mardi 19 octobre 2010

GAP un logo dans l'air du temps / anne marie builles


« La sottise : on en respire la présence partout et toujours dans l'air du temps. Une présence atmosphérique, en quelque sorte »*
Marka Hensen, directrice de la marque Gap, aurait du s’en méfier quand le 4 octobre, le groupe décide de changer subrepticement le logotype de la marque.

Changer pourquoi ? Pour un logo « plus moderne », « davantage dans l’air du temps », pour « accompagner le développement de la marque », « tout en s’inscrivant en même temps dans la tradition » On reste confondu devant une telle faiblesse d’intention ou de non-vision qui pulvérise les frontières de la banalité marketing et le résultat fut à la hauteur du projet.

Difficile d’imaginer qu’une marque mondiale encore jeune, que l’on peut espérer encore pleine d’énergie et disposant d’un réseau de plus de trois mille boutiques, ait pu soudain oublier :
qu’aucune marque ne s’appartient tout-à-fait
qu’il ne suffit pas de changer de figure pour réactiver le lien avec ses publics
qu’au premier regard, pour tous ceux qui l’ont choisie, son logotype représente un repère mental fort, un signe majeur de reconnaissance, et plus encore un signe d’appartenance
que l’on ne manipule pas à coup de lieux communs le sens profond d’une fonction identitaire de marque qui s’appuie traditionnellement sur des valeurs, une figure imaginaire et une logique qui lui sont propres
que tout geste de changement, pour faire sens, doit s’accompagner d’une parole, d’une conviction, d’un projet qui engagent et prolongent l’histoire.

Et, the last but not the least, Gap aura simplement oublié que le web n’est pas pavé que de bonnes intentions.
Parce que l’air du temps est à la précipitation, Gap a voulu dénouer au plus mauvais moment le lien symbolique qui l’unit à ses publics.

Georges Lewi repère qu’il faut trois générations pour développer une marque mythique / une première génération reçoit la différence et accompagne la période héroïque de la marque, la deuxième génération (c’est ici que Gap a voulu forcer le destin), la plus difficile à convaincre, donne sa confiance à cette marque apportée par les parents / pas de chance pour Gap, 730 000 enfants du web se se sont levés comme un seul homme
Et la troisième génération aura conscience de l’apport culturel et sociétal de la marque qui aura su franchir toutes les étapes et pourra s’engager dans une fidélité durable. L’air du temps n’y peut rien.

A la marque de voir un peu plus loin et d’affirmer assez de conviction et d’engagement pour exprimer le lien de confiance qu’elle veut construire avec ses publics.

*La sottise / Lucien Jerphagnon Albin Michel

mardi 5 octobre 2010

design / maison et utopies / didier saco


l’utopie, chacun s’en souvient, a été créée par thomas morus et est une société idéale, placée dans un non-lieu imaginaire / nombre de créateurs ont travaillé le thême de l’utopie, de rabelais avec l’abbaye de thélème à campanella avec la cité du soleil et, plus proche de nous, le corbusier avec les cités radieuses

aujourd’hui, c’est toute l’idée de la maison qui est entrée en utopie /
en quelques années, le rallongement de la durée de la vie, la mondialisation, les multes vies affectives que chacun peut connaitre, le rallongement de la durée du travail et la thésaurisation sur l’immobilier ont bouleversé l’idée de la maison

l’acquisition de la maison est devenue inaccessible pour de chaque jour plus nombreux, pour des raisons économiques

en même temps, l’idée de l’individu fixé sur un espace donné et pour un temps long, celui de l’acquisition de la maison, est devenue caduque

nos corps changent, nos déplacements, voulus ou imposés, s’accélèrent et nos liens affectifs créent des groupes mouvants dans le temps, ce qui rend chaque jour plus difficile l’idée de consacrer 20 ans ou plus à acquérir un même espace, au même endroit, avec les mêmes circulations et les mêmes distributions alors que nos besoins, imaginaires, souhaités ou réels, changent, vite

la maison de l’écrivain, que l’on visite en pélerinage, en est le meilleur révélateur / en même temps que de découvrir là où colette, émile zola, victor hugo, gustave moreau et marguerite yourcenar ont véçu et créé, la configuration d’habitats qui n’ont pas plus de cent ans est aussi éloignée de nous que la grotte de lascaux

des matériaux durs et qui font mal quand on y tombe, pas d’espace pour les enfants, peu de lumière, encore moins de chauffage, des sanitaires approximatifs, des cuisines éloignées et des espaces de réception / salon, bibliothèque au cœur de la maison

qu’imaginer pour des corps de 80 ans, pour des communications par écran, pour des informations stockables et accessibles par ordinateur et pour des mondialisables ?

la télévision qui s’éteint progressivement est déjà une réponse / l’exposition mobi boom aux arts décoratifs à paris jusqu’au 02 janvier qui nous rappelle des sociétés de mobilier françaises des années 45/75 dont la plus grande partie n’existe plus en est une autre

c’est la réalité / des us qui changent en quelques années, et des marques, avec des formes, des couleurs et des matériaux qui disparaissent, faute de l’avoir compris assez vite

tout comme le rapport à l’enfant, au confort, à la mobilité, à la transmission et au respect maximal de l’environnement ont modifié notre conception de l’espace

la commode de famille a disparu / merveilles /, les formes accessibles, souples et douces pour tous les âges ont eu raison des marbres et des bronzes, et l’espace de vie, où l’on se retrouve, intra et extra, via internet, ont eu raison des salons, bibliothèques et fumoirs

est-ce le marché immobilier ou la mobilité imposée qui ont eu raison de l’appartement acquis, ou le simple ennui à l’idée de vivre, condamné pendant 20 ans, le temps d’un crédit, au même endroit ?


qu’importe / le résultat est que les plus jeunes s’écartent de l’idée de s’installer pour la vie

l’utopie est de pouvoir trouver le monde idéal, qui est plus que jamais un non-lieu, avec des non-meubles, des non-attaches, des non-objets et des vrais services, des vraies fonctions et de vrais usages / situé nulle part, le monde idéal donne toute sa place aux mondes probables, en cours et en potentiel

la maison d’émile zola à médan
exposition l’assommoir au théâtre réalisée par martine le blond-zola
ouverte tous les samedis, dimanches et jours fériés de 14h à 18h30
01 39 75 35 65

musique et utopie / bernard sève, laurent feneyrou, raphaêlle legrand et al. / 154 pages / 19.00 euros