le temps est notre principal matériau, avant l’usage, avant l’usure, avant le confort et avant la fonction
notre premier temps est celui de la recherche, celui de la conception et celui du développement d’un projet qui peut prendre plusieurs semaines, plusieurs mois, quelques années parfois et qui peut se heurter au temps de l’urgence, celui des résultats immédiats et des lancements imminents
une des plus familières expériences de notre relation au temps est celle de l’impatience et de l’ennui, quand le temps nous est donné comme durée et que nous éprouvons plus ou moins pénible à supporter, quand nous devons attendre un train, un avion, un entretien, un bon de commande ou un réglement décalé
une autre expérience du temps est celle du souvenir, d’un temps révolu, d’un avant, d’un passé qui occupe une part importante dans notre réalité humaine et conduit parfois certaines créations vers la nostalgie
l’anticipation est tout aussi un élément essentiel de notre travail avec le temps, dans la mesure où notre fonction est d’anticiper / la taille des corps et la largeur des fauteuils des théâtres / la fatigue des voyageurs et la lumière dans les trains / les pictogrammes des packagings et les populations qui vont les acquérir
le temps est essentiel sur tous nos marchés, et le sera chaque jour davantage face aux populations qui, depuis le 20ème siècle, ont vu la durée de leur vie s’allonger, tout en étant témoins de leurs forces qui s’épuisent, des maladies rencontrées diagnostiquées mais que l’on ne sait pas guérir et des diktats de modèles de vie qui mettent en avant la jeunesse, la force et l’efficience
la vision et l’usage du temps prennent alors une autre dimension, et il relève de notre travail de le concevoir, comme la demande de l’étude du déambulateur que la ministre michèle delaunay a faite auprès de philippe starck
quel projet avec le temps, pour un hôpital de jour gériatrique qui ne sera ni maison d’association de quartier ni anticipation d’espace de soins palliatifs et devra être juste, sans renoncer au réel et sans surligner l’échéance ?
nos méthodes de travail nous donnent la matière pour répondre juste
le versioning, et chacun, chacune d’entre nous le pratique chaque jour, est un terme issu du vocabulaire informatique / faire du versioning, c’est “assumer l’existence simultanée de mises en application différentes , chaque mise en application restant distincte et pouvant être interrogée individuellement”
en clair, faire du versioning, c’est prendre la décision de considérer comme définitives certaines caractéristiques de nos projets / lumière, résistance, usure, recyclage / que nous trouvons par le numérique / tout comme il convient de sélectionner une solution particulière au sein d’une myriade d’alternatives
la compétence, le talent, la pertinence du designer / et, avec lui, de l’architecte / est de sélectionner et à rendre irréversibles certaines configurations
le versioning, c’est commencer par la forme, avec le numérique, à laquelle nous ajoutons l’usage et l’usure et décider, la forme acquise, quels en seront les matériaux, la durée de vie, les marchés et le prix de revient
et là, le temps se déplace et l’esquisse et le croquis deviennent ce qui sera dessiné en dernier, comme élément non plus source mais de conviction / le dessin à la main, le tracé sera ce qui saura conforter, confirmer le créateur, son intuition / ce n’est plus le point de départ du projet mais la trace de nos recherches et de nos compétences numériques
le temps, tout autant, trouve sa place dans nos projets en “situations évolutives” qui cherchent tout en même temps à s’inscrire dans un mode définitivement international qui soit tourné vers le futur et qui trouve un lien direct avec nos cultures d’origine, comme nos camarades architectes qui concoivent, tel tarik oualalou, architecte marocain lauréat du concours young arab architects 2012 pour son projet sur le site archéologique de volubilis
ca’asi / concours young arab architects 2012
on est tous dans le brouillard / colette petonnet / éditions galilée 1979
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