lundi 12 juillet 2010
Design / L’interstice est le centre / Anne-Marie Builles
Gilles Deleuze voyait dans le cinéma moderne le refus de l’enchaînement traditionnel des images, par ressemblance ou contiguité, au profit de l’interstice.
Le passage, l’interstice sont au cœur de la réflexion théorique du designer Andréa Branzi, une éthique d’intervention qu’il nous proposa lors de sa con férence du 24 juin aux Arts Décoratifs.*
Comme la plupart des architectes et des designers, Andréa Branzi prend la mesure d’une histoire humaine qui s'étend et se développe à partir de formes trop complexes pour nous autoriser une vision globale et universalisante de son futur. L’idée du progrès qui nous a longtemps donné les clefs des sytèmes d’interprétation du monde n’est plus aussi opérante pour tracer une dynamique de nos actions et de nos existences vers une vérité finale acceptée par tous.
S’il faut suspendre un temps toute vison compréhensive ou universalisante de l’histoire humaine, « rentrez dans le tableau » nous dit Branzi, en abandonnant toute distance, toute perspective ou toute ligne de fuite devenue incertaine quant à leur destination.
Nous vivons un temps circulaire, dit-il, où tout change sans changer, aucune solution n’est définitive mais conjoncturelle.
C’est en redonnant sens aux interstices, en opérant de mini transformations sur l’espace existant que nous rendrons plus humaine et plus lisible l’hyper extension de nos métropoles.
Les grandes transformations naitront du travail sur les microstuctures ; des interfaces moins agressives, plus poétiques engageant la contribution active de chacun d’entre nous, avec son identité propre.
Le design est devenu un design de masse, il pénétre nos économies domestiques et les interstices de notre vie quotidienne, l’infiniment petit au sevice d’une éthique et esthétique du quotidien de nos vies.
Son rôle est important : « Tracer de possibles modèles d’une frêle urbanisation » de territoires aux frontières floues et aux fonctions imprécises, « des modèles fragiles », caractéristiques de nos sociétés où politique, économie et culture ont perdu la force de leurs fondements et n’arrivent plus à coexister dans un système harmonieux ou à conférer une forme stable et robuste à nos villes ».
Que reste-t-il à cette société qui s’exprime à travers un nombre infini de signes et de produits mais n’arrive plus jamais à construire globalement la cathédrale dans laquelle se reconnaître ?
Simplement, avancer, toujours s’accroitre quand le centre se vide par une attention vigilante, esthétique et humaine à ce qui se passe dans l’interstice , l’imperceptible, l’infime déplacement.
En déplaçant de quelques centimètres des territoires entiers, par sa nature discontinue et expérimentale et sa taille moléculaire, le design est en train « de mettre en place une nouvelle tectonique ».
• In progress, en tant que visée utopique du design, le progrès est-il toujours d’actualité ?
• Illustration : Passaggi- Andrea Branzi
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