mardi 27 septembre 2011

design / cloud de jean nouvel / didier saco


“je ne suis pas un designer, mais un architecte qui fait du design” déclare jean nouvel en présentant 18 “presque rien”, table, bureau, cloison verticale, canapé, fauteuil et cloud, dalles de sol stratifié / réinterprétation libre de “l’élevage de poussière” de marcel duchamp dans son espace de travail lors de paris design week édition 1

et la profession du design de s’interroger sur la légitimité d’un architecte à produire du design, sur un territoire déjà court en bons de commande

manque t’il de travail ou considère t’il qu’il peut se subsituer aux designers existants ? pêche t’il par excès de confiance sur ses talents ou par défiance vis-à-vis de celles et ceux dont c’est là le métier premier ?


la question s’inscrit totalement dans son temps
- le temps de la tension économique, celui où les passeurs d’ordres sont moins nombreux que ceux qui peuvent les réaliser et où tout marché conclu l’est au détriment de ceux qui ne le feront pas et qui en manquent
- le temps, tout autant, du slasher, anglicisme qui désigne celui qui cumule les emplois “en même temps”, tant pour des raisons économiques que pour des raisons de formation, la pratique d’internet ayant créé toute une génération qui a appris à multifonctionner
- le temps du temps passé et de l’expertise triomphante / hélas pour celles et ceux qui veulent remplacer leurs ainés qui estiment que leurs compétences s’élargissent avec leur expertise qu’ils peuvent développer, et devenir metteurs en scène quand ils sont acteurs, vignerons, producteurs d’huile ou designers quand ils sont architectes

et le temps, heureux, de la case qui était le phare d’une société lointaine, épargnée et sûre de ses valeurs et de son histoire où chaque borne avait sa place et la gardait / chaque homme était celui d’une seule femme, d’un seul métier, d’une seule maison et d’un seul avis / et qui s’estompe grâce à la crise actuelle où les pistes et les talents se croisent et se démultiplient

la réponse est l’évolution accélérée, tant de la durée de vie que des flux d’influences, qui a déclenché la fonte des cases, et l’on peut tout en même temps être photographe et professeur de yoga, épicier et enseignant et concevoir un robinet qui prenne en compte le bien-être de chacun et l’économie de l’eau, pour l’universel


la réponse de 100% design à londres est tout aussi stimulante, quant à son expression créative en contexte de crises

dans une ville terrorisée par les jeux olympiques à venir et les frais inhérents, l’exposition a permis de découvrir, sur une surface réduite et avec une fréquentation tout autant, crise oblige, un design world en plein essor, qui s’écarte du concept pour développer un design proche de la réalité, simplissime et universel / design argentin, norvégien, coréen / à partir de matières / le bois, le papier, l’eau


s’il est plus “simple”, quand on conçoit un bâtiment, d’en concevoir en même temps l’aménagement intérieur et l’ameublement, tout comme il est simple pour le boulanger de faire de la pâtisserie, le boucher des plats cuisinés, la compagnie de transports du café, l’animateur tv de la production de séries, l’actrice des lignes de bijoux, le parfumeur de la maroquinerie et le décorateur de l’architecture, il est aussi plus “rassurant” de conserver le même interlocuteur et d’éviter la rencontre avec un nouvel autre

rassurant mais inquiétant car l’entre-soi et le protectionisme ont le danger du labyrinthe dont le risque est de ne pas en sortir

à nous de prouver que l’innovation réside, même et surtout quand la crainte incite à la prudence et au risque zéro, dans la recherche et la rencontre constantes de solutions plurielles et extérieures


positive pièce / junggi sung, designer coréen
robinet à distribution verticale qui incite, au risque d’être éclaboussé, à réduire le débit de l’eau et en permet l’économie, au bénéfice de l’universel

Burozero / Remi Perret / Anne-Marie Builles


A trop se vouloir bien en vue, le design porte parfois les objets à leur paroxysme de forme, de fonctionnalité ou de concept . Difficile de définir l’impression qui nous envahit alors. Ca déborde !
Puis, au détour de ce versatile marché d’idées et de normes peut survenir une heureuse rencontre, comme celle de l’architecte indiscipliné qu’est Remi Perret (Salon maison & objet 2010).
Moment suspendu dans ce maelström, sentiment d’étrangeté devant les mobiliers d’un créateur qui se présente comme un narrateur d’objets, et l’expression ici n’est pas galvaudée.
Au premier regard, chaque objet impacte par son identité architecturale.
Sa charge suggestive de patchwork composé de bouts d’objets, de bribes de style, de collages, nous invite à un cheminement joyeux de réminiscences. Au fur à mesure de ce libre parcours offert au regard, à chacun de découvrir d’autres aspects, d’autres émotions et sensations pour se choisir son rapport intime à l’objet. Les créations de Remi Perret débordent d’humanité.
Christian Lacroix donne une très belle introduction aux « affinités électives » qu’il ressent pour le travail de Rémi Perret.
« Burozero, comme une sorte de zorro qui rançonnerait les rebuts pour les rendre à eux mêmes, qui enrichirait les débris nécessiteux, d’esprit, d’à propos, d’une élégance certaine. Sans oublier l’humour si prompt à rendre les désespoirs sympathiques.
Il est des mots qui souffrent de se voir rabâcher jusqu’à l’usure et la transparence, vidés de leur force à force d’être galvaudés. Poésie, recyclage, alternatif, récupération, artisanat sont de ceux là comme amour, culture et modernité aussi. L’occasion avec Rémi Perret de les reprendre à Zéro pour se les remettre en bouche à bon escient ».
Les meubles de Remi Perret sont des pièces uniques mais l’esprit de création demeure très proche des préocupations et inspirations actuelles des designers.
Tentation de revenir sur ses propres traces, sentiment que toutes les finalités sont déjà dépassées, tentation du retour, remontée du temps, reversion de notre histoire en même temps qu’illusion joyeuse de sa fin.
En contrepoint d’un monde chaotique, de ce trou noir où s’absorbe pour se dissoudre le flux des informations et des évènements, Remi Perret nous joue des contines de nos mémoires d’objets.
Un défi lancé au virtuel, un court circuit de la linéarité du temps par la fiction et l’illusion radicale de l’objet, un déni momentané d’une réalité conforme, une pause salutaire pour se dés-immuniser un temps de trop d’arrogance design.
Pas de nostalgie, nul enjeu, nulle morale, nulle finalté chez Rémi Perret, une joyeuse apocalypse de l’objet pour se défaire avec humour et poésie de valeurs et d’images perdues.
Si vous cherchez burozero, écrivez le bien ainsi sinon vous risquez de tomber « sur la collection les bureaux d’exceptions conçus par le designer « réputé » Karim Rashid »
Un design qui déborde.

photo :
Burozero Remi Perret / bureau Capitaine 2009
Collection bureau zero Karim Raschid

lundi 12 septembre 2011

design / moi, designer face au monde / didier saco


charlène biville, ricardo gonzalez, clémence lemarchand, brice leroy, isabelle horta, delphine lucas, morgane buchert, ron romanik, julien louis aspar, annemette beck, marilène faure, salvo manzone, estelle bourdeloup, thomas enhco, louise poumaere, laurence saltiel, chloé valette, isabelle olivier, joachim busery, jean phiipe viret, lamia guessous, carlo rizzo, thalia nicolaïdis, benoit sourisse, anne paillard, geoffroy cousteau, lucie ducrot, daniel gloger, sophie glémarec, irina se baghy, yessei ossebi, ophélie gaillard, clément brazille, steven osborne, elsa abitbol, mahjoud elmahmoudi, valentine bérullier, agata gourlaouen, claire laure, astrid fiévet, héloîse marchand, delphine lucas, adeline jouot, camille beaupérin, julia hody, richard griere, prissana sackda, guillaume dumay, dan benchetrit
autant de designers, d’écrivains, de musiciens, de scénographes qui ont talent, expérience, culture, formation et désir de les partager avec le plus grand nombre, autant de personnes, de personnalités, de talents que chacun d’entre nous a découvert, lu, écouté, parfois rencontré et se désole de voir rester en errance

autant de cv, parmi les dizaines que nous recevons tous par semaine, autant d’entretiens et de rencontres, avec chacune, chacun son histoire et son projet, ses réalisations et ses possibles et ses immenses difficultés à les faire connaître et partager

et autant de confrontations douloureuses avec le monde du travail et de la reconnaissance professionnelle, celui de la possibilité de devenir indépendant vis-à-vis de ses parents et de rembourser les prêts souscrits auprès des banques pour financer ses études et de désespoir d’être seul, face au monde


des études récentes analysent les réactions psychologiques face à l’échec, à partir des blessures des sportifs de haut niveau et indiquent que l’échec n’est pas forcément que négatif

selon élisabeth kûbler-ross, les athlètes blessés passent par 5 étapes : le refus / déni de la blessure, sa gravité et sa signification / la colère, contre soi et le monde entier, la négociation / le sportif promet qu’il s’entrainera deux fois plus s’il se remet vite / la dépression, commune à tous et l’acceptation, liée à la ré-organisation de la vie

si la blessure fait partie du sport, comme l’échec fait partie de la vie, il est très difficile de commencer son parcours professionnel par un échec, celui de ne rencontrer que des portes fermées, des entreprises en difficultés et des stages non rémunérés et par le projet de devoir ré-organiser un monde qui vous semble total rétif à vous

le design est politique, déclarait philippe starck lors de son exposition au centre pompidou en février 03 /
le design est tout autant social, et chacun d’entre nous peut, à partir de son entreprise, de son activité et de ses marchés, concevoir de nouvelles formes d’usage du marché du travail et créer de l’emploi

- le temps de notre travail / chacun d’entre nous est confronté à des projets à durée non définie, comme le bout de laine qui dépasse de quelques centimètres et devient, en tirant, une pelote entière / il nous est parfois difficile de connaitre la durée d’un projet design et, face à cette inconnue, de ne pas nous engager à embaucher, sous forme cdd ou cdi, par crainte d’être lié /
à nous d’imaginer, au cas par cas, un mode de contrat réciproque adapté à la mission et évolutif, selon les projets

- la rémunération de notre travail / combien de projets n’avons nous pas gagné face à des prospects effrayés des rémunérations demandées et des résultats inconnus /
à nous de mieux expliquer les impacts du design, tant en termes de résultats financiers à moyen et long termes qu’en dynamique de marque et d’adapter nos rémunérations / progressives, séquencées, modulées

- l’exhibition de notre travail / nous restreignons, par modestie, la monstration de notre travail à des produits finis, à des musées, à des galleries et des évènements, tel paris design week cette semaine à paris /
à nous d’aller à la rencontre des passeurs d’ordres et commandes, in situ / les entreprises, les facultés, les écoles, les régions et les pays en développement, tels ceux autour du bassin méditerranéen
-
sur le parcours de la performance, l’innovation relève tout autant de la fonction que de la forme et des modes d’intégration et de communication des forces vives du design


moi sabina berman seuil 19.50 euros

fortes têtes / cécile traverse, docteur d’université en sciences du sport / sportmental.blog.lemonde.fr

paris design week / à paris à partir du 12 septembre

Design et désencombrement / Anne-Marie Builles


Le développement durable est sur toutes les lèvres mais, comme le dit plaisamment Pierre Damien Huyghe : « si tout doit durer, l’encombrement sera maximum ».
Faut-il que les choses durent ou doit-on laisser aux nouvelles générations l’espace et les ouvertures ?
Nous vivons dans un monde modelé par les applications des sciences et des techniques.
Un surcroît de puissance industrielle nous pousse à produire toujours plus et impose aux créateurs ses méthodes et ses moyens. Quand les comportements et les objets sont légués aux générations suivantes comme des faits et vérités admises, quand ils deviennent incompréhensibles ou inintelligibles, sinon au terme d’une longue initiation, alors le danger est grand pour l’humain de tomber en exil de lui même dans sa vie matérielle comme dans sa vie spirituelle.
Nos sociétés produisent de plus en plus des objets qui dépassent les capacités des utilisateurs, constate Pierre Damien Huyghe. Pour l’essentiel, au mieux, nous « imaginons » les objets que nous utilisons et, en conséquence, nous ne « réalisons » pas ces objets.
La grande question est la transmission, la traduction de ce que nous avons créé, du point de vue non pas de ceux qui transmettent mais de ceux qui ont à adopter ou pas l’héritage.
Il incombe à chaque génération de traduire, d’ouvrir un questionnement sur ce qui a été fait d’avoir la possibilité de l’évaluer, de le réévaluer, de le renouveler ou le modifier et faire le tri ; savoir aménager ce moment critique où on décide de ce que l’on garde ou de ce que l’on abandonne.
Comment « faire place », comment passer le témoin aux générations suivantes : « Que pouvons nous transmettre, si à trop transmettre on encombre d’avance ?»
« Que devons-nous nous retenir de faire pour que nos descendants puissent encore faire quelque chose dans ce monde créer leur monde et le prendre en mains sans être pris dans l’encombrement, tenté par la destruction ou la négation ? »
Aux générations qui précèdent de traduire, à celles qui suivent de « transposer » au premier rang desquels les designers.
L’esprit du temps est à la mélancolie. Peur du trou noir, crise et questionnement sur la durabilité de notre planète suscitent une inquiétude mortifère.
Noir et silence total après la destruction de notre terre sous le choc d’une planète égarée sont la dernière image du film Mélancholia.
En revanche, tout aussi sensibles à l’esprit d’alerte des temps présents, l’imaginaire des designers réussit en revanche à contourner la peur du néant .
A méditer cette belle transposition métaphorique de l’expérience de l’objet trou noir, projet développé par Gaelle Gabillet et Stéphane Villard (carte blanche VIA 2011) qui nous proposent une autre illustration subversive du trou noir, susceptible de regénérer, libérer, réattribuer les fonctions et principes essentiels à la compréhension et à la réappropriation de l’objet.
* Pierre Damien Huyghe professeur Paris 1 directeur Centre de Recherche Esthétique, Design, Environnment « faire place
*VIA design 2011 catalogue aide à la création