mardi 27 avril 2010
Architectures de résistance / Anne-Marie Builles
Saint Germain des Prés, d’une impression l’autre.
Walter Benjamin nous a appris à décrypter au travers de sa densité sensitive de ses impressions de flâneur de la grande ville, le livre ouvert de notre modernité.
Deux évènements dans le quartier mythique de Saint Germain à Paris, par l’effet de contrastes qu’ils produisent, nous donnent à voir symboliquement certaines tensions et mutations symboliques qui travaillent la ville.
Dans la catégorie «production de mythe et fantasmagorie moderne résultant de l’effet de saturation du capitalisme avancé», le nouveau flagship de Ralph Lauren, le glamour des stars et des cow-boys, vient de s’installer en majesté dans un superbe hôtel particulier 17ème «restauré à l’identique», rutilant comme savent si bien le faire les Américains.
Plein les yeux de ce nouvel emblème d’un marketing luxe triomphant et, à quelques mètres, sur les quais de la station de métro Saint Germain des Prés, pour ceux qui prendront le temps d’en rater un ou deux, un sentiment d’étrangeté nous attend, à l’initiative de l'Ambassade d'Espagne qui nous invite à découvrir, «architectures de résistance», un travail minutieux et obstiné de collecte de Nicolas de Combarro, avec la collaboration littéraire de Pablo de Jevenois.
Proposition d’« une mise en interrogation du regard » porté sur ces formes architecturales résiduelles, abris, cabanes, vestiges de construction et figures insolites surgies dans la banalité de paysages de nulle part.
Présentation minimaliste de superbes photographies et textes admirables qui captent au fil du quai notre attention et notre imaginaire.
De ces architectures vestiges, Philippe Combarro dégage une étude fine et sensible de formes et figures architecturales insolites, « croquis de formes singulières beauté de formes épurées que nous remarquons rarement, croquis juxtaposés aux photoset projetés sur les voutes de la station.
« La déconstruction, la ruine et la disparition / sur le chemin pervers finissant dans le néant affleure la géométrie comme essence pure. Ces humbles abris nous ramènent d’emblée vers des temps primordiaux, à la naissance du monde, à des monstres blottis dans le fourré, et ils diparaitront sans laisser de traces, comme une suite d’éternels silences.
Que cherches-tu à découvrir quand tu veux t’en approcher ?
Une partie de cette réalité éphémère transparait à jamais dans des formes dépourvues de sens, témoins d’une réalité à moitié oubliée, résistant à l’abandon et à l’écoulement du temps.
Si tu restes attentif, tu pourras percevoir les formes pures, tu plongeras sous la surface, approfondissant ce fond secret à la recherche de toi-même.
Et ce que tu distingueras à peine deviendra clair. Il s’agit, en somme, d’une quête après ta propre âme. »
Mais c’est la fébrilité de ville qui l’emporte et l’exposition arrête très peu de public, pour l’instant.
Car c’est cela aussi qui fait courir notre modernité, une incapacité d’attention, une fragmentation de nos impressions et de nos perceptions, sans unité et arrêt possibles.
Quand seule l’image mouvante peut encore capter les rythmes de la ville, comment choisir, circuler toujours sans cesse désorienté entre ce que l’on subit et ce que l’on perçoit, entre ce qui est donné à voir et ce qui s’exhibe, canalisation obstinée des flux vers la consommation de la grande industrie culturelle de masse.
Le flâneur figure de la résistance urbaine selon Benjamin aurait-il disparu et serait-il redevenu, selon l’expression de la sociologue Régine Robin, un signe vide ?
exposition architecture de résistance / quais du métro saint germain des prés / tous les jours, de 05 heures à 01 heure du matin
ralf lauren, 173 boulevard saint germain paris 6
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