lundi 19 mai 2014

design l’avenir d’un rêve / didier saco

Le rêve a commencé avec les dessins rupestres des Eyzies, d’Altamira et de Lascaux, les griffonnages d’enfants, les fresques de Michel-Ange, les machines de Léonard de Vinci et les ombres dans les caves de Platon.

Aujourd’hui plus que jamais, les rêves sont incarnés et aux prises avec la réalité naturelle / grâce au numérique et aux savoirs partagés, nous pouvons “visualiser nos rêves” parce qu’ils se sont jetés sur la matière réelle et sont devenus incarnés.

Les rêves sont fabriqués industriellement et partagés collectivement et ils reviennent sur notre vie éveillée pour la modeler, nous apprendre à vivre / ou à ne pas vivre.
Nous les réassimilons, socialisés, utiles, ils deviennent “les archives de notre âme” chères à Edgar Morin et ces formes, ces images, ces histoires nous nourrissent et composent le terreau de tous nos projets.

Et le designer français est au cœur de la machine à rêves.

Le designer français est épris et façonné par la culture transmise par ses parents, par son éducation et par son environnement.
La culture française n’est pas un plus, elle n’est pas meilleure qu’une autre et exception culturelle ne dit pas supérieure à la culture allemande, italienne, grecque ou japonaise mais c’est un acquis essentiel qui inscrit notre différence lorsque nous sommes en concurrence avec des confrères venus d’autres pays.

Eiffel, Prouvé, Le Corbusier, même s’il était suisse, Fragonard, Poussin, Colette Petonnet font partie de notre histoire, de nos fondamentaux, de nos sources qui alimentent en permanence nos imaginaires et éclairent nos conceptions.

Lawrence Durrell, même s’il était indien, et son Quatuor d’Alexandrie nous accompagnent lorsque nous créons un projet en plusieurs séquences qui se font écho, tel l’aménagement du hall d’un hôpital pour 4 types d’usagers, les visiteurs, les patients, les personnels et les édiles, avec chacun ses besoins et ses usages.

Lou Reed est à nos côtés, même s’il était américain, lorsque nous concevons un projet en disrupture, telle la signalétique de tous les bâtiments municipaux de la Ville du Havre en y inscrivant en majeur non le logotype de la Ville mais l’usage du bâtiment / école, crèche, musée, stade, mairie annexe / et en privilégiant l’usager avant la marque.

Rudy Ricciotti est notre compagnon de route quand, comme lui avec le béton, nous partons de la matière / le ductal, le corian, l’acier corten, … / pour imaginer nos projets et leur futur avec l’usage, l’usager, l’usure et la poussière.

Et le polyèdre, équilibre délicat en trois dimensions et symbole de notre scénographie de l’exposition Ailleurs à la Biennale de Venise qui réunit le travail de 10 architectes français à l’étranger peut trouver sa filiation auprès de Serge Poliakoff et du polyptique formidable qu’il a conçu en 1967 composé de treize panneaux disposés en trois rangées en un équilibre parfait.

L’étudiant en design, en France et dans le monde entier, est confronté à plusieurs réels pour accéder à son rêve et exercer le métier de designer.

Les premiers réels dépendent de lui et de ses parents / de ses parents, qui investissent dans des études coûteuses pour lui permettre d’accéder à son rêve et l’accompagnent de leur pression et de leur affection pendant ses années d’études et de lui-même lorsqu’il est tenté de démarrer sa vie professionnelle alors qu’il n’a pas terminé ses études en mettant en péril sa formation, ou en souhaitant, son diplôme de designer obtenu, poursuivre d’autres études pour éviter la confrontation avec le réel et le monde du travail.

La confrontation avec d’autres réels peut faire chanceler l’avenir des rêves, tels l’économique, le social, la presse parfois et la rencontre avec la frilosité face à l’innovation, comme l’absurde décision du tribunal administratif qui vient d’annuler le permis de construire du projet de LVMH à la Samaritaine, jugeant que la façade prévue par l’agence japonaise Sanaa sur la rue de Rivoli ne s’insérait pas dans le quartier, l’un des plus tristes de Paris.

Le rêve n’est pas inné, il est construit à partir des voyages, des lectures, des réseaux et des rencontres, et celle avec Marie Laure Bourgeois et Vincent Bécheau qui développent dans leur glossaire du designer le concept du mâ, notion spatio-temporelle d’origine sino-japonaise qui définit l’intervalle qui existe ou s’instaure autour de chacune et chacun d’entre nous et crée notre environnement personnel et essentiel en est une.

Il y en a d’autres, et l’avenir du rêve repose, en grande partie, sur nos métiers / designers, architectes, urbanistes : c’est à partir du rêve que nous pouvons construire l’avenir, et le défendre à chaque projet, chaque instant et face à chaque sinistre qui réfute l’innovation est une jolie mission.


Glossaire du designer / Marie Laure Bourgeois et Vincent Bécheau / La Muette 20.00 euros

Ailleurs, architecture française dans le monde du 4 juin au 23 novembre à Venise / Italie

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