Il faut avoir le sens de l’espace et de l’architecture du lieu pour installer cette « bête humaine » des temps modernes, la locomotive, au cœur de la grande nef du musée des Arts Décoratifs, Jean-Paul Goude n’a pas hésité.
Le premier choc passé, d’autres extravagances jubilatoires nous attendent. Jamais de posture dans ce parcours d’un talent si singulier et si puissamment inventif.
Une détermination malicieuse pour imposer ses mythologies personnelles à tout ce qu’il touche et un goût si étrange pour le jeu des métamorphoses des corps, la sculpture de ses formes, de ses mouvements et de ses rythmes, venu sans doute de l’admiration sans bornes qu’il vouait à sa mère danseuse et d’une revanche sur le professeur qui brisa un jour son rêve : « tu ne seras jamais un danseur classique, tes jambes sont trop courtes ».
Tout l’imaginaire fabuleux des métamorphoses de Jean-Paul Goude se trouve dans ses merveilleux dessins. Au commencement, l’idée, et c’est au travers d’un foisonnement de dessins, collages et découpages qu’elle prendra forme.
Pour André Malraux, c’est l’esprit de métamorphose qui donne à une création son statut d’œuvre d’art ? Alors le voilà rassuré, lui qui n’apprécie guère d’être qualifié de créateur ou créatif, cette belle retrospective à l’évidence lui dédie un magnifique « salut l’artiste ».
On y revoit tous ses films années 80, dont tant d’images nous restent en mémoire, la commémoration du bicentenaire de la révolution, parade festive sous le signe du métissage, luxuriante d’idées, de couleurs, de musiques, de bandes-sons et de gestes venus du monde entier.
Et tous les petits joyaux publicitaires qu’il réalisa pour les marques, depuis le spot dans la savane où une jeune femme rugit plus fort que le lion, la torera de Diam’s de Dim, les fenêtres qui claquent contre l’Egoïste de Chanel et pour Coco, le petit oiseau en cage, Vanessa Lolita sur l’escarpolette convoitée par Gros Minet, un « bref métrage » comme Pierre Georges du Monde le qualifia ainsi dans un joli article.
« Trente petites secondes pour un vrai chef-d’œuvre de publicité, un merveilleux petit conte poétique où le bonheur du téléspectateur peut se nicher dans une petite histoire, le temps d’un bref métrage sans presque de paroles et pourtant tellement bien dit qu’on doit envier le talent du créateur ».
Et Pierre Georges d’ajouter : « qu’à cette publicité omniprésente à la télévision, qui s’impose, s’insinue, corrompt parfois, corrode souvent peut se substituer une autre publicité, une amie familière et plaisante, cursive et furtive qui fait sourire ou rêver, s’évader ou vendre. Cet art récent devenu irremplaçable du bref-métrage qui peut tenir son rang de création et mériter d’entrer dans le patrimoine culturel du temps. »
Certaines marques redouteront le talent de Jean-Paul Goude, ses contrepieds d’humour se révèlant parfois ravageurs, comme le final de son 30 secondes sur le Club Med où la caméra accompagne un lancer de balle de golf qui vient échouer juste au bord du trou d’un green au milieu d’un lagon bleu, et Goude d’ajouter au slogan de Ségala le club « la plus belle idée qu’on ait trouvé depuis l’invention du bonheur » ...ou presque.*
Il demeure pourtant l’unique à entretenir une si longue fidélité avec certaines d’entre elles / se souvenir de la saga des fantasques Kodackettes (sept années) et celle des Galeries Lafayette commencée en l’an 2000 qui dure toujours.
Toutes les inventions chimériques que Jean-Paul Goude calqua sur les femmes de sa vie, Grâce, Farida, Toukie, si elles furent parfois lourdes à porter pour les intéressées, nous laissent au final une image de la femme, toujours inventive, malicieuse et joyeuse, loin de tous les stéréotypes de la mode.
Alors merci à ce formidable inventeur d’images de nous avoir épargné les clichés de « femmes raffinées et parfumées de naissance » pour nous démontrer que le style « le chic mode n’a rien à voir avec le luxe ou l’argent ».
*Tous les films de Jean-Paul Goude sont sur You Tube.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire