mardi 21 juillet 2009

La ruée vers l’art / Anne-Marie Builles


Une frénésie du « mobile art » a saisi très récemment Hermès, Chanel et Prada par ordre d’entrée en scène.
Pour Chanel, Zaha Hadid a concu un pavillon mobile très OVNI où il a été proposé à une vingtaine d’artistes contemporains de croiser leur propre univers créatif avec les codes du célèbre sac matelassé. Pour Prada, le « Transformer » de Rem Koolhaas déplie une structure tétragonale dont la forme s’adapte aux différents types d’évènements : défilés de mode, exhibition artistique, cinémathèque et fêtes. La « H box » d’Hermès est une grosse malle cabine en aluminium et plexi, on y pénètre dans une sorte de « camera obscura » où sont projetées les œuvres de huit artistes vidéastes.

Communication ou mécénat ?
On peut simplement constater que, sur les trois propositions, la maitrise du mix marketing est parfaite, appel aux plus grandes stars de l’architecture qui n’ont pas hésité à forcer le geste sur l’objet mobile, destination,vers les plus grands musées et places des grandes villes du mondes, promotion par des évènements très, très people ; le budget n’est pas annonçé « équivalent à celui d’une grande campagne de communication » ; quant à l’identité des artistes, on s’en soucie comme d’une guigne (cerise).
Que dire de ce type d’instrumentalisation de l’art ?
Effet de griserie ou d’exhibitionisme narcissiques, si l’on osait le propos caustique que porta Bernard Lamarche Vadel sur l’engouement des années 80 vers le mouvement de la figuration libre, on pourrait comparer cette « ruée vers l’art » à celle qui s’empara de ces nouvelles classes montantes issues de la pub, des media, du cinéma, de la mode parvenues à acquérir en 20 ans tous les signes distinctifs de la réussite et du luxe matériel qu’il convient d’exhiber et qui s’avisèrent soudainement, sous la pression de l’idéologie culturelle ambiante, que l’art faisait aussi partie des valeurs « standing » dont il fallait s’équiper.
« Et chacun eu son tableau au dessus de la commode ».

Le mécénat n’est pas qu’une affaire de coups. Le temps de l’art est un temps long. Prada, Hermès, Chanel sont des marques « diablement » intelligente et , certainement par les temps qui courent, elles anticipent déjà un engagement dans un mécénat d’art plus réfléchi et plus noble.
Pierre Alexis Dumas d’Hermès déclara lors du lancement de la H Box : « Il faut favoriser l’émergence de la créativité, car le vrai danger, c’est que ce soit la loi du marché qui dicte la création ».
On ne peut pas mieux dire.

En attendant, la Fondation Cartier, fidéle à l’esprit pionnier de sa création en 94, nous invite au plaisir de retrouver dans ce petit air de campagne en plein Montparnasse, l’architecture claire et lumineuse de Jean Nouvel et la curiosité stimulante de découvrir à chaque fois l’énergie, la liberté et la vitalité d’un art qui vit dans son époque.
L’occasion en ce moment de « renouveler le regard que chacun porte sur la ville, en découvrant une forme d’art omniprésente dans nos villes : le graffiti.

« Né dans la rue, Graffiti ».
la Fondation Cartier pour l’art contemporain,
261 Bd Raspail, 75014. Jusqu’au 29 novembre.

photo : Né dans la rue, Graffiti

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