mardi 2 octobre 2012

le dessein du geste / anne-marie builles

Les expositions dédiées au design se plaisent à cultiver l’esprit de détournement de l’objet. L’idée de revisiter telle matière ou telle fonction finit par s’user jusqu’à la corde. «Réinterroger la brique» tel était le propos de la récente exposition du Lieu du Design, pour paraphraser le titre d’un film chinois célèbre en son temps par ses dialogues détournés «la dialectique peut-elle casser des briques»? Ici ce ne fut pas le cas.

Tout autre est le propos de l’exposition «le dessein du geste, savoir-faire et design français», qui se tient à l’Hôtel de Ville de Paris du 11 septembre au 10 octobre 2012, «montrer qu’une fabrication réussie est le fait d’un geste maîtrisé, d’un dessein bien formulé et d’une volonté entrepreneuriale pertinente». L’intention est claire montrer comment peuvent collaborer voire dialoguer, designers et vingt-six sociétés françaises de haut artisanat.

Toute création s’inscrit aussi dans le cadre d’un savoir-faire « nous sommes les créateurs d’un savoir-faire » déclarent les Domeau & Peres

Ce type de proposition a l’immense intérêt de nous montrer que les grandes traditions artisanales sont une source d’inspiration constante et que la grande industrie a parfois tort de s’en préoccuper si peu, au regard d’une industrie du luxe qui, elle, ne manque pas de s’y référer constamment.

Ce que nous disent les grands savoir-faire de ces vingt-six sociétés de haut artisanat présentées dans l’exposition au travers d’objets et de films, de Tolix à Daum en passant par Roset, Lalique, Nontron, la Cité de la Céramique de Sèvres, Lalique, la Cornue, Pleyel, Alki...?

Que l'on n'appréhende jamais mieux un objet qu’en le regardant faire ; une leçon d’éducation du regard, qui nous apprend à mieux penser l’objet dans la totalité et la cohérence de ses fonctions et de ses significations.

Au commencement est le geste. Apprentissage sans concession d’une intention faite corps et matière, qui se déploie tout au long d’un long travail de transformation, dans le dépliement magique de toute une chaîne opératoire : syntaxe subtile de rythmes, d'actions associant connaissances, gestes, outils, complexité d’un process qui semble déjouer souvent toute intention à priori.

Cette exposition nous apprend simplement que la conception d’objet n’est pas seulement une affaire de style mais d’esprit, de geste et de technique, d’espace et de longue patience et qu’il faut beaucoup de travail avant d’arriver à l’exactitude du geste.

À propos de son travail avec Christofle, Martin Szekely déclare «L’exigence du geste bien fait invite à un accomplissement de la personne, c’est très fort. Je dirais que si cela se raréfie, l’humanité perdra une partie d’elle-même.»

Les designers concepteurs sont souvent dans la lumière, montrer l’engagement et les gestes d’excellence de ceux qui fabriquent et les accompagnent, juste retour des choses, question de partage.

L’objet oui, mais revenir à l’homme toujours et faire remonter à la lumière ces arts du silence.

Un grand merci à Alain Lardet commissaire de l’exposition
Et aux superbes photos de Sophie Zenon
Catalogue de l’exposition Skira Flammarion Textes Anne Bony l

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