lundi 29 juin 2009

Dans l’œil du critique Bernard Lamarche-Vadel / A. M. Builles


« Le privilège des grands, c’est de voir la catastrophe d’une terrasse ».
A prendre au mot, cette phrase de Jean Giraudoux qu’il mit en exergue de son exposition « qu’est ce que l’art Français (1986) ? », Lamarche-Vadel plaça très haut l’exigence de pensée où il situera toute sa vie durant son regard de critique et l’esprit d’indépendance hautaine, alliée à une ironie tragique qui se plaira souvent à frôler l’abîme.
Lamarche-Vadel fut, dans les années 80-90, la figure de référence de la critique d’art, mais son engagement dans l’écriture le mènera bien au-delà. L’expérience de l’art sera toute sa vie, à un degré de hauteur de vue peu commune .

Même mise à bas de son piedestal par la modernité, l’œuvre d’art ne cessa jamais d’être pour cet ami passionné des artistes l’unique passerelle jetée vers l’invisible.
Mu par une nécessité intérieure qui jamais ne faiblit sans tomber dans l’idéalisation vaine, il fut un passeur vivant vers l’invisible.
Une sensibilité d’écorché vif, une énergie de pensée lucide et aigüe rompue aux pensées les plus à la marge de son époque (Deleuze, Foucault, Barthes Lyotard), une rage animale et terrienne au sens le plus noble du terme traquèrent avec malice et perversion tous les poncifs, les compromis, les impostures d’un marché de l’art auquel il fut mêlé, par la force des choses.

L’expérience des limites fut son quotidien, il se trompa évidemment, et se fit quelques ennemis institutionnels ou qui le devinrent .
Mais la radicalité, l’intransigeance et la clairvoyance de ses jugements surplombent aujourd’hui les propos convenus de bien des réflexions qui le menèrent vers un splendide isolement mortifère dans lequel il sombra en 2000.
« Il n’est pas de grand créateur sans légende » : il contribua à la façonner, tel un dandy baroque. Nombre de ceux qui l’ont connu et en ont été changés la prolongent aujourd’hui et témoignent
avec émotion du bouleversant parcours de cet homme dédié à l’expérience de l’art.

« A l’heure de la décomposition générale, il prend le pouls des désastres, dissèque les ravages, rafraîchit les cerveaux sur l’actuelle expropriation des corps » note son amie Isabelle Sobelman.
Il n’avait pas l’esprit d’école et de collection, ce qui fait de sa vie et de ses écrits un témoignage incomparable sur les singularités passées de l’art du vingtième siècle et de celui qui vient.

« Bernard Lamarche-Vadel, un nom qu’il ne faut pas oublier.
Il est de ceux qui méritent ce bel adjectif d’ irrégulier, il n’était pas égal, pas symétrique, à la manière d’Otis Redding qu’il aimait, il changeait de rythme, accompagnait le mouvement de la vie, de la pensée de la curiosité du langage » / olivier kaeppelin.
Merci, Bernard Lamarche-Vadel, de nous forcer à lire, à entendre et à voir ce que nous regardons.

Lire et écouter ses conférences et ses entretiens à l’exposition.
Ainsi que les conférences qu’il donna à l’IFM, institut français de la mode

Dans l’œil du critique / musée d’art moderne de la ville de paris jusqu’au 6 septembre

1 commentaire:

I Tessier a dit…

En 2010, sera célébré le dixième anniversaire de la mort de Bernard Lamarche-Vadel, romancier, poète, essayiste, critique d’art… et également directeur artistique de l’artothèque de Vitré de 1989 à 2000.


Grâce à ce grand défenseur de la photographie contemporaine, l’artothèque de Vitré est aujourd’hui largement reconnue pour l’ensemble de sa collection riche de certaines œuvres de Bernard Plossu, de Lewis Baltz, de Keiichi Tahara, de Patrick Faigenbaum, de Florence Chevallier, de Magdi Sénadji, de Patrick Tosani, d’Yves Trémorin, de Lee Friedlander…


En lien avec le musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, les archives de la critique d’art à Châteaugiron, l’artothèque de Caen, le Carré d’art à Chartres de Bretagne, l’école des beaux-arts de Quimper, le FRAC Bretagne, l’imagerie à Lannion, le CAP à Brest, la galerie le Lieu à Lorient, l’artothèque de Grenoble, l’artothèque d’Annecy, l’association Gwin Zegal, la galerie Michèle Chomette à Paris, l’artothèque de Vitré met en place une série d’expositions consacrées à celui qui a contribué, entre autres, à l’émergence de nouvelles tendances photographiques en France et à leur reconnaissance.


En tout, treize expositions seront présentées durant le deuxième semestre 2010.

Par ailleurs, l’artothèque de Vitré présente, jusqu’au 6 septembre 2009, quelques œuvres de sa collection photographique au Musée d’art Moderne de la ville de Paris, dans le cadre de l’exposition Dans l’œil du critique, Bernard Lamarche-Vadel et les artistes.