mardi 20 avril 2010

design global / la 3ème voie pour les marques / didier saco


nos murs voient depuis quelques mois fleurir les affiches que les designers evelyn ter bekke et dirk behage conçoivent pour le théâtre de la colline à paris et qui sont à chaque fois des merveilles d’équilibre et d’intelligence /
fond blanc, decrescendo de la mise en page, à l’identique des escaliers du théâtre, typo culte / le courier sans / et couleurs essentielles / chaque affiche est bouffée de modernité

stéphane braunschweig dirige le théâtre de la colline depuis janvier dernier, après avoir dirigé le théâtre de strasbourg pendant 8 ans et est l’un des plus talentueux metteurs en scène du monde / l’affaire makropoulos de leos janacek en 2000, le ring de wagner de 2006 à 2009 à aix-en-provence sont des étapes dans l’épure de la mise en scène, et l’identité qu’il a choisie pour le théâtre de la colline, conçue par les 2 designers d’origine néerlandais, s’inscrit dans cette synthèse

le théâtre de la colline est théâtre subventionné et fait partie du cercle précieux des espaces culturels à paris / la cité de la musique, la salle pleyel, la comédie française, l’odéon, l’opéra-bastille / dont la programmation est de telle exigence et de telle qualité que chacun peut y aller selon ses disponibilités comme seul critère, sachant que la programmation y sera, en continu toute l’année, exceptionnelle /
l’affiche en est l’écho, et c’est son principal objectif, au risque de privilégier l’esthétique aux faits, aux dates et aux chiffres / c’est d’abord un signal

il ne peut en être de même pour un théâtre privé, dont les recettes, hors subventions municipales, ne viennent que du public et dont l’économie, la gestion sont remises en question à chaque programmation / l’affiche doit donc, en 1 seconde et 36 centièmes, temps que nous accordons à la lecture d’une affiche et parmi les 6 000 signes que nous voyons chaque jour, indiquer le titre de la pièce, les acteurs, le metteur en scène, les dates, l’adresse et le site où réserver, tout en donnant envie de le faire / l’affiche y est survie

la première communique, et la seconde informe

les marques aujourd’hui rencontrent la même problématique / communiquer sur leurs valeurs et / ou informer sur leurs produits ?

au moment où les marques perdent leur statut d’icône et sont contraintes, par l’autorité européenne de sécurité des aliments, par les associations de consommateurs et par le buzz world alimenté par des consommateurs plus experts chaque jour, de modifier leurs argumentaires et de retirer leurs produits non raccords des linéaires, les agences de communication peinent à développer les valeurs de la marque quand elle vacille

entre la communication et l’information, certaines marques, telles oxylane, hier decathlon, et la ratp ont choisi une 3ème voie, celle du design global, qui intègre le récit du produit au cœur de l’histoire de la marque

decathlon n’a inventé ni la tente de camping, ni le sac à dos, ni le vtt mais a su installer ces produits dans un autre environnement et pour une autre population, et donner envie d’installer la tente dans le jardin, de remplacer l’attaché-case par le sac-à-dos et le vélo de course un peu triste par le vtt plus onirique, tout comme la ratp a su installer sur ses quais un timeur indicateur du temps à attendre la prochaine rame, information qui ne sert à rien / chacun sait qu’un prochain métro arrivera à un moment ou un autre / mais essentielle pour le confort

si le glam, le goldy, les majuscules et les lettres à patins ne font plus recette, c’est que les années 2010 ne sont plus celles des héros, des vainqueurs et des happy ends mais celles des traceurs, qui commencent une histoire, la déroulent et la poursuivent, jour après jour, parfois se trompent et s’égarent, le reconnaissent et reprennent leur projet

chat échaudé craint l’eau, et seulement communiquer et informer ne suffisent plus / c’est l’une des idées que développe bertrand barré, face à l’hyperconsommation des années 80 et à la déception créée par des promesses de mondes meilleurs hélas inaccessibles par de simples produits

la communication et l’information doivent être prouvées, par des usages, par la durée de vie des produits et leur tracabilité, par des normes de fabrication et par l’adéquation du produit, avant la marque, au moment et au projet de chacun

le design global, c’est l’histoire du récit de la marque plutôt que ses valeurs, et celle des cailloux du petit poucet qui construit sa route, caillou par caillou

le design global, c’est là où chaque composant de la marque, chaque logotype, chaque affiche, chaque événement, chaque produit, chaque lancement, chaque mobilier, chaque plv s’inscrit dans une histoire globale et porte en lui autant ses valeurs ponctuelles, ici et maintenant, que celles de ses sources et de ses futurs

c’est la force majeure du design global que de s’installer dans la durée, construite sur des moments enchainés

théâtre de la colline / stéphane braunschweig / 15 rue malte brun paris 20 / www.colline.fr
bertrand barré / all you need is l.o.v.e. / live the oblique vision experience / mag editions / 24.00 euros

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