque spectacle du festival d’automne à paris est création / quel qu’en soit l’auteur, le lieu, le thême, le fil rouge du festival d’automne à paris est de présenter ce qui n’existait pas encore

bill viola à saint eustache, mario merz à la salpétrière, jean luc lagarce au théâtre de la bastille, bob wilson aux variétés, le retour du désert avec jacqueline maillan et mis en scène par patrice chéreau, madeleine renaud au théâtre du rond-point, iannis xenakis au centre pompidou, bruno ganz à la maison de la culture de nanterre et, à chaque fois, à chaque installation : une surprise, une leçon, une idée / une lumière, une scénographie, une alliance de matières, de bruits, de sons, de couleurs, un écho, une connection, une connivence et un rebond vers une nouvelle direction

cette année, ugo rondinone a conçu 12 masques, exposés actuellement aux tuileries et qui pourraient être des visages de spectateurs : rires, étonnement, trouble, rage, ennui parfois, stupéfaction : chacun s’y reconnaitra dans l’un, dans l’autre et sans doute dans tous

tout comme l’abonnement au centre pompidou devrait être obligatoire pour chaque parisien, tant la chance est grande pour ceux qui peuvent y accéder de pouvoir le faire et de le soutenir, l’accompagnement systématique du festival d’automne à paris par chacun de nous devrait faire partie des enseignements à tous ceux qui travaillent autour de la création, tant le festival d’automne à paris est source vive


les 2 fondamentaux du designer sont la curiosité et la certitude qu’il ne peut rien faire tout seul / c’est ce qui nous différencie de l’artiste, qui travaille son œuvre et trouve au fond de lui la matrice de sa création

nos fonctions, ce sont les circulations, les us qui muent, les modes de vie qui évoluent, les besoins qui se transforment et parfois disparaissent, et nos aptitudes à les déceler, les analyser et imaginer leurs développements et leurs possibles

pour y arriver, nous frayons, avec les gestes, les matières, les couleurs, les espaces, les désirs, les impulsions et les intuitions

les rencontres, les congrès, les débats professionnels sont des lieux d’échanges essentiels pour nos formations permanentes
les espaces free, comme le festival d’automne à paris, où la création est libre, tout à la fois air du temps, porteuse de ce qui a été et source de ce qui pourra être le sont tout autant, sinon davantage /
ils laissent à chacun, comme les figures d’ugo rondinone, la liberté de passer outre, de s’ennuyer ou de rebondir, de lier, d’associer les idées et de poursuivre

festival d’automne à paris / info@festival-automne.com / source vive permanente