lundi 25 février 2008

adieu, licorne / didier saco


le centre wallonie bruxelles à paris présente, du 15 février au 27 avril, une exposition exceptionnelle : du dessin à l’animation du dess(e)in

jusque là, tout est normal, puisque le centre wallonie bruxelles est l’un des centres culturels les plus dynamiques et les plus innovants de paris et que chacune des rencontres, expositions, manifestations qui s’y passe a toujours un point de vue, un regard, une énergie à part

l’exceptionnel de l’exposition relève autant du contenant que du contenu / le contenu est constitué de pièces issues du dessin et dont la majorité se présente sous la forme de dessins, au trait noir, animés et réalisés par des artistes de toutes nationalités, dont william kentridge, précurseur du dessin d’animation de renommée mondiale / et le contenant, pour la grande majorité des œuvres, d’écrans grand format où défilent les dessins et les films d’animation

moogli devant kaa : le résultat est fascinant, autant devant les œuvres présentées que face aux perspectives offertes par le media choisi
les années video sont déjà très loin : les images violentes, en quadri, tournées rapidement, présentées sur petit écran et qui laissaient souvent une impression d’intrusions forcées, sont remplacées par un récit en 1 couleur, logique, séquencé, esthétique, modulable et totalement séduisant qui, en quelques traits qui semblent si simples, et en quelques minutes, inscrivent toutes les émotions du monde, animales, végétales, humaines et spirituelles

tout de suite s’installe un récit, dont chacun peut s’emparer, sans référent, sans histoire, sans culture, sans formation préalables ainsi que les perspectives exceptionnelles de ces dessins d’animation qui peuvent décliner toutes les narrations et les imaginaires possibles et remplacer, très vite, toutes les images fixes auquelles nous sommes habituées : adieu licorne, demoiselles d’avignon et nymphéas

le lien avec le design est au cœur de la même perspective : l’essentiel du récit et de l’installation

les marques ne nous demandent plus uniquement des formes, des profilés et des plans techniques, mais avant tout projet son histoire /
le designer est devenu récitant, tout comme kaa, et nous devons raconter autant qu’imaginer

les raisons qui amènent aujourd’hui les marques à demander aux designers de concevoir l’histoire et les sources avant le produit sont simples : crainte du risque, absence de repères, durée de vie raccourcie des marchés et déplacement vers les designers des cautions culturelles, historiques et sociologiques, afin de permettre aux marques de porter tous leurs efforts aux stratégies de développement des produits
nul pack n’a plus pour vocation première de contenir, nulle boutique de vendre des produis et nulle automobile de transporter, et c’est sur les épaules du designer que reposent les talents de rendre un pack bavard, un magasin semblable à un centre culturel et une automobile à un salon de grand hôtel

du dessin à l’animation du dess(e)in, jusqu’au 27 avril
centre wallonie-bruxelles à paris / 127 129 rue saint-martin paris 4

y a-t-il une pensée du design ? / anne-marie builles

Les premières réactions à notre projet de blog Monday design nous interpellent sur la crédibilité d’un blog design sans images. Aucun parti pris définitif, mais dans une première approche, il nous semblait utile d’orienter notre blog avant tout comme un lieu d’échanges et un laboratoire de réflexions.
Le design est présent en « images » dans de nombreux supports media ; en revanche, il nous semble manquer de théorie ou disons qu’il ne se donne pas encore les moyens de définir les règles d’un dialogue constructif avec d’autres théories et univers, sciences humaines, économiques, sociales, plastiques, univers des techniques et de la production industrielle.
La recherche design doit encore trouver son autonomie d’expression par rapport à tous ces champs de réflexions dont il relève.
Très clairement, ce dialogue semble s’engager dans nombre de recherches actuelles sur la créativité, la prospective, l’écoconception….
Le mouvement est inéluctable car l’ignorance de notre propre milieu, des changements que nous vivons et des bouleversements qui s’annoncent, pourrait bien se révéler comme une source d’aliénation. Les questions sont nombreuses : comment rendre compréhensive la complexité du rapport entre l’usager et l’objet, quelle signification aura l’objet industriel de demain, comment sensibiliser le grand public à ces enjeux, quelles visions, quelles stratégies, quels scénarios lui proposer pour le toucher, le responsabiliser…. et le faire rêver.
Une autre réserve nous inciterait à ne pas montrer d’image, l’envie de se dégager d’une attitude trop esthétisante.
L’illustration par un visuel tend le plus souvent à privilégier le beau et l’étonnement, à l’usage et aux valeurs de l’objet. L’histoire du design se nourrit des débats entre le beau et l’utile, de la distinction produit et œuvre, de l’opposition entre intellectuels qui questionnent, projettent et désirent et ceux qui réalisent, entre le discours fonctionnaliste, sérieux, techniciste et un discours plus ludique où le design est prié de se situer entre le statut de l’anonymat de l’objet destiné à la production de masse et le statut d’un design d’image, de l’objet unique (celui qui se voit, qui fait œuvre d’art ou de mode).
Préférez la bonne image à la belle image ! S’il nous est permis de donner un conseil aux jeunes designers qui présentent leur book, l’image du nième porte manteaux ou du nième vase à fleurs ne résume le talent d’un design. Si attrayante que soit la 3D, elle n’épuise pas la sensibilité d’un projet.
Trop d’images, trop d’objets miroirs, affaiblissent la compréhension de son talent et de « l’essence » de son projet. Au-delà de ses réalisations, le jeune designer sera aussi évalué sur son ouverture à d’autres disciplines, sa capacité à expliquer et à maîtriser une vision originale et globale de sa pratique en termes de système impliquant, objets personnes et relation et, si possible, dans une perspective engagée et dynamique.

