lundi 9 juin 2008

des femmes gaies, légères et qui pétillent / didier saco


je me souviens de dizaines de réunions consacrées à l’épaisseur d’un papier de soie, à la largeur d’un bolduc, à la profondeur d’un orange, à la matitude d’un noir, au bleu d’un rouge et au martelé d’un or

je me souviens de dizaines de défilés haute couture : le premier m’a stupéfié, par son récit évident, naturel, tout à la fois lié et délié ; le second m’a surpris : tiens, celà me dit quelque chose, le troisième m’a laissé un peu interdit : mais c’est la même chose que la dernière fois ! et il m’a fallu le quatrième pour comprendre le récit de la marque yves saint laurent

à travers ses défilés haute couture, son prêt-à-porter, ses parfums, ses maquillages, ses boutiques, yves saint laurent racontait une seule histoire, qui évoluait, au fil des années, de ses rencontres, de ses découvertes, de ses désirs et de ses ombres

cette histoire, c’est une histoire universelle, et le succès que la marque a rencontré, dans le monde entier, montre que toutes les femmes, de tous les pays du monde, l’ont comprise

je me souviens de copines fauchées qui, à partir de l’essence de la marque qu’elles avaient perçue et sans pouvoir s’habiller “saint laurent”, ont saisi la marque, l’ont adoptée, l’ont faite leur et ont choisi leur garde-robe et leur manière de la porter, de la marier et de leur faire vivre “selon yves saint laurent”

je me souviens d’une marque qui construisait son histoire sur des couleurs, des matières, des mouvements, des équilibres, des lumières, des brillances, des échancrures, des plissés et dont le récit était l’essentiel, avant ses produits qui en étaient les épisodes

depuis, d’autres marques sont venues, et d’autres viendront

ce que la marque yves saint laurent m’a appris, c’est l’idée de l’idée
la construction d’une marque s’établit à travers ses fondamentaux / un packaging, une annonce presse, un nom de produit, le bois d’un corner, un coffret pour la saint valentin / tous ses éléments inscrivent, mot par mot, couleur par couleur, matière par matière, le récit de la marque, et l’essentiel y réside

l’idée de la marque yves saint laurent, c’est celle de l’écho avec la vie, un tissu avec matisse, une couleur avec le champagne, une forme avec mondrian et une fleur avec l’idée du bonheur

bien sûr, le temps a passé, la fragilité des marques est devenue un composant “normal”, nombre de marques sont réduites à leurs produits et nos rues emplies de boutiques qui ferment six mois après leur ouverture

le designer ne peut pas garantir à une marque son succès, qui repose sur la pertinence de l’équilibre du marché et l’adéquation de la marque à le comprendre / ce dont le designer est capable, c’est d’apporter à la marque les composants culturels qui lui permettront d’installer son histoire dans celles de celles et ceux qui la porteront

longtemps, je me souviendrai de cet hommage à yves saint laurent, face à l’église saint roch, à paris, ce jeudi gris, où des centaines d’hommes et de femmes, de tous âges, de tous pays, de toutes cultures, parisiens, provinciaux, touristes, couturières, journalistes sont restés debout, pendant deux heures, tristes et silencieux
chacun d’eux témoignait de ce que la marque lui avait apporté, et qui ne relevait ni du marketing, ni de la communication, ni du produit ni du prix mais du culturel et de l’affectif
chacun d’entre eux portait yves saint laurent, qui dans sa mémoire, qui sur sa peau et qui sur ses épaules et tous sont repartis, tout aussi tristes mais en ayant perpétué un travail d’émotion, de partage et de transmission que nul ne pourra jamais acheter et qui relève de l’essentiel de la vie

rêve de marque

hommage

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très belle éloge de YSL !

Pierda a dit…

J'espère qu'YSL est parti avec l'adresse de ce blog...