mardi 8 juin 2010

designer storyteller / didier saco


la notion d’espace public, pour jurgen habernas, historien, se constitue en france et en angleterre à partir du 18ème siècle, après le journal, le salon et le café

c’est un espace entre la vie privée et l’état monarchique encore en place qui se constitue par la bourgeoisie, classe montante qui a besoin de se tenir informée du fonctionnement de l’état, de l’évolution du crédit et des développements de l’économie, et également faire connaitre et transmettre ses réactions pour assurer sa promotion

cette posture s’est effacée quand l’état ne s’est plus contenté d’arbitrer et est intervenu de plus en plus dans l’administration des services et dans les activités économiques et quand les medias publics sont devenus les réceptacles de l’opinion, en jouant davantage sur l’émotion collective que sur le développement de la réflexion et le partage de l’information, en obéissant aux incitations de la publicité et des annonceurs / c’est le voyage que nous fait parcourir thierry paquot


à qui appartient l’espace public et quelle y est la place du designer ?

d’autres pays qu’européens nous aident à trouver une réponse
au japon, au rapport public/privé se substitue état/personne, et le passage de l’espace domestique à l’espace commun se réalise par une série d’emboitements successifs : terrasse, couloir, passage et ruelle
dans le monde arabe, l’expression espace public n’existe pas / la rue est un espace lourd de dangers dont on se protège en rendant la maison aveugle, et la privatisation du public par le privé / parties communes, terrasses, échopes / s’opère naturellement

l’histoire tout autant / au moyen-âge, la rue est un espace de contact, à l’époque classique, c’est un espace de spectacle, à la révolution industrielle, un espace de circulation et, aujourd’hui, un espace de branchements et de réseaux

depuis 1980, l’espace public est devenu pluriel : les espaces publics /
après avoir été l’espace commun partagé par tous, “la rue et la place sont devenues des formes d’urbanité mais ne sont plus l’élément de base qui assure la connexion de ces lieux entre eux / la rue facilite la rencontre, mais elle peut tout aussi la refuser”, selon jean rémy, sociologue

le pluriel indique autant le pouvoir pris par la multiplicité des décideurs que la disparition progressive de l’image unique et du monopole de l’état souverain

les espaces publics sont devenus lieux d’expressions multiples, où chaque décisionnaire exprime ses goûts, sa culture, sa formation et ses intentions, pour le meilleur parfois et pour le pire souvent, comme nombre de nos sorties de ville

c’est un individu, qu’il soit commerçant, syndic d’immeuble, industriel ou élu qui choisit la couleur de la facade de sa boutique, le modèle de ses balcons, l’architecture de ses usines, le design de ses containers de déchets nucléaires et le logotype de sa ville

face à lui, face à elle, c’est aussi un individu, le designer, qui va concevoir les formes, les couleurs et les matériaux du mobilier urbain, la circulation dans les espaces publics et la température de lumière des éclairages

quant au financement du mobilier urbain, il s’inscrit lui aussi dans la modernité / chacun recherche, et trouve ses solutions, tel le jardin des plantes à paris qui finance la création, la fabrication et l’implantation de son mobilier / bancs, poubelles, bacs à plantes, fontaines à eau et signalétique / par l’appel au mécénat privé
chacun peut aujourd’hui devenir donateur du jardin des plantes
moyennant 1 800 euros pour un banc simple et 3 600 pour un banc double, le donateur peut choisir l’implantation de son mobilier, avec une plaque de reconnaissance portant son nom et un court message de son choix

le mobilier urbain raconte son époque, par son design, par ses formes et ses matériaux, tout autant que par son financement et les étapes parcourues pour obtenir son installation qui relèvent aussi, à présent, souvent du designer

c’est bien / le designer est relais et story teller / relais entre le privé et le public, entre l’individu et le collectif / et story teller / il raconte l’histoire des strates du passé, des mutations de nos alimentations et de nos corps / plus grands, plus gras, plus lourds / de nos aspirations / des matériaux recyclables / et des évolutions des centres de décisions, entre état, collectivités et société civile


thierry paquot / l’espace public / la découverte repères / 9.50 euros

jean charles de castelbajac / le seigneur des anneaux / installation paris 6 / commande du ministère de la culture et de la communication / 2010

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