mercredi 5 décembre 2012
« Le pouvoir des commencements » / Anne-Marie Builles
Le pouvoir des commencements, titre du beau livre de la philosophe Myriam Revault d’Allonnes doit rester l’horizon de la crise de notre modernité.
Tant de commencements sont à venir dans la crise qui nous frappe.
Quand bien même l’apparition du jugement critique qui s’attache à notre époque moderne signerait-elle la mise en crise sans fin de notre réalité, le coup est brutal.
Le sentiment sidération qui nous frappe nous empêche d’envisager toute issue.
Sommés d’agir dans le brouhaha des impatiences, des déclarations intempestives, des idées toutes faites des grands « Y-a qu’à », des «poncifs lénifiants de la gestion du changement»*, nous ressentons bien que nous vivons un seuil d’époque et qu’il nous faut réinterroger en profondeur le rapport existentiel que nous entretenons avec le monde et la réalité qui nous entourent / matérialité et immatérialité, territoires et collectivités /.
Au regard d’un horizon sans promesse, d’une tradition passée dont les certitudes et les repères solides nous abandonnent, comment penser ce qui nous arrive, ce qui fait rupture et résiste, comment retrouver des perspectives et se réorienter vers le futur ?
Il s'agit bien d’une mise à l’épreuve qui nous contraint à remettre en question fondamentalement nos catégories de pensée et le sens de notre action, à nous de réinventer notre présent et, pour un authentique partage du projet, de refonder notre lien social.
Retrouver le courage de juger par nous-mêmes, cette capacité, nous ne l’avons pas perdue, pour se tourner résolument vers le futur dont l'enjeu majeur est le souci du monde et l’obligation que nous devons à sa continuité.
De toutes les initiatives qui naissent dans le métiers du design et de la création, accueillons toute entreprise qui réinvente et qui commence car elle porte en elle une capacité de comprendre à nouveau, sans idées préconçues.
Le design est un métier du sens et le sens est lien social.
A la croisée de plusieurs disciplines, technologique, économique, sociale et esthétique, il a vocation à réunir les humains, à penser et à requalifier leurs modes de relation.
Deux voix s’élèvent pour pointer deux problématiques importantes : l’éducation et l’autorité.**
La proposition du designer Ruedi Baur est celle d’un laboratoire interdisciplinaire pour un redressement durable et responsable. Le point zéro d’une réinvention nécessaire d’un nouveau dessein économique. Un statut du designer qui se redéfinirait comme un créateur humaniste et responsable, sachant prendre du recul face à la sollicitude court-termiste et consumériste de l’entreprise.
Sous le signe de l’autorité, de la transmission et du partage, c’est l’ambition humble que se fixe le collectif designcode nouvellement créé par cinq managers du design en entreprise, Anne Asensio, François Lenfant, Pierre-Yves Panis, Philippe Picaud et Gilles Rougon*** : «rendre visible et audible le design management en France et à l’international».
A côté des discours des designers revendiquant leur liberté de création et d’innovation, il reste à découvrir que l’intégration d’un programme design en entreprise à tous les niveaux de sa stratégie est très loin d’aller de soi.
Saluons cette démarche inédite qui s’autorise d’une expérience de 140 ans de pratique du design dans les plus grandes entreprises et secteurs majeurs de l’économie française.
«Qu’est-ce que l’autorité, sinon le pouvoir des commencements, le pouvoir de donner à ceux qui viendront après nous la capacité de commencer à leur tour ?».
*Bernard Ramanantsoa, directeur général de l’école HEC / Le Monde 18 septembre 12
**design fax / 26 novembre 12
***Dassault Systèmes, GE Health care, Orange, Carrefour, EDF
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