lundi 21 juin 2010

jurys design / didier saco


comme la marée haute après la marée basse, nos années sont ponctuées d’événements qui reviennent chaque année, fidèles, et nous permettent tout en même temps de séquencer le temps qui passe de bornes récurrentes et rassurantes, et de voir comment, au fil des ans, le monde, et nous avec, évoluons

en avril, ce sont les petits pois qui apparaissent sur les marchés, et parfois en mai, quand le temps est réticent et selon les aléas climatiques
en juillet, ce sont les festivals qui donnent des programmations où la tête d’affiche, la mise en scène et le texte chaque année s’estompent et laissent la place à la troupe, à l’installation et au récit
en août, c’est le rendez-vous avec les gros livres achetés dans l’année et que les éditeurs, de plus en plus, hésitent à publier, tant le temps de lire et notre attention à nous fixer sur plus de 600 pages se réduisent
en septembre, ce sont les pêches de vigne, toujours très vilaines, toujours savoureuses et, chaque année toujours un peu plus rares, car difficiles à vendre

et, en juin, ce sont les jurys d’écoles de design, rencontres exceptionnelles puisqu’elles nous donnent, au-delà des rencontres avec les designers qui, demain, travailleront avec nous et, après-demain, nous remplaceront, la vision de la perception du design par les jeunes générations


comment juger le design ?
sur quelles bases regarder un travail de designer et dans quelles perspectives ?
qu’est-ce qu’un bon design ? y a t’il un bon design ? qui sommes-nous pour le dire et quel est l’impact de l’autre sur le design ?

d’abord, il y a notre regard, construit depuis l’enfance, avec l’amour de nos parents / ou pas, ou plus ou moins / et les valeurs qu’ils nous ont partagées / le goût de l’introspection et du pluriel, de l’étude et du service, du coin de la rue et du bout du monde, du moment et de l’éternité, de la réflexion et de la curiosité, de l’intuition et de la confiance en soi
ensuite, il y a nos parcours, nos études, nos rencontres et nos expériences qui nous ont formés et nous ont appris tout autant ce qui marche que ce qui ne marche pas, et les process pour le comprendre

et, surtout, il y a le jumeau du battement d’ailes du papillon au brésil qui peut déclencher une tornade au texas : c’est le sourire de la senior tibétaine quand, n’importe où dans le monde, elle peut ouvrir une boite de sardines, seule, se reposer dans un fauteuil de hall d’aéroport, trouver les toilettes et comprendre le parti-pris d’une exposition

l’on peut éprouver mille tendresses pour “je me souviens”, de georges pérec, pour le mobilier de collectivités de jean prouvé ou pour un chandelier en argent en 2010
mais “je me souviens”, pour un argentin, ne veut rien dire, nos morphologies, même pour les fans d’haagen dass, ne peuvent passer 4 heures à lire un roman policier sur un siège raide en bois et métal et 37 000 euros, pour 16 branches, représente une forte somme, pour beaucoup

l’essentiel du design est l’universel
la forme, la matière, la couleur, les proportions et les équilibres sont là pour faire disparaitre tous les obstacles culturels, sociaux, de langue, de formation et d’éducation

que nous disent les jeunes designers ?
d’abord, ils nous disent plein de choses / chaque support leur est familier, et les cases séparées design industriel ou graphique ou web ou textile ou sonore ou services ou autres ne relèvent pas de leurs recherches, tout comme les fonctions typées designers ou architectes ou urbanistes ou décorateurs ou paysagistes ou scénographes

à partir d’eux, de leurs désirs et de leurs apprentissages, ils construisent typos, videos, packs, mobiliers, circulations et nouvelles manières de vivre la salle de classe, la maison abandonnée et le jeu d’enfants

ils nous disent, et c’est l’essentiel, que le design est devenu pluriel
ce n’est pas nouveau / ce qui l’est, c’est l’approche généreuse, à partir de la connaissance, pour essayer d’atteindre le mieux-être, à tous moments et pour tous et toutes, senior tibétaine included

le bon design, c’est celui sans mode d’emploi
celui qui dépasse le stand, la boutique et le salon
celui qui améliore, facilite et fait progresser l’humanité

si les new designers ont besoin de nous pour trouver leur place, il est sûr qu’ils nous font déjà mille cadeaux, à commencer par leur disponibilité et leurs regards à mille facettes / riches échanges

aménagement circulations / jardin des plantes paris 5 / pierre lapeyronnie / pierre@altr.org

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