lundi 5 janvier 2009

Le chant du cygne / anne-marie builles


Les marques de luxe ont prospéré sur la rareté qu’elles ont cultivée avec talent et créativité.
Or il arrive parfois que le réel rejoigne la fiction.
Aujourd’hui, nous entrons durablement dans un mode de rareté, le visage et l’esprit du luxe vont s’en trouver profondément ébranlés, jusqu'à vider de son sens si patiemment construit le contenu du mot luxe.
Prémonitoire d’une perte de repères annoncée vient de paraître « luxe oblige » de Jean Noël Kapferer et Vincent Bastien.
En 370 pages, toutes les recettes avérées pour une bonne gouvernance du luxe y sont décrites avec minutie et subtilité, fondamentaux, obligations à remplir et règles de management du luxe ; les recettes semblent imparables, qualité, tradition, sophistication, exception, théâtralisation et barrières d’entrée (prix, rareté, élitisme), les mêmes causes produisant les mêmes effets et puisque le luxe est éternel, il n’y a pas de raison que de si habiles stratégies ne continuent à faire recette.
Pas de luxe sans marques ; en extase d’elles-même, elles sont les gardiennes du temple. Celles qui ont su préserver leurs mythes, souveraines, singulières, sophistiquées,elles campent sur leur olympe.
Miroir, mon beau miroir.
Ce « reflet de soi proposé aux autres ,» cette relation intime qu’elles ont su si habilement entretenir avec leur client, quel sens a-t-il aujourd’hui, au regard du miroir du monde qui s’invite à la fête. Il change à grande vitesse.
Le doute s’est insinué dans l’esprit des auteurs du livre dans les toutes dernières pages de ce meilleur des mondes possible où ils évoquent éthique, respect de l’homme et développement durable, tout en soulignant que marketing traditionnel correspondait jusqu'à peu à un monde d’abondance que nous venons de quitter.

La surpuissance de la galaxie du luxe dicte encore sa loi, mais à trop enfler, elle s’est figée dans ses certitudes et l’on connaît la fin de la fable de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf.
Les grandes marques de luxe vivent désormais en bande, le luxe fonctionne comme les gnous au Kenya, note plaisamment Christian Blanckaert où chacun suit l’autre pour se protéger des prédateurs.

Aucune marque n’est à l’abri du changement, du talent et des idée nouvelles.
Une conception nouvelle du luxe va naître, pense Philippe Starck, associant intelligence, imagination et engagement : « quelque chose qui se base sur la qualité dans les règles de l’art, une vision la plus noble possible, une adéquation entre technologie, éthique et humanité » .
Cela ne s’exprime dans aucun style, cela engendre sa propre esthétique et permet de se dégager des diktats du goût et de la mode.
Ce qui émerge, c’est une expression en perpétuel cours d’élaboration »
Tout est à repenser, le luxe aura besoin des designers.

Luxe oblige
Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer / Eyrolles, éditions d’organisation

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