lundi 12 septembre 2011
Design et désencombrement / Anne-Marie Builles
Le développement durable est sur toutes les lèvres mais, comme le dit plaisamment Pierre Damien Huyghe : « si tout doit durer, l’encombrement sera maximum ».
Faut-il que les choses durent ou doit-on laisser aux nouvelles générations l’espace et les ouvertures ?
Nous vivons dans un monde modelé par les applications des sciences et des techniques.
Un surcroît de puissance industrielle nous pousse à produire toujours plus et impose aux créateurs ses méthodes et ses moyens. Quand les comportements et les objets sont légués aux générations suivantes comme des faits et vérités admises, quand ils deviennent incompréhensibles ou inintelligibles, sinon au terme d’une longue initiation, alors le danger est grand pour l’humain de tomber en exil de lui même dans sa vie matérielle comme dans sa vie spirituelle.
Nos sociétés produisent de plus en plus des objets qui dépassent les capacités des utilisateurs, constate Pierre Damien Huyghe. Pour l’essentiel, au mieux, nous « imaginons » les objets que nous utilisons et, en conséquence, nous ne « réalisons » pas ces objets.
La grande question est la transmission, la traduction de ce que nous avons créé, du point de vue non pas de ceux qui transmettent mais de ceux qui ont à adopter ou pas l’héritage.
Il incombe à chaque génération de traduire, d’ouvrir un questionnement sur ce qui a été fait d’avoir la possibilité de l’évaluer, de le réévaluer, de le renouveler ou le modifier et faire le tri ; savoir aménager ce moment critique où on décide de ce que l’on garde ou de ce que l’on abandonne.
Comment « faire place », comment passer le témoin aux générations suivantes : « Que pouvons nous transmettre, si à trop transmettre on encombre d’avance ?»
« Que devons-nous nous retenir de faire pour que nos descendants puissent encore faire quelque chose dans ce monde créer leur monde et le prendre en mains sans être pris dans l’encombrement, tenté par la destruction ou la négation ? »
Aux générations qui précèdent de traduire, à celles qui suivent de « transposer » au premier rang desquels les designers.
L’esprit du temps est à la mélancolie. Peur du trou noir, crise et questionnement sur la durabilité de notre planète suscitent une inquiétude mortifère.
Noir et silence total après la destruction de notre terre sous le choc d’une planète égarée sont la dernière image du film Mélancholia.
En revanche, tout aussi sensibles à l’esprit d’alerte des temps présents, l’imaginaire des designers réussit en revanche à contourner la peur du néant .
A méditer cette belle transposition métaphorique de l’expérience de l’objet trou noir, projet développé par Gaelle Gabillet et Stéphane Villard (carte blanche VIA 2011) qui nous proposent une autre illustration subversive du trou noir, susceptible de regénérer, libérer, réattribuer les fonctions et principes essentiels à la compréhension et à la réappropriation de l’objet.
* Pierre Damien Huyghe professeur Paris 1 directeur Centre de Recherche Esthétique, Design, Environnment « faire place
*VIA design 2011 catalogue aide à la création
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2 commentaires:
Bonjour Didier,
d'accord avec ton analyse et le regret de ne pas pouvoir retenir et faire participer tous les talents...
Mais... Il faut aussi parler des candidatures de tant de dilettantes et de désinvoltes, de jeunes avec des dossiers indigents au bout de cinq années d'étude, d'autres que l'on prend sur la bonne mine d'un dossier et qui se comportent à vingt ans en fonctionnaires du design, sans aucun enthousiasme et le nez sur la pendule. Les vrais talents, motivés et enthousiastes, savent retenir l'attention et générer chez nous les efforts nécessaires pour les retenir.
Je pense que la profession souffre surtout de sa popularité telle que vulgarisée au travers de son image dans les médias, et également d'un enseignement trop souvent géré comme un business d'opportunité.
Pour beaucoup, l'échec n'est à mon sens que la sanction (imméritée, j'en conviens) d'une erreur d'orientation entretenue par un système sans garde-fou.
Stéphane POTTIER - MBD Design
Bonjour Didier,
Je ne suis pas dans le design mais avec la vidéo nos chemins peuvent se croiser; preuve en est notre collaboration sur l'expo de L'AP-HP. Les difficultés face aux appels d'offre, aux projets sont aussi bien financières qu'intellectuelles: difficile de trouver le juste prix, difficile parfois de comprendre les motivations des clients... je partage ton analyse mais je pense que les difficultés concernent tout le monde avec des spécificités pour les jeunes qui tentent de se lancer. Ils arrivent au moment où les cartes sont brouillées. Il faut rebattre le jeu, faire une nouvelle donne et tenter de tirer son épingle du jeu... mais ensemble pas dans le "chacun pour soi"!!!
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