lundi 20 décembre 2010

design / la vie des gens / didier saco


jeanne quéheillard vient de livrer à la revue étapes / décembre 10 un article exaltant sur la démarche du design, à partir de l’exemple d’un site récemment mis en ligne sur le design et ses capacités d’innovation

au-delà de l’exemple traité, l’auteure liste toutes les bonnes raisons de râter un parcours design, en dissociant la fonction du projet et son utilisation de toute réflexion préalable et indispensable sur la forme pour le rendre attractif et appropriable

commanditaires pluriels, absence de direction artistique, multiplicité des acteurs à différentes étapes, réduction de la cible à une entité homogène aux règles de sensibilité et codes esthétiques pré-connues, alors que chacun sait aujourd’hui que l’individualisme forcené amène chacun à croire qu’il est unique, auxquels il convient d’ajouter l’usure du temps, nécessaire au développement du projet et qui lamine les meilleures intentions, et les réflexes pavloviens de se réfugier sur ses propres expériences, techniques et passées quand le doute s’installe

chacun veut faire au mieux et utilise, face à tout projet d’innovation, ses ressources, ses histoires et ses parcours, sa vie, ses craintes et ses expériences personnelles

le designer est interprête et traducteur, selon la jolie définition de jeanne quéheillard / ce métier, car c’en est un, et non une illumination, est un métier de liens qui consiste à nouer entre eux les épisodes, et à savoir construire tout un récit, du projet, de l’écoute, de la connaissance des commanditaires, des marchés, des utilisateurs et celle des matières, des couleurs, des formes et des usages

la vie des gens, c’est le fil rouge du parcours de denis valode, architecte / la sienne, celle de sa famille, de son associé, de ses partenaires, de ses clients et de tous ceux qui vivent dans ses bâties

ce sont ses cabanes, ses greniers, ses jardins, ses papillons, ses rochers et ses calanques qui le construisent et lui donne la force et le désir de s’inscrire dans le nature

l’accueil des enfants, la diffusion des savoirs, les échanges entre les hommes sur leur lieu de travail, la convivialité urbaine, le bien-être des populations dans leur habitat et les soins qui nous y sont prodigés, autant de priorités abordées par l’observation de la nature et de la géométrie et résolues par “la forme construite qui obéit à la nature et non l’imite”, selon robert le ricolais

et c’est la vie des gens, leurs implications dans la société civile, leur curiosité, leurs parcours, leurs vies, leurs bonheurs, leurs douleurs et leurs histoires qui sait rendre leur démarche design efficiente parce que plurielle et experte

“ il existe actuellement une nouvelle possibilité d’améliorer le monde à partir de ce qui est infiniment petit, apparemment superflu et de l’esthétique du quotidien / c’est bien là que réside le destin du design / andrea branzi, cité par jeanne quéheillard dans son article

jeanne quéheillard / claude bouchard, puiforcat / couleurs contemporaines bernard chauveau / 12.00 euros
denis valode / la nature de l’architecte / éditions du régard / 16.00 euros

mardi 7 décembre 2010

Biennale Internationale du Design de Saint Etienne / Anne-Marie Builles


Parcourir « entre regard et flânerie » par un petit matin brumeux l’ancienne manufacture, vaste ensemble de beaux batiments industriels, désormais silencieux vous plonge dans un sentiment de pur dépaysement, étrange expérience design d’un temps suspendu entre un monde révolu et un autre avenir possible.
L’avenir est bien ici dans ce lieu, tel que l’a voulu avec force et ténacité toute une collectivité, la Cité du Design de Saint Etienne, qui rejoint aujourd’hui, élue par l’Unesco, le réseau mondial design des villes créatives.
L’ivresse devant l’avancée prodigieuse des technologies d’information et de communication excite les imaginaires et, comme s’il fallait conjurer leur puissance d’anticipation, d’emblée le ton d’une vision extrême est donné par le thème téléportation.
Faut-il que la perte de croyance ou d’espoir en un mieux-vivre ensemble soit assez puissante pour nous détourner vers des utopies de mondes parallèles hors espace temps, ou les fantasmes d’une réalité augmentée. L’affaire est entendue, nous ne pourrons jamais être ici et là-bas.

Au regard d’un « système monde » dont nous subissons l’excès et le mal-être généralisé là, sur le territoire soudain rétréci de notre petite planète, c’est la dimension sensible du proche et de l’humain, du physique que nous désirons retrouver au contact de notre réalité de l’ici et maintenant, gardons nous d’une exhubérance irrationnelle du « tout est possible », changeons de rêve, préconise Patrick Viveret pour « sortir des logiques de démesure qui ne génèrent que mal être et mal de vivre ».

On nous promet la dématérialisation progressive de notre environnement et, à bien regarder, il n’en est rien quand on parcourt les différents thématiques de la biennale ; « demain c’est aujourd’hui », « prédiction », « la ville mobile », « confort », « entre réalité et impossible ».

C’est bien autre chose qui se lit dans la réalité sensible de nombre de concepts à propulsion imaginaire présentés par les designers à la Biennale.
Point de grandes utopies progressistes mais une liberté de conscience re-trouvée, des tentatives multiples aux marges ou dans la recherche avancée industrielle pour échanger, produire, agir local dans l’esprit « fab labs », un désir de mémoire et de regard attentifs aux sources de l’humain, la conscience de l’urgence écologique, la volonté de tout re-combiner pour comprendre et re-prendre la main sur ce qui nous échappe, re-trouver le lien entre l’idée et l’objet, re-trouver la parole et l’intelligence des situations pour re-créer des objets qui nous parlent, re-sentir l’obligation de souscrire* un contrat social et moral au moment de renouveler les conceptions et les pratiques, re-définir ensemble par la puissance du réseau un monde préférable et soutenable.

La recherche design de cette 7ème biennale annonce qu’une formidable « résistance design pacifique » est en marche pour « re-lier » tout ce qui a été délié, ici et là-bas, ce que nous avons perdu, de notre rapport à la nature, de notre rapport au lien social, au soin de l’autre, au sens, à l’essentiel.
Encore une preuve s’il en fallait que le design devient une question politique massive qui relève de la responsabilité de chacun. Saint Etienne le prouve.

* Benjamin Loyaute

photo : Qdrum, 1193 / © PJ Hendrikse

météorité / monique vervaeke


« En regardant au loin, en observant de près, Météorite », Gabriele Pezzini propose une réflexion, philosophie de la simplicité en s’inspirant des météorites.

Et si le ciel, au lieu de tomber sur notre tête, pouvait ouvrir la voie à l’imaginaire …

Gabriele Pezzini réintroduit dans la conception design la dimension ludique du travail des éléments primaires que sont l’eau et la terre.

Ces éléments se mélangent, résistent, interagissent. Mêlés par la main de l’homme, ils se transforment l’un l’autre et produisent des formes, des superpositions striées, des alvéoles. Jouer avec la matière, c’est aussi inventer la matière et, comme l’exprime Enzio Manzini, s’interroger sur l’invention de la matière.

Le processus créatif, initié par le créateur, accomplit un parcours qui inclut des incertitudes. Les éléments sont traversés de forces, parties prenantes de la démarche d’exploration de nouveaux possibles. La trajectoire du projet est abordée par Gabriele Pezzini à partir des notions d’observation, d’analyse, de réflexion, d’expérimentation, de pratique, d’intuition, de vision, d’habileté manuelle, de courage et de magie.

météorite / gabriele pezzini / archibooks / 12.00 euros