Pour différer une dernière fois la preuve par l’image, et défendre par le texte, au-delà de l’apparence, « la présence » de l’objet, tournons-nous vers le poète, Francis Ponge dans « Le parti pris des choses » ou cette petite démonstration assez savoureuse sur l’ustensile.
« Littré dit qu’ustensile vient d’uti (servir, racine d’outil) et qu’il devrait s’écrire et se dire utensile. Il ajoute que l’s est sans raison et tout à fait barbare. Je pense, pour ma part, qu’il a été ajouté justement à cause d’ostensible... et qu’il n’y a rien de barbare, quelque chose au contraire d’une grande finesse. Dans ustensile, il faut reconnaître aussi une parfaite convenance au caractère de l’objet, qui se pend au mur de la cuisine, et qui lorsqu’on l’y pend, s’y balance un instant, y oscille en produisant contre le mur un bruit assez grêle.

Francis Ponge . le Grand Recueil- Editions Gallimard»

geek / raphaël denis-callier

Une passion pour les années 50, 60, 70, 80 ou 90 ?
Vous êtes incollable en cinéma ou en musique ? 
Vous vous passionnez 
pour la culture à travers 
le journalisme ?
Bref, quelque chose 
vous passionne ?
Vous avez un geek qui 
sommeille en vous.

Le geek, fada, fou ou même crétin désigne un clown 
de carnaval. Au départ, 
le terme vient de l’américain freak, «monstre de foire» explique David Peyron, réalisant une thèse en sociologie sur la culture geek.

Le monstre de foire aujourd’hui est l’intello 
mis de coté à l’école. 
Le voisin «autistement» passionné d’informatique 
que l’on va voir quand 
on a un problème avec son ordinateur. Le sportif amateur qui porte ses chaussures 
de foot pendant la journée 
ou qui dort avec ses rollers.

Le grand public sous-entend que le geek est passionné 
par la technologie, la «sf» (science fiction), les jeux vidéo ou associés. 
Mais, heureusement pour nous,
 la «culture» geek va bien 
plus loin et nous prouve qu’en chacun de nous sommeille 
un geek.
C’est le 9 décembre 2001 : 
un article signé Steve Silberman dans Wired : 
“the geek syndrome” 
a annoncé une très forte fréquence d’autisme 
et de syndrome d’Asperger parmi les enfants des informaticiens de la Silicon Valley (USA). L’expression est restée, surtout pour les personnes atteintes du syndrome d’Asperger. Le geek est alors devenu sociable aux yeux de tous. Au moment où les passions “caricaturales” sont devenues culturelles et surtout, 
très lucratives...

Pour le comprendre, il faut remonter 20 ans en arrière, une génération qui est née avec la libération culturelle 
(fin 70) et corporelle et qui n’a pas connu la guerre. 
Ils ont entre 20 et 30 ans, 
ils découvrent l’informatique 
et le rêve de nature de 
leurs parents s’envolent dans 
une passion folle pour 
ce que la société a créé 
de plus lucratif, la technologie 
grand public.
A cette époque, le terme 
geek n’existe pas, il n’a pas d’intérêt à exister. On parle 
de nerd (désignant un nœud dans un réseau éléctronique), d’Otaku au Japon...

