lundi 27 octobre 2008

radical design / didier saco


la merveille du temps qui passe, ce sont les références que nous accumulons, et que l’on peut intituler expérience ou culture

et la merveille des débuts, c’est qu’il n’y a pas de références / les jeunes n’ont pas de références, hors celles de leurs parents, qu’ils rejettent souvent, et c’est cette absence qui leur permet d’être affranchis de toute information, préjugé ou référent qui peut s’avérer funeste pour la création

la récession actuelle n’est pas nouvelle pour nous, et cela fait deux ans que nous la pratiquons au quotidien : deux ans pendant lesquels nos projets sont en attente, deux ans de moins-disant, deux ans de keeping

l’observeur du design, organisé par l’apci depuis 10 ans et présenté à la villette pendant 4 mois, montre la création design d’une année, et c’est un excellent observatoire de la création design en période de récession / les formes, les couleurs et les matériaux sont autant les témoins de l’usage que de la période de leur création

cette année, l’observeur du design porte l’accent sur un design radical / épure des formes, mono-couleur, priorité au service, au confort et à l’essentiel, avant l’accessoire et le plaisir et que l’on retrouve chez yellow window design pour un système d’accès parking destiné au japon ou chez pr(i)me pour un outil de diagnostic de sonorisation du réseau metro

bien sûr, chaque période a ses incroyables et ses merveilleux : claudio colucci et son radiateur runtal puzzle, patrick jouin et son lustre monumental en porcelaine ou mauricio clavero et son luminaire-ellipse en cristaux, tout comme en attendant les barbares dans les années 90

ce que nous montre l’observeur du design, et ce que nous ont montré les références passées, celles du bauhaus, celle des années prisunic et celle de l’arte povera, c’est la pertinence du design à savoir capter, comprendre et traduire en formes et en usages les besoins et les réalités non encore exprimés

rares aujourd’hui sont les designers qui pleurent / nombre d’entre nous avons “en stock” multes projets, multes contacts et multes contrats : “just a moment”: c’est là juste ce qui nous manque

nous avons intégré la récession, le déplacement des modes d’usage, la disparition progressive du projet de la transmission et le développement de la prolongation du désir / il nous manque “juste”, comme à tous, le souffle et le vent : le souffle qui permet de trouver le temps de reprendre sa respiration et le vent qui regonfle les voiles


exposition observeur du design à la cité des sciences et de l’industrie
jusqu’au 09 03 09
apci / www.apci.asso.fr

Comment l’esprit vient aux objets / am builles


Exposition « Wa:l’harmonie au quotidien » Design Japonais d’aujourd’hui.Paris, Maison du Japon.

Une scénographie limpide et aérienne, des objets essentiels qui nous absorbent dans une méditation éblouie sur l’esprit du design japonais d’aujourd’hui.
Ce qui fait qu’au premier coup d’œil, un design est perçu sans qu’on le sache exactement comme spécifiquement japonais.
Une exigence de synthèse formelle qui s’enracine dans une forme supérieure de conception propre à leur tradition culturelle du japon, l’esprit d’harmonie WA, un état intérieur qui se perpétue et rayonne à la surface des choses et leur donne cet étrange pouvoir d’apaiser nos tensions.
Une volonté de « conciliation des antagonismes », qui anime tout projet, pour intégrer et faire cohabiter artisanat populaire traditionnel et technologies de pointe, travail manuel et productions industrielles, activité du design dans la capitale et fabrication d’objets en province, interaction entre éléments japonais et occidentaux, nouvelles utilisations de matériaux anciens, conciliation du désir et préservation de l’environnement.
Au delà de la perfection de la synthèse formelle, par l’attention soutenue à la fonction, à la qualité du toucher, à la mise en valeur de la matière, à l’exquise précision des finitions, l’esprit Wa a su garder l’esprit d’humilité et d’anonymat de l’artisanat traditionnel des objets les plus quotidiens «des designs anonymes dûs à la main de l’homme et conçus pour l’homme ».
Cet esprit de l’artisanat traditionnel fait merveille dans l’art d’exploiter les nouvelles technologies, en les incorporant dans l’objet jusqu’à les rendre invisibles, (à chaque nouveau projet, le process même de fabrication est repensé).
Mais s’il nous fallait à nous occidentaux, aller plus loin pour comprendre comment le minimalisme et la beauté de chaque objet captent ainsi notre attention , d’où vient cette impression que chaque objet crée comme un espace libre et vide autour de lui .
Il suffit de se remémorer qu’aux quatre éléments de notre philosophie naturelle, la terre, l’eau, le feu, l’air, le Japon ancien ajoute un cinquième : le vide.
De ces cinq éléments qui sont la voie générale de la tactique et de l’habileté victorieuse du Samourai ,le vide constitue l’étape ultime de la maîtrise, celle « qui atteint son but où le devoir impose de se détacher de ce que l’on possède complètement ».
« L’intelligence est être, l’esprit est vide »*.

* Myamoto Musashi Le traité des cinq roues.

Exposition du 22/10 au 31/01.

lundi 20 octobre 2008

design’s tour, une journée entière dans le design / didier saco


chacun d’entre nous mesure, à l’aune de son territoire et de son réseau, les impacts et les ouvertures créés par les turbulences économiques actuelles

- 40% d’activités pour le seul mois d’août pour certains de nos clients, des subventions régionales en attente depuis avril et qui le restent, des projets différés et des bons de commandes suspendus / chacun, autour de soi, commence à évaluer, à son échelle, ce qui relevait il y a encore peu du loin et de l’ailleurs, et devient à présent de l’ici et du maintenant et peut devenir son futur

si les impacts sont légion, il nous appartient, à nous dont l’innovation est le métier, de trouver les ouvertures

ezio manzini, aux ateliers rue saint sabin à paris récemment, a développé le concept du “small is not small”
ezio manzini, dans son étude de l’écodesign à l’échelle mondiale, a pris pour base de recherches les populations qui, sur des terrasses d’immeubles vacantes, y créent des espaces de culture à partir desquelles elles réussissent à subvenir aux besoins de leurs familles et, de cette activité mono, en crée une nouvelle, celle de l’échange dans lequel le design a sa part, autant en termes d’aménagement d’espace que d’infrastructures de commerces et de partages d’activités, autant sociales qu’économiques

small is not small, ce n’est ni le revival des hippies, ni le protectionisme à tout crin / chacun pour soi, sur son lopin / c’est juste la réflexion de l’activité humaine prise, non à partir de l’échelle mondiale et globale mais de l’échelle individuelle et des énergies de convergence qu’elle crée

small is not small, cela peut être le concept de la niche, non pas appliqué à un produit dans un corner pour la saint-valentin mais à un modèle de vie unique, que chacun peut appliquer et développer, selon son histoire, son environnement et ses désirs

small is not small n’est pas tant le “chacun pour soi” que l’idée que chacun peut être et, à partir de ce départ, croitre, rencontrer et collectiver

small is not small, à notre échelle, cela peut être l’idée que chacun d