lundi 3 janvier 2011

d’ombre et de lumière, Andrée Putman / Anne Marie-Builles


Au nom de la pureté de l’état monastique, Bernard de Clairvaux, fondateur de l’ordre cistercien, édicta un certain nombre de principes de construction pour les abbayes de son ordre, austérité, dépouillement, simplicité fonctionnelle.
Il y ajouta l’interdiction de colorer les vitraux pour préserver la nudité de la lumière, seule autorisée à pénêtrer en ces lieux, pour rythmer le quotidien de travail et de recueillement des moines.
Une jeune fille de la bonne société nommée Andrée Putman passa toutes les vacances de sa jeunesse dans l’un de ces lieux inspirés, l’abbaye de Fontenay, considérée aujourd’hui grâce à l’intelligente restauration de sa famille comme l’expression la plus pure et la plus parfaite de l’esprit cistercien des origines.

« On est habité par les choses, les émotions qu’on a vécues » se plait-elle à dire.
Andrée Putman a tout approché dans son parcours ; toujours en gardant l’œil qui sait voir ce qu’il y a d’essentiel à voir, dans une vie qu’elle a voulue riche de rencontres artistiques et d’expériences matérielles.
A l’évidence, Andrée Putman se souvient de la lumière et de l’espace de sa jeunesse .« Quand je crée un lieu, je ne pense jamais au design. Je pense à l’espace, à la lumière, aux axes ».

Au fil de toutes ses réalisations, hôtels, boutiques, musées, espaces intimes, mobiliers, elle démontre un sens aigu de l’esprit du lieu, qui fait dire à Francois-Olivier Rousseau * à propos d’une chambre du Morgans, son célèbre hôtel américain .
« On sent la ville qui se profile dans une contiguité logique avec l’atmosphère, les matériaux les couleurs. Il y a là un magnifique glissement qui nie la limite entre l’intèrieur et l’extérieur ».
Jeux de lumières subtils, harmonie et sensualité discrète des matières, pureté des lignes dilatent étonnamment les lieux que signent Andrée Putman jusqu'à donner une fluidité presque immatérielle à un mobilier pourtant de facture très classique.
« C’est un travail, dit-elle, qui est parfois presque invisible, presque en apesanteur. Je dis souvent qu’il doit être omniprésent mais frôler la disparition. Mes lieux sont simples, mais pas dépersonnalisés, sereins mais pas froids, séduisants mais pas opulents, doux mais pas nostalgiques, épurés mais pas restrictifs. Au fond, j’ai toujours cherché à réconcilier les matériaux pauvres et riches. C’est une idée anti-ghetto et anticonformiste sur l'aménagement de l'espace, sur la lumière et sur l'élégance dans le détail ; parfois l’humour s’y glisse ».

Parce qu’Andrée Putman se moque des modes et des conventions, elle sait à chaque moment décisif de sa vie « se choisir » et laisser vivre en elle cette quête d’intériorité d’une lumière qui continue à la guider.

La dernière belle image du reportage réalisé par Benoit Jacquot sur la villa qu’elle a aménagée en 2007 au Maroc suit sa fine silhouette altière et élégante qui s’estompe peu à peu sur le chemin et rompt nette comme un trait noir la lumière blanche de Tanger qui fut la ville d’enfance de sa mère.


Du 10 novembre 2010 au 26 février 2011,
Exposition Andrée Putman l'Hôtel de ville de Paris

*Andrée Putman François-Olivier Rousseau Edition du Regard 1989

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