En 20 ans, la “technologie grand public” est passée 
par tous les arts, sous toutes les formes (jeux, inspiration de roman en tout genre, médecine, le cinéma 
et ses effets spéciaux, 
le sport...). Elle a été suivie 
par la génération, qui, 
au fur et à mesure, a cumulé une culture grandissante 
qui est passée d’anecdotique 
à générale...
La culture geek est née, grandissante chaque jour, partant de ce que les “bonnes” personnes ne veulent 
pas. Elle devient référence 
pour elles parce que 
plus pointue dans leur propre domaine parce qu’arrivant 
par la porte “professionnelle” 
à chaque fois. Le geek 
ne se trompe pas, il va préférer un forfait “pro” 
pour son téléphone mobile plus que le forfait “d’jeune” (on se souvient de l’effet millenium du forfait sfr).

La geek est enfin respectée 
par le grand public fin 90 
avec Matrix, balbutiement 
d’un thème récurant 
chez le geek où il sauve 
le monde de son ordinateur, thème déjà abordé dans plusieurs jeux, livres ou même films auparavant mais qui 
était resté très underground car la technologie n’était 
pas passée par le médium 
du cinéma.

lundi 18 février 2008

vitrines / didier saco

le centre du design rhône-alpes, désormais dénommé ardi rhône-alpes, vient de réaliser et de nous adresser une compilation “sélection jeunes designers 2007”, conçue à partir de 187 projets d’élèves diplômés en 07 et issus de 32 écoles européennes, publiques et privées
au-delà des projets présentés, certains pertinents, certains amusants et d’autres totalement hermétiques pour non-initiés, le projet du cdra est exemplaire

les temps ont passé où chaque designer, chaque agence, chaque école se construisait comme une forteresse

de gré ou de force, par voie de site devenue voie de fait, nous avons levé le rideau sur nos réalisations / chacun a alors pu voir et savoir ce que l’autre concevait, et la paranoïa a été battue en brêche par la nécessité / il nous arrive encore d’entendre quelques uns revendiquer quelque paternité sur des projets par d’autres développés, mais nul d’entre nous, aujourd’hui, ne peut, sans rougir, affirmer qu’il a l’exclusivité de ses sources d’inspiration

face à des marchés qui deviennent, au fil des décroissances, plus craintifs et plus rétifs à toute innovation et à des marques qui rêvent tout en même temps du risque zéro, de culture, d’humour, d’amour, d’histoire, d’avenir et de développement interplanétaire, nous élargissons nos recherches, notre analyse et notre offre, nous devenons précurseurs et apportons un spectre plus large encore de compétences, même si les délais, autant de réflexion que de durée de vie de nos projets, sont tous raccourcis

nous frayons avec d’autres expériences, d’autres talents, d’autres méthodes et d’autres techniques, complémentaires / stratégies de développement de patrimoine, réglementation reach, design sonore, matériaux éco-conçus, analyses de comportements

le cd du cdra, tout comme l’observeur du design de l’apci et ce blog nouvellement créé, s’inscrivent dans cette dynamique / créer des sources d’idées, des centres d’énergies où chacun, designer, étudiant, école, fabriquant, marque ou simple amateur de design puisse puiser

www.centredudesign.fr/
33 (0) 4 72 75 94 94 / cécile juillard-jeandeau

tout ce qui bouge / anne-marie builles

L’entreprise Laser publie une rétrospective du travail mené depuis 10 ans, rue des archives, sur son identité esthétique, tout un programme mis en mouvement par Dominique Ricard, en charge de l’identité visuelle, mise en scène graphique et architecturale de « l’identité de l’activité Laser », aménagement des locaux, organisation de conférences-débats et expositions de designers parmi les plus talentueux pour « Croiser et interpénétrer les regards de tout ce qui bouge dehors ».

Une curiosité qui peut étonner de la part d’une entreprise à l’origine spécialisée dans les services financiers et les nouvelles technologies, un « défi d’ordre culturel », précise son président Philippe Lemoine pour accompagner,

« rendre visible et valoriser » la façon d’être de l’entreprise et « légitimer sa capacité à traiter les enjeux complexes de la relation client ».
Modernité, échange, esthétique, personne, intention ; cinq points d’orgue d’un parti pris esthétique qui sont au cœur du questionnement du design et le placent à la frontière du projet de l’entreprise, à l’avant-garde des changements et avenirs de nos sociétés.
Modernité, échange, humanisation.
Si la pression du marché et les développements des nouvelles technologies de l’information et de la communication tendent à renforcer la standardisation de nos comportements de production et de consommation, en revanche le croisement accéléré des savoirs, la libre circulation des idées et des expériences ouvre de nouveaux espaces relationnels de sens et font apparaître de nouvelles singularités.

Contre les usages prescrits par les modes d'emploi et la captation de nos désirs par les diktats du marketing, la personne, le sujet, le particulier, le local recouvrent la possibilité d’exprimer leur propre sensibilité, leur droit d’autonomie et de contrôle.

La multiplicité des d’échanges, des individualismes et des attitudes modifie profondément nos rapports au monde des objets et rendent perplexes les entreprises qui les produisent.
À l’instar du groupe Laser, la plupart d’entre elles pressentent l’intelligence des designers à conduire et à matérialiser la quête de sens, à exprimer la qualité du lien individuel et humain que nous voulons avoir à notre environnement et aux objets de notre vie personnelle, sociale et culturelle.
Il appartient aux designers de proposer des expériences singulières de reconstituer des objets de désirs, d’extraire un maximum d’imaginaire et de symbolique à partir d’un maximum de technologie.
Tous les travaux des designers en témoignent dans ce livre ; au-delà de la fonction d’usage, ils rendent compte de la richesse symbolique de nos échanges et de notre relation aux objets et portent « l’intention » de l’ouverture à l’autre, de l’attention à la personne, de la revitalisation de nos désirs.
Nous souhaitons que ce blog soit le lieu d’expression des « intentions » de tous les acteurs du design.

www.esthetique.laser.fr
Laser / Esthétique / Design / 1998 2008 Laser 66 rue des archives 75003

on ne badine pas avec la typo / raphaël denis-callier

Qu’est ce qu’une typographie ?
Un choix méticuleux, un coup de foudre, un hasard...
Qu’est ce qu’un “choix typographique” ?
Pour beaucoup de raisons, je suis persuadé que, lorsque l’on fait un choix typographique, nous posons une question. Une question entre ce que véhicule la typographie et le concept du projet auquel elle est associée.

Elzévirs, Didots, Égyptiennes, Antiques ou Écriture (selon la classification Thibaudeau) ? Il arrive qu’un graphiste tombe amoureux d’une typographie. Le rapport entre elle et lui peut durer toute une vie.

Mais dans cette relation presque maritale, le graphiste est volatile, c’est plus fort que lui, il est libertin. Même s'il est toujours chapeauté par “sa” typographie, il saute de typographie en typographie, il va voir ailleurs. Dans cette recherche folle, il touche à une sorte de typographie facile à trouver, séduisante que nous avons tous dans nos typothèques.

Belle dans l’idée, simple dans la forme, elle ne demande qu’à être utilisée. Et c’est là tout le problème, elles nous sont utiles mais on ne peut pas les utiliser. D’abord, elles sont souvent incomplètes. Mal dessinées malgré de bonnes intentions formelles, elles se placent toujours avec une chasse de travers.

Mais qu’est ce que vous voulez, des fois c’est comme ça, on ne sait pas pourquoi mais on est attiré par le défaut.

Alors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et poser ces typos dans le format. Une séance de pose simple où l’on ressent leur présence maladroite. On se rend souvent compte qu’en posant ces typographies dans nos compositions, elles ouvrent un débat sur une autre résolution et apportent un autre regard jamais dénué d’intérêt.

Je ne vends pas ces typographies. En fait, je ne vends aucune typographie. Je communique seulement mon point de vue sur la typographie. Ces typographies gratuites et incomplètes qui nous attirent mais que l’on ne peut se résigner à utiliser face à l’exigence de l’œil.

Vous avez sûrement dans votre typothèque des typographies glanées sur internet qui vous plaisent quelque part et que, pourtant on ne retrouvera jamais dans vos compositions. Elles posent tellement de questions sans apporter de réponses qu’elles en deviennent passionnantes. On veut l’utiliser mais on ne peut pas.

où trouver la pants patrol