lundi 30 mai 2011

design / la tentation du solo / didier saco


memphis, arts and crafts et le bauhaus relèvent de l’histoire déjà lointaine /
memphis, mouvement de design et d’architecture fondé en italie en 1980 par ettore sottsass, arts and crafts, mouvement artistique réformateur né en angleterre en 1880 et rassemblant poètes, écrivains, fabricants de meubles et d’objets décoratifs, et le bauhaus, institut des arts et des métiers fondé en 1919 en allemagne et qui va réunir tout un mouvement d’architectes, de designers et aussi de photographes, de scénographes et de stylistes unis dans un même élan

lointaine, la perspective de création collective, de partages d’idées, d’énergies communes pouvant créer mouvement, à la lecture crue et rétrospective d’évènements récents tels que le salon du meuble à milan et interpack à dusseldorf où s’alignent, s’enchainent et parfois s’accumulent les propositions sans lien aucun les unes avec les autres, sauf celui de se faire connaitre, et rend d’autant ardue la mission des marques de créer une vision globale, une stratégie commune, une image unique avec autant de créations que de créateurs, d’idées que de projets, d’animations que d'animateurs


la tentation est dans l’unique, dans le solo, autant pour marquer son territoire que pour se protéger / le designer, l’architecte est tenté de créer en solitaire, autant pour créer son histoire, sa notoriété et espérer être un jour en couverture d’intramuros ou de domus que pour développer son activité et ses revenus, basés sur sa seule personne

l’histoire contemporaine nous y pousse

c’est ce que nous dit peter sloterdijk à propos de l’art : “le système de l’art est aujourd’hui sans contestation la meilleure place au soleil de la selfishness”, où l’artiste ne songe plus à disposer un monde mais à créer des œuvres qui créent sa propre exposition, dans la plus pure et totale autoréférentialité

c’est ce que nous montre la très jolie exposition à la galerie d’architecture à paris dans le cadre du prix de la nouvelle maison d’architecte en france, prix archinovo saint-gobain / toute une série de maisons individuelles françaises, toutes en transparences, en douceurs, en modernités et en harmonies avec la lumière, le jardin, la pente, la matière et l’individuel

c’est tout autant ce que nous montre paris-delhi-bombay au centre pompidou paris où 47 créateurs, français et indiens, nés dans les années 1960 et 1970, nous donnent une idée, une vision, une fulgurance, souvent exceptionnelle, de leur talent et qui s’applique, le temps d’une exposition, à l‘inde

la tentation du solo s’explique aussi tout naturellement par la crainte / la crainte de l’autre, la crainte du temps nécessaire à devoir écouter, expliquer, argumenter et partager


si la tentation du solo s’explique, s’historise et peut se comprendre, elle porte aussi en elle ses limites, et le design, et l’architecture ne peuvent se restreindre à cette lecture partielle : celle de sa propre et seule histoire

nombre de designers et d’architectes revendiquent que leur geste, leur projet, aussi minimaliste soit-il / une poignée de porte, une signalétique sur des panneaux de chantier, la création d’une véranda ou la réfection d’un parking / permet à l’individu de participer à l’effort collectif, et la vision, le projet du designer devient alors une vision globale et transversale dans laquelle l’usager, ses descendants et le passeur d’ordre, ses actionnaires ou ses électeurs, trouvent leur place et, pour y arriver, associent à leurs recherches sémiologues, coloristes et multes talents complémentaires permettant d’offrir une réponse plurielle et ambitieuse, visant à l’universel / un programme de vie

peter sloterdijk / tu dois changer ta vie / éditions libella-maren sell / 29.00 euros
exposition paris-delhi-bombay / centre pompidou paris jusqu’au 05 09 11
exposition prix de la nouvelle maison d’architecte en france / la galerie d’architecture 11 rue des blancs manteaux paris 4 / jusqu’au 18 06 11

lundi 9 mai 2011

design / fiat lux / didier saco


la purée est toujours meilleure chez les copains / c’est ce que nous disent toujours les enfants / et l’herbe est toujours plus verte chez le voisin

c’est ce que nous ressentons chaque année à chaque retour de milan / salon du meuble au printemps / à la fois fascinés par l’usage et l’approche simple et familère du design de nos camarades transalpins, et déconcertés par l’approche plus rétive, expectative et segmentée des industriels français

bien sûr, chacun d’entre nous se garde de pêcher par excès d’angélisme, et si chaque stand, chaque mobilier, chaque scénographie, chaque signalétique, chaque flyer à milan nous indiquent, nous rappellent, nous forment / et nous stimulent / que c’est en italie que le design trouve sa place originelle, que c’est en italie qu’il existe plein de petites structures “prêtes à”, familiales le plus souvent, ouvertes à l’expérimentation, où l’on peut travailler, chercher, y faire des choses, rapidement, directement, avec une relation personnelle entre le designer et l’entreprise, cela tient, à la source, à la structure économique italienne, décentralisée en régions autonomes mais cela a un coût, celui du temps passé qui, face aux pièces produites en petites quantités, ne permet qu’à peu de designers de pouvoir en vivre, sinon par la multiplicité des projets

bien sûr, tout cela n’est que du meuble, des objets sur lesquels l’on travaille, l’on attend, l’on dine, l’on dort, l’on aime et l’on meurt, et le design est multiple et matière vivante / design services, design sonore, design culinaire et, le dernier-né, design motion


konstantin gric revendique la production de masse qui gomme les différences, les spécificités, les particularismes, les niches et les séries limitées /
“il faut s’accrocher, faire preuve d’endurance / changer les choses de l’intérieur y reste possible / le monde de l’industrie est très frustant mais il ne cesse d’être un environnement créatif où je peux espérer engendrer des changements / en travaillant avec une structure industrielle, même petite, je peux comprendre de quelle manière elle emploie ses ressources, rencontrer celles et ceux qui font et comment / nous devons connaitre le cycle de ces industries / pourquoi certains produits sont-ils imaginés en italie, fabriqués en chine puis vendus en italie ? il faut changer de modèle et, plutôt que dire : tout est faux, mieux comprendre les mécanismes de l’industrie et les politiques qui en découlent”

et chacun se souvient de l’exposition à londres l’an dernier, design real, à la serpentine gallery dont konstantin gric était le commissaire, hommage au design industriel commercial et aux projets à grande diffusion, variés, multiples, en écho, sinon en réponse au glissement de la perception du design vers les terrains de l’art, des galeries, des collections, de l’exclusif et des pièces à tirage très limité

design industriel revival ? avons-nous le choix ?

ce sont les marchés économiques qui nous répondent / face à la désindustrialisation qui s’accélère / 300 000 emplois industriels perdus en ile-de-france depuis 1993, 10% d’emplois détruits dans l’imprimerie de 2000 à 2005, puis 10% de nouveau entre 2007 et 2009 et 30% dans l’industrie pharmaceutique de 2000 à 2010, la lumière vient de l’innovation, et le design est sollicité à la source

comment retirer de la matière fonte sur des modèles de roues existants, comment développer une gamme à partir d’un produit fondamental, comment réduire les cycles de transport, comment augmenter le sentiment de confort, de sécurité, de bien-être et de confiance ?
la réponse relève du design gobal et, plutôt que de s’attacher à une approche par branche, centrée, schématiquement, sur les matériaux / le bois, l’acier, le verre / et les métiers / la métallurgie, l’horlogerie /, s’élargir à une approche plus transversale qui est celle de l’usager, davantage centrée sur les produits / les systèmes électroniques, les éco-activités, les mobiliers d’accueil en milieu hospitalier, la signalétique et les flux de populations multiples en cités

entretien avec konstantin grcic / pierre doze / archibooks + sautereau éditeur / 12.90 euros

mardi 3 mai 2011

La culture de l’innovation de Marc Giget / Anne-Marie Builles


Sous la présidence de Marc Giget les 19 et 20 avril s’est tenue pour sa 4èmeédition la rencontre nationale des directeurs de l’innovation sur le thème « Maîtrise des écosystèmes d’innovation dans l’entreprise ».
Marc Giget est, comme chacun sait, expert international de l’évaluation de l’innovation, fondateur du Club de Paris des directeurs de l’innovation et animateur des célèbres mardis de l’innovation au CNAM.
A l’injonction d’innover qui assaille de toutes parts les acteurs de l’entreprise,
à ceux qui prétendent en donner le tempo et la recette efficace, la vision de Marc Giget replace la capacité de conception et les process d’innovation dans la perspective d’une écologie humaniste de l’innovation et de l’action, l’innovation comme un moment d’une alchimie particulière, une synthèse créative opérée au carrefour de la diversité des cultures, humaniste, philosophique, historique, scientifique, technique, esthétique.

L’esprit d’innovation ne se décrète pas, il dépend moins d’un savoir que de la curiosité d’un esprit visionnaire, une dynamique créative soutenue par l’énergie d’anticiper, de prendre l’initiative dans un contexte inédit, le plaisir enfin de réaliser.
Il correspond, remarque Marc Giget, à un moment culturel particulier de notre développement qui rend possible l’intégration du meilleur état de l’art et des connaissances, un moment privilégié d’ouverture et de décloisonnement des savoirs où des individus osent franchir les frontières.
La dimension essentielle d’une culture est d’être ouverte et partagée, elle est le lien qui permet aux gens de communiquer entre eux et d’accomplir leur être pleinement humain.
Au regard des défis que nous pose le destin planétaire de notre humanité, il est urgent de changer notre manière de concevoir le monde. Comment soutenir sa complexité et appréhender les interdépendances qui s’y densifient singulièrement ? Comment organiser ensemble la connaissance en fonction d’une nécessaire mise en contexte, globale, multidimensionnelle, complexe ? Comment se donner les moyens de penser et d’évaluer ensemble notre développement ? Comment, au final, transformer la relation entre les humains ?

Cela commence par ce qu’Edgar Morin appelle l’apprentissage d’une éthique de la solidarité et une éthique de la compréhension.
Ce sont bien les enjeux qui se posent à la culture d’innovation en entreprise et à la maitrise de son modèle d’écosystème.
A ce jour, nul ne peut prétendre détenir l’expertise d’une compréhension globale d’une problématique d’innovation et seule une connaissance distribuée en réseau ouvert peut combiner efficacement les expertises, les dynamiques d’action et de décision, l’accès au meilleur état des connaissances, la mobilisation de tous les acteurs sur des valeurs partagées, l’écoute des désirs et attentes profondes de la société.
« L’organisation de l’écosystème d’innovation tient son efficacité de sa dimension globale et interactive, de sa dynamique d’échanges, sa capacité d’ouverture et ses modes d’implication et de connection vers l’ensemble des savoirs et des acteurs du projet dans « une démarche concertée ».

L’ensemble des passionnants exposés d’écosystèmes d’innovation présentés lors de ces rencontres a démontré largement la performance de leur stratégie, qu’ils soient à l’initiative de grands groupes, de collectivités ou d’associations et même de projet cinématographique, qu’ils soient dédiés à la performance, scientifique, technique, médicale, sociale, aux relations utilisateurs.
Mais le prototype d’écosystème le plus lumineux fut celui de l’expérience du Colegio SESI dans l’état du Parana au Brésil, stupéfiant par la qualité et l’éthique du projet pédagogique.

Nous fut présenté un programme à l’école d’une expérience d’apprentissage et d’échange en communauté de projet où il est question d’apprendre à apprendre ensemble sur des sujets librement choisis, d’apprendre de l’autre, d’apprendre à être, à faire, à résoudre des défis…
Une pédagogie qui stimule l’esprit d’équipe, les affinités relationnelles, l’autonomie, la créativité, l’implication sociale, qui valorise les talents et les compétences de chacun par un dialogue orienté sur une méthode de recherche toujours plus ouverte.

Et si c’était à l’école que tout commence, l’apprentissage de la culture de l’innovation, notre capacité de conception et d’intelligence générale, notre ouverture à l’autre, notre aptitude multidimensionnelle à comprendre la complexité, le contexte, l’environnement.
Aucune explication ni savoir délivrés, aussi pointus soient- ils, ne garantissent la « compréhension humaine »
Proposer dès l’école, l’apprentissage de l’expérience vécue et radicale d’une communauté de projet, d’une culture de l’innovation sensible, ouverte à la réalité de la vie au partage, à l’échange, au désir d’être utile, c’est guider les élèves « sur le chemin d’une qualité d’être » disent les promoteurs du projet SESI.

www.rencontre-innovation.com
www.mardis-innovation.fr
www.sesipr.org.br/colegiosesi/