mardi 26 juin 2012

design / le design du tube / didier saco

I gotta felling, imagine, we are the champion, le boléro, l’été indien, yesterday, poker face, love to love you baby, porque te vas, marcia baila / chacune et chacun a, au fond de soi, un air, des airs qui, dès qu’entendu, le font s’arrêter, un moment, de respirer, sourire et parfois même pleurer / c’est le tube

théodor reik, psychanalyste, appelait mélodies obstinées ces airs qui envahissent et occupent notre sphère mentale contre toute résistance, pendant des heures et parfois des jours et que nous reconnaissons en une fraction de seconde, à partir de 3 ou 4 notes déterminantes, d’un rythme, d’un refrain ou d’un couplet

vers auditifs, c’est ainsi qu’olivier sacks, neurologue baptise ces airs qui colonisent notre environnement mental et sonore et nous bassinent sans relâche en s’infiltrant à notre insu dans nos cavités tympaniques, comme un mille pattes dans un fruit

le design du tube ne relève en rien du hasard

c’est d’abord la source
tout commence avant de naître, in utero, là où le foetus entend toute une série de stimuli sonores et, en particulier les voix de ses parents, souvent une ligne de basse, la voix du père et une ligne plus claire, la mélodie, la voix de la mère avec en fond comme rythmique les battements du cœur, réverbérés, amplifiés par le caisson de basse utérin

c’est aussi le travail du déjà-ouï / construire une mélodie à partir d’une autre existante, tel lemon incest de serge gainsbourg sourcé à l’étude 3 en mi majeur op 10 de frédéric chopin, permet la familiarité, comme un objet trouvé qui trouve immédiatement nouvel acquéreur et nouvel usage / tout de suite, la mélodie trouve sa voie, en empruntant, par hasard ou pas vraiment, des déjà-entendus, depuis l’enfance, l’adolescence ou les premiers amours

et c’est aussi la mécanique / si l’on trouve sur internet des logiciels qui croient savoir créer des tubes en croisant une multitude de données / rythme, mélodie, ligne de basse /, l’essentiel réside dans le hook, le hameçon, le motif musical, vocal, rythmique qui saura capter l’attention et accrocher l’oreille de l’auditeur, comme un hameçon les branchies du poisson

le hook, c’est ce qui cristalise une émotion, une sensation, c’est un point, une piqure, un détail poignant qui active une zone sensible et nous envoie à un paradis, perdu ou en cherchance

c’est le galbe de la cuillère, le son de la portière, la lumière de la gouttière, la couleur de la façade, la transparence de la porcelaine et la juste épaisseur du tapis

c’est là toute la pertinence de la station de bus du futur que vient de livrer la ratp, expérimentation pour la prise du sol en proposant un lieu multi-fonctionnel destiné aux voyageurs, aux passants et aux riverains parisiens

le tube de la ratp, c’est le transport / le bus, le métro et le tram
ce tube nous est familier, nous en connaissons la hauteur des marches, la couleur des carreaux, la longueur des couloirs, le son des portes qui s’ouvrent, la profondeur des sièges et la typo / ancien et nouveau régime

ce tube, nous l’avons retrouvé en 2000 quand la ratp a équipé l’une des sorties de la station palais-royal avec jean-michel othoniel, en quittant le mobile et en s’implantant dans le fixe
ce tube, nous le retrouvons dans le fixe de la station du boulevard diderot, conçue avec le designer-architecte marc aurel qui décline les couplets et les refrains qui nous sont familiers / le confort, la circulation nous sont déjà-ouïs, et l’innovation des matières et des services fait écho à l’indispensable inutile de l’indicateur de la prochaine rame que nous scrutons tous et qui nous rassure, alors que nous savons bien sûr qu’il y aura toujours une prochaine rame

c’est un tube parce qu’il était déjà là avant que d’être conçu, et que chacune et chacun y trouve, happy, ce qu’il n’y cherche pas

l’indispensable abri est celui qui ne s’impose pas et se propose, comme le design n’est pas nécessaire mais indispensable

“un enfant dans le noir, saisi par la peur, se rassure en chantonnant / il marche, s’arrête au gré de sa chanson / perdu, il s’abrite comme il peut, ou s’oriente tant bien que mal avec sa petite chanson / celle-ci est comme l’esquisse d’un centre stable et calme, stabilisant et calmant, au sein du chaos” / gilles deleuze et félix guattari / mille plateaux


emmanuel poncet / éloge des tubes / nil 18.50 euros

station de bus du futur par ratp / 19 boulevard diderot paris 12 face à la gare de lyon

lundi 11 juin 2012

design / tout arrêter et aller voir vera molnar / didier saco

vera molnar, chacun s’en souvient, est artiste hongroise qui vit en france depuis 1948 et construit son travail depuis 70 ans autour de la géométrie

bauhaus, art concret, cinétisme / chacun pourra, pourrait y trouver ses sources et ses filiations, et il est sûr que vera molnar peut revendiquer les siennes avec autant de pertinence

toute sa vie, vera molnar a travaillé l’évidence du carré, la pureté de la courbe et l’instant où la ligne plie, où le souffle passe et fait vaciller l’ensemble pour lui trouver un nouvel équilbre

peintre abstrait géométrique depuis 1948 : ce sont ces quelques mots qui pourraient la présenter dans une note biographique et si kandinsky, malévitch, mondrian et klee pourraient être désignés comme ses ancêtres plastiques, elle est à la source, inconstestablement, de toutes les identités graphiques de toutes les marques que nous croisons tous les jours

les équilibres des couleurs, des blancs et des respirations que vera molnar installe dans chacune de ses pièces se retrouvent dans chacune de nos identités, de nos logotypes, de nos chartes graphiques et de nos signalétiques en europe

elle est mère, sans le savoir et sans que ses enfants ne le sachent parfois eux-même, de toutes les affiches intelligentes qui nous arrêtent et nous donnent à respirer, heureux et interdits, quand les informations s’enchainent, se font écho, semblent se perdre puis se retrouvent, plus fortes, plus concentrées et essentielles

vera molnar, de surcroit et toujours en famille, est sœur de gerhard richter dans cette idée de ne pas raconter la même histoire toute sa vie et d’essayer différents supports, différents récits, différents usages de la couleur, de l’a-plat et du blanc, tout comme gerhard richter se revendique tout en même temps du pop art, de la junk culture, de la nouvelle figuration et du naturalisme et travaille selon ses périodes la photographie, le verre et le métal, les grands formats, les portraits et les macules

famille toujours, vera molnar est aussi sœur de geneviève asse
au-delà d’avoir été toutes deux exposées à rouen, de partager la même rigueur, d’être de la même génération et de partager la même énergie et la même joie de vivre, elles sont toutes deux sources intarissables de nos créations

abstait et géométrique, le travail de vera molnar, tout comme celui de geneviève asse, va à l’essence / des lignes extrêmement simples, une attirance pour le trait, le contour, des formes minimales, élémentaires, essentielles, une organisation sérielle, un chromatisme pur

tous nos projets en viennent et toutes nos images voudraient s’en venir


gerhard richter panorama / centre pompidou paris jusqu’au 24 septembre 12

véra molnar rétrospective / musée des beaux arts rouen et centre d’art contemporain saint-pierre-de-varengeville du 15 06 au 30 09 12

lundi 4 juin 2012

design / deux mètres carrés de design / didier saco

c’est ce que propose la société 2 mètres carrés d’éternité, présente à l’exposition jardins, jardin aux tuileries à paris dédiée aux tendances du jardin urbain et au design d’extérieur et qui propose de concevoir des surfaces tombales

c’est aussi la problématique posée à chaque designer / quel territoire donner à son talent, quelle amplitude à ses projets, quelle résonnance à ses désirs et quelles limites à ses compétences ?

comment exercer le métier de designer pour créer de la valeur, devenir source de profits et se développer ?

deux mètres carrés ou le monde entier ?

d’abord, il y a le territoire du métier de designer / quel design exercer ? le design d’extérieur, versus du design d’intérieur, le design sonore, le web design, le corporate design, le pack design, le design graphique, le design d’environnement, le food design, le design service et le design global, qui accompagne la marque sur tous les fronts de ses expressions

ensuite, il y a le territoire de l’exercice du métier de designer, entre impossible et possible

l’impossible du design, en europe en juin 2012, c’est d’imaginer le design de proximité comme modèle économique possible

le design de proximité, ce serait la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation / bénéficiaire / de produits et de services proches de soi / sa ville, sa région, son pays, son réseau / ce modèle économique ne fonctionne plus et toute marque qui veut produire et vendre doit être compétitive et, pour ce faire, déplacer sa production

c’est ce que fait la marque le tanneur, installée depuis 1898 en corrèze à bort-les orgues et qui, pour être compétitive, fabrique ses sacs en cuir tressé au tamil nadu, état du sud de l’inde réputé pour l’excellence du savoir-faire en matière de tressage, et c’est ce que n’a pas su faire la marque doux qui vient d’arrêter son activité pour n’avoir pas su faire face à la concurrence

c’est ce que viennent de subir les marques italiennes de mobilier, en passant du second au troisième rang mondial d’exportateur de meubles / le numéro 2 étant à présent les marques allemandes /, non tant par la baisse de l’excellence de leurs conceptions que par leurs coûts liés à leurs échelles de productions réduites et multiples et donc plus onéreuses

c’est ce que toutes les marques mainstream sont contraintes de faire pour avoir place sur les marchés et qui amène les designers à devoir imaginer et à développer dans leurs projets les cultures world, les délais de transports et de livraisons, les économies de matières, de formes et d’outillage, les langues parlées, les salons et les voyages, tout en intégrant les particularités nationales et les formes et les couleurs possibles et impossibles / le jaune en espagne


le possible du design, entre deux mètres carrés et le monde entier, est d’essayer de faire entendre sa voix et, pour y arriver, apprendre à faire clair et simple

“l’identité de marque est aujoud’hui plus importante que l’identité nationale des designers dans les studios“ frédéric ruyant à la conférence création et mondialisation / ifm

le possible du design, c’est savoir, tout en même temps, créer son territoire, son univers, ses projets et ses produits, selon ses intuitions, ses désirs et ses cultures et être capable de créer pour des marques, selon leurs codes, leurs valeurs et leurs marchés, des codes, des gammes et des revenus


c’est là l’idéal pour le designer, entre deux mètres carrés et le monde entier : savoir travailler en image mentale et en net-connections, entre dessin et ordinateur, entre made in france et made in world et entre son studio et les world compagnies

apprendre à faire clair et simple, c’est se nourrir de son identité et de ses enseignements / c’est effacer la tentation de la douance, croyance de celles et ceux qui se vivent surdoués et installer tout un système de réseaux qui permettent la transmission des idées vers et depuis l’autre, tout près et tout loin

challenge pas simple et formidable et qui changera dans 6 mois, dans un an et au-delà


deux mètres carrés d’éternité / 2m2deternite.com / laurence garfield et nathalie houdebine

création et mondialisation / le design est-il devenu global ? / conférence ifm 02 06 12 / designer’s days