Le monde du non-remarquable, c’est ainsi qu’Alice Morgaine désigne l’univers de la typographie dans le texte qu’elle a rédigé en introduction du catalogue Typorama dédié au travail de Philippe Apeloig, en résonance à l’exposition en cours aux Arts Décoratifs à Paris.
Philippe Apeloig, chacune et chacun d’entre nous le connait / ses affiches, ses couvertures de catalogues d’exposition, ses visuels, ses travaux sur la lettre et sur la couleur, nous les avons tous rencontrés et, à chaque fois, ils nous ont rendu mieux, en nous permettant de devenir complices de ses recherches, en sachant installer des équilibres graphiques que nous sentions au fond de nous-mêmes et qu’il sait faire émerger, comme ces orateurs exceptionnels qui savent partager leur passion et convaincre leur auditoire en tissant avec des mots et des phrases des valeurs communes et des expériences partagées.
Le monde du non-remarquable, c’est, pour Alice Morgaine, la matière première de la communication, ce qui accompagne le quotidien avec neutralité, modestie et noblesse, au service des hommes et de leurs échanges et, pour ce qui relève de la typographie, ce qui transforme la lecture en constatant la présence des lettres et des signes en tant que formes et en nous encourageant à aller plus loin encore au fond d’un texte.
Ce que relève Alice Morgaine à propos du design graphique dépasse ce seul territoire et multes, sinon toutes les applications du design, tel le design produit et le design interactif et aussi le packaging, l’architecture commerciale et le design de services, souvent oubliés, comme dans le référentiel des métiers du design que vient de publier le ministère du redressement productif, relèvent du non-remarquable / il est juste difficile de l’admettre et d’y consacrer nos vies.
Philippe Apeloig adore adorer et ne dissimule jamais ses sources / bien au contraire, il les revendique, et la genèse de ses créations fait corps avec ses sources “qu’il enrichit de l’histoire, de l’air du temps et des nuances du passé”.
“Je “découpe” des idées en morceaux, je les rassemble dans un ordre différent, je les manipule, je construis mon indécision jusqu’à ce que la composition apparaisse suffisamment forte pour s’inscrire dans la mémoire visuelle du public / perturber, c’est mon métier.”
Il est difficile, parfois, d’expliquer le temps nécessaire pour concevoir le non-remarquable, tant la confiance en l’expérience, en l’innovation et en l’intelligence partagée est indispensable.
Quand le temps nous est compté dans nos recherches, quand nos commanditaires sont tentés de réduire les budgets dédiés à l’innovation, quand les parents doutent sur l’avenir de leurs enfants et se réfugient sur un logiciel pour déterminer leurs études, Paul Andreu, architecte nous aide, pour qui “seuls sont importants ces moments si furtifs où naissent puis se confirment les idées et les longues périodes passées ensuite à les mettre en œuvre, à les servir”.
Le monde du non-remarquable, cher à Alice Morgaine, est indispensable, et l’exposition dédiée à Philippe Apeloig nous le fait comprendre, en sachant transformer en remarquable une information, c’est-à-dire un titre, un lieu et une date avec des lettres, des chiffres et des couleurs.
Ce que cette exposition nous permet d’approfondir, c’est le temps qui nous est nécessaire et qu’il nous faut savoir obtenir pour transformer le si furtif de Paul Andreu et le mettre en œuvre et le servir.
Typorama / Philippe Apeloig, le premier des designers graphistes français / exposition remarquable aux Arts Décoratifs à Paris jusqu’au 30 03 14 et catalogue, remarquable tout autant
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