Sous la bannière de l’empathie se tient du 14 au 31 mars prochains la huitième Biennale Internationale du Design de Saint Etienne, 61 expositions, 32 rendez-vous et 40 pays représentés.
Si le design a vocation à être un métier généreux et humaniste, l’on peut s’étonner avec Elsa Frances, directrice de la Biennale que cette notion d’empathie soit relativement absente du discours et de l’enseignement du design.
Ce n’est pas à imputer au manque de réflexions sur le sujet qui, depuis quelques années, affleurent dans de nombreuses publications de philosophie morale et sociale, d’anthropologie, d’économie, de psychologie et de politique avec les figures de Jeremy Ruskin, Serge Tisseron, Frans de Waal, Joël de Rosnay et Bernard Stiegler.
Dev Patnaïk, fondateur de Jump Associates à qui son éditeur demandait d’écrire un livre sur l’innovation, répondit qu’il y avait bien assez de livres parus sur la question et que le monde avait plutôt besoin d’un livre sur l’empathie.
Le design est évidemment un métier d’empathie, même si l’élan et la dynamique créative qui lui sont propres se sont parfois usés au service des jeux de masques de l’éphémère et de la séduction orchestrés par les gourous du système marchand.
Si le métier a tendance à se réfugier vers des formes de repli artistique et individualiste, à sa décharge, il a trop souvent à se frotter au manque de reconnaissance et de retour sur investissement créatif de la part de ses clients, ce qui légitimement peut susciter un sentiment d’isolement et de frustration au regard d’un management d’entreprise peu enclin à le traiter comme un acteur à part entière de son développement.
En temps de crise, de déclinisme et de crispation, l’on a besoin de métiers liés à une conscience compréhensive et empathique de la société et des choses du monde / le design est de ceux-là.
Notre culture de l’ultra libéralisme, du chacun pour soi et d’une compétitivité généralisée diffuse dans le lien social une forme d’insécurité psychologique qui porte peu vers l’empathie. Elle reste cependant la seule condition, au tournant d’un monde en profonde mutation économique, technologique et environnementale, d’appréhender, de comprendre, de partager les émotions et les sentiments de l’autre et d’agir rationnellement pour son bien-être.
L’empathie va au delà d’une sensibilité émotionnelle et affective, Il ne s’agit pas de se mettre à la place d’autrui en projetant sur lui ses propres perceptions et attentes ;
l’empathie est un système complexe et associatif, une compétence qui s’entraîne dans la négociation entre l’humain le social et l’affectif et le contexte environnemental.
Une démarche méthodique et rationnelle qui réclame attention, réceptivité, réciprocité et la volonté de transformer nos relations, nos comportements et nos usages.
L’empathie est mise en résonnance intersubjective d’un échange et d’un enrichissement réciproque d’informations, une discussion raisonnée de l’un à l’autre qui ne se laisse pas envahir par la crainte de l’emprise de l’autre, se mettre à la place de l’autre, « soi comme un autre » oui, mais en restant soi-même, pour avoir ce point de vue d’ailleurs qui permet de savoir reconnaître l’existence de besoins pour chacun et pour tous, tout en évaluant la possibilité et la responsabilité d’y apporter une réponse.
Un parti-pris qui se veut coopératif et contributif et accepte l’élargissement d’un penser et d’un faire-ensemble.
L’empathie du design : « une compétence, une attitude, un mode pertinent de connaissance ? En tous les cas, une force investigatrice remarquable et une compréhension esthétique qui pénètre au plus intime de la compréhension de l’autre ? » déclare Elsa Frances.
Il y aura l’âge de l’empathie, puisque la conscience de la biosphère devient l’horizon de sens de nos solidarités, puisqu’il est désormais de notre intérêt écologique bien compris d’échanger et de partager « pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, en sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ».*
Conscience et expérience de l’autre et de humain, l’empathie nous oblige à veiller sur la vie.
* Un monde vulnérable pour une politique du care Juan Tronto
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