lundi 6 septembre 2010

Série limitée, à vos marques ! / Anne-Marie Builles


« De mon point de vue, concevoir une chaise longue en petite série et la vendre au prix exorbitant d’une œuvre d’art est un abus. Le designer est au service des gens, sa tâche est de créer un design intelligent, beau, fonctionnel et à un prix abordable ». Le propos de Terence Conran est implacable.

Et la série limitée continue de gagner du terrain sur tous les fronts de la marchandise. Elle devient un filon particulièrement prisé des grandes marques de consommation et marques de luxe.
La série limitée : « être rare », plus chère évidemment et, si possible, créative et innovante : on reprend la bonne vieille recette du marketing du luxe.
La série limitée est bien plus efficace que le story telling, le meilleur moyen pour une marque d’orchestrer la mise en spectacle permanente de ses produits.

Il lui suffit de choisir dans le rôle de maître d’œuvre et « signature » un designer ou un créateur de renom en charge de « revisiter » le produit emblématique et de l’inscrire dans la modernité. Et le tour est joué.

Projecteur sur la mise en majesté artistique du produit, on crée la surprise, de « l’inédit » de l’étonnement et, à l’arrivée, buzz et densité de présence sur tous media sont garantis.

Au final, le procédé relève de la bonne vieille méthode d’influence du psycho pouvoir de l’addiction et d’un véritable travail au corps du futur acheteur : il faut y être, il faut en être et se précipiter avant que le stock n’arrive à épuisement.

Nul besoin d’ajuster le prix au niveau psychologique de sa cible :la série limitée a son prix, celui de l’édition limitée, la valeur est immatérielle, c’est le prix de l’art.

Dans la foulée, la marque fait l’économie d’une campagne de pub.
Fashion victim, trend setter, media feront le reste pour mobiliser l’attention, attiser le désir et provoquer l’achat et chacun pourra prétendre à sa part dans cette grande braderie du luxe démocratique.

Pour cette rentrée, notre designer national nous propose, dans la série énigme « plus je regarde, plus je vois », une nouvelle version « paléolithique» du célèbre parfum de Nina Ricci L’Air du Temps.
Quand est-il de cette émotion poétique si singulière liée au flacon originel ?
Elle seule demeure en édition illimitée, et la poésie traditionnellement symbolisée par l’oiseau phénix, renaîtra de ses cendres.
Edition limitée, attention au risque de lassitude au niveau de la « valeur d’estime » que tout un chacun porte aux marques et aux produits qu’il aime, attention au risque de saturation de notre temps de cerveau disponible à leurs sollicitations artistiques et marchandes.

Nina Ricci / L'Air du Temps
By Starck / à partir du 16 octobre

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