mardi 25 mai 2010

l’administration du design / didier saco


tout est signe

la voile, c’est le morceau de toile forte destiné à recevoir l’action du vent pour faire avancer le bateau / c’est là la définition du robert

c’est aussi, selon sa couleur, blanche ou noire, l’espoir ou la mort pour égée qui attend le retour de son fils thésée parti tuer le minotaure et pour tristan celui d’yseult

paul virilio, chacun s’en souvient, est autant urbaniste que philosophe / il a créé, en 63, le groupe architecture principe avec l’architecte claude parent et enseigne à l’école spéciale d’architecture où jean nouvel fut l’un de ses élèves et toujours l’un de ses disciples / l’une de ses pièces maitresses en architecture est l’église sainte-bernadette à nevers, tout en béton et verre et où, pendant des années, les habitants ont refusé de s’y marier, tant la masse, les ouvertures et les circulations n’en sont guère amènes

sa pensée ne l’est guère davantage / le tribun est magnifique, et l’esprit sombre
chaos climatique, paniques boursières, crise économique, périls techno-scientifiques, menaces pandémiques, catastrophes écologiques, suicides professionnels : l’énumération des peurs contemporaines est sans fin et, pour paul virilio, l’administration des peurs consiste en la découverte et la connaissance qu’il y a de quoi avoir peur, et en la conviction que c’est en mettant le rythme, le tempo au centre de nos préoccupations, individuelles et collectives que nous saurons pondérer, sinon endiguer, le fléau de la vitesse qui déclenche toutes les peurs

“la peur est devenue, en temps de paix, notre environnement / nous habitons l’accident du globe, l’accident de son instantanéité, de sa simultanéité et de l’interactivité qui l’emporte sur l’activité ordinaire“ / la marée noire qui déferle sur les côtes américaines en est un triste exemple


et l’époque lui ressemble, en nous annoncant chaque jour des fournisseurs, ceux qui nous sont si précieux puisqu’ils construisent la chaîne qui permet à nos projets de devenir vrais, les menuisiers, les fabricants de capots en plexi, les imprimeurs, les fabricants de montres, qui s’arrêtent, faute du temps nécessaire à changer de méthodes de travail

l’administration du design, c’est devenu, au-delà de l’administration de la création / quelles idées ? quel projet ? comment ça marche ? comment ça dure ? /, de l’administration de la prospection, de l’animation des équipes et de la gestion de l’entreprise, l’administration de la peur des autres, celle de nos clients et de nos partenaires

la peur de nos clients / est-ce vraiment la bonne idée ? et en rouge ? quels impacts ? quels retours sur investissements ? en combien de temps ? pour combien de temps ? à quel prix ? et qui, pour réduire le risque de la création, réduisent les délais de recherches à 3 mois la création d’un nouveau parfum, jus, flacon et communication inclus et nous demandent de les rassénerer
et celle de nos fournisseurs / il n’y a plus d’entrepôts, plus de stocks de papier, de bois et de mobilier et seulement des flux de matériel que nous passons notre temps à gérer

c’est beaucoup et, pour nombre d’entre nous, un apprentissage en temps réel

la bonne nouvelle, ce sont les jeunes designers qui nous rejoignent, épargnés par le syndrome post-philippe et capables de manier, avec autant d’adresse que de facilité, les ciseaux à bois et les logiciels chinois

c’est le développement du design sonore, écho de la musique qui domine l’ensemble de nos productions culturelles et lien direct avec notre besoin de rythme et de tempo

et ce sont toutes les initiatives, goutte à goutte, step by step, que chacun entreprend pour écarter les ombres et tracer des voies, comme designer’s days qui, en fêtant ses 10 ans cette année, développe, à travers 62 lieux à paris, autant d’exemples et de modèles de design prospectif

le designer devient gestionnaire, de son temps, et de celui de ses partenaires, peurs et terreurs incluses / c’est aussi une bonne nouvelle, qui demande juste temps et formation


l’administration de la peur / paul virilio / textuel / 12.00 euros
designers’s days 10 ans / du 9 au 14 juin à paris

visuel / fondation belem / groupe caisse d’épargne / collecteur de fonds / pièce unique

mardi 18 mai 2010

design / nature, forcément nature / didier saco


chaos sublime : c’est sous ce titre que massimiliano fuksas rassemble les liens qui unissent les bâtiments qu’il conçoit à la nature

ce sont ses bâtiments, et non l’inverse, qui s’adaptent à la nature, aux pentes, aux vents, aux eaux, aux axes et aux carrefours naturels, de gré quand ses projets épousent la géographie et le climat des lieux et de force quand le chantier découvre la réalité inhérente à tout projet / des vestiges enterrés de la 3ème république, des circulations imprévues et, aussi, les pulsions rétives des voisins parfois dubitatifs /
un bâtiment considéré parfait à sa conception peut être amené à se transformer pour devenir plus convaincant que le projet initial, en modifiant ses matériaux, pour des raisons de coûts ou d’approvisionnement, en qualifiant son implantation et ses environnements immédiats, pour donner plus de place au végétal et en adaptant sa morphologie à celle de la ville et, en particulier, celle des accès qui s’inscrivent plus dans la lumière et le soleil que dans le contexte urbain

c’est tout autant le propos de l’exposition jardins corps et âme, à chaumont-sur-loire que de traiter l’impact du végétal, et non l’inverse, sur nos humeurs, et comment designers, architectes, dont la carte verte confiée à dominique perrault, agronomes et professionnels de la santé tressent, tissent et tracent les liens que le temps et la nature inscrivent sur la durée

c’est là l’éloge de ce que les décorateurs appelaient naguère la patine et donne tout son affect au mobilier original de charlotte perriand, de jean prouvé et aux luminaires de raymond subes, les traces du temps et les passages de la nature, de la pluie, du froid et des hommes sur les bois, les verres, les formes et les métaux / le chêne qui se fend, la couleur qui passe au soleil, le tissu qui file et le pvc terni participent aux cycles naturels en ajoutant l’émotion à la fonction


jardins corps et âme / festival international des jardins à chaumont-sur-loire
jusqu’au 19 octobre / domaine-chaumont.fr

chaos sublime / massimiliano fuksas / notes sur la ville et carnet d’architecture / arlea / 15.00 euros