Daniel Mangin, architecte-urbaniste et lauréat en 2005 de la consultation internationale pour le réaménagement des Halles de Paris, travaille sur les formes et les structures de la ville contemporaine, et en particulier sur l’idée de la ville passante et métissée
la ville passante et métissée, c’est tirer un trait sur l’idée haussmannienne de la ville, tracée sur un modèle et, au contraire, admettre positivement l’idée de la complexité des paysages urbains, préférer la vitalité à la beauté et la fluidité à la vitesse
c’est réfréner l’amour inconsidéré pour les centres historiques homogènes et les techniques urbaines normatives et vouloir l’hétérogénéité des territoires comme signal de la vitalité des populations, en privilégiant l’intervention des usagers sur leur parcelle, leur balcon, leur maison, leur jardin
c’est aussi s’inscrire à côté des normes de la maison individuelle qui s’avère totalement normée / sur les 150 000 à 200 000 maisons construites en France chaque année, seules 5% sont conçues par des architectes / au-dessous d’un seuil de surface de 170 m2, les maisons sont réalisées dans près de 70% des cas par des constructeurs et le reste par des maîtres d’œuvre et des constructeurs-artisans, à côté des publicités standardisées, des activités de bricolage réservées à la sphère domestique et des règlements de copropriété de plus en plus restrictifs
c’est, sans contester la nécessité du permis de construire, savoir en lever les lourdeurs et savoir relativiser les questions d’esthétique au regard de l’usage / l’usage du jardin qui devient potager, avec des arbres qui accueillent des oiseaux qui parfois chantent, donnent des baies et parfois de l’ombre chez le voisin
“éliminer le beau et le laid comme catégories nous permettrait de mieux percevoir toute une autre série d’autres qualités”, pour Rem Koolhaas, et trouver la juste place pour l’intervention des habitants en sachant prendre le temps d’apprendre à apprécier, situation par situation, le tolérable et le vivant, le marginal et le vital
la signalétique de la ville doit pouvoir aussi s’inscrire dans la construction d’une ville plus authentiquement vivante et ouverte à plusieurs possibles, et c’est bien que les signalétiques d’une région, d’une ville, d’un établissement à vocation culturelle, d’une entreprise, d’un centre commercial, d’une boutique aient des codes, des formes, des matières et des lectures différentes puisqu’ils diffèrent par leurs thématiques et leurs objectifs
la construction de toute signalétique a une fonction triple : le signal, la vitalité de la puissance qui la commande et la découverte vers ce qui n’est pas attendu, et qui est la fonction la plus importante
le à-côté, le ce à quoi l’on n’avait pas pensé, l’inconnu, le voisin que l’on entend et ne croise jamais, la fonction, le bâtiment, le produit, le service qui découle de ce que l’on connait mais que l’on ignore tout autant
le signal, c’est l’orientation des personnes et la gestion des flux /
la vitalité de la puissance qui passe commande, c’est savoir associer à l’information transmise le crédit de celui / ou celle / collectivités, entreprises / qui l’initie
et la découverte, c’est savoir, par la signalétique, inciter à élargir la voie, à découvrir de nouvelles directions, à susciter du désir et à déclencher des envies
nulle entreprise, nul musée, nulle collectivité ne ressemble à aucune autre et vouloir normer ce qui relève de l’humeur / la crainte, l’appréhension, puis la rassurance et la curiosité / est voué à l’ennui
la signalétique est le parcours d’un point à un autre, physique ou virtuel et le rôle du designer est de savoir dépasser la fonction usage / transmission de l’information / la transformer en source de rassurance et de confort et d’incitations vers d’autres potentiels / d’autres lieux, d’autres produits, d’autres services
la mission d’un hall de transit d’un aéroport international est beaucoup plus large que de faire transiter des voyageurs d’un avion à un autre / des populations de tous âges et de toutes langues doivent pouvoir y passer parfois des heures et y circuler sans un mot prononcer / c’est là le dire et le montrer de la signalétique
la mission d’une médiathèque est beaucoup plus large que celle d’une bibliothèque / l’on y trouve tout autant des expositions, des conférences, des formations et des accès aux multimédia / c’est là le dire et le montrer de la signalétique
tel Yahvé qui dispersa les hommes de la Tour de Babel, comme un choix divin en faveur de l’hétérogénéité plutôt que l’homogénéisation des peuples par une langue commune, l’hétérogénéité de tout système signalétique est essentielle car chaque marque, chaque ville, chaque collectivité est différente, par ses missions et ses territoires et doit pouvoir l’exprimer par sa signalétique
le rôle du designer est de concevoir une réflexion sur l’usage / quelle vocation pour la marque, pour le bâtiment / une réflexion sur l’usager / quels besoins, quels désirs, quelle fatigue et quelles capacités à chercher / et une réflexion sur l’usure / quelle durée de vie pour la signalétique / éphémère, fugace, provisoire ou pérenne
c’est aussi de vouloir inscrire son travail dans un cycle de signaux que la ville émet et qui disent, bien au-delà de l’information transmise, une moindre dépendance automobile, une forte hétérogénéité des architectures et une véritable diversité d’usages
Daniel Mangin / la ville franchisée / éditions de la Villette / 35.00 euros
Médiathèque l’Ourse / Ville de Dinard / livraison septembre 13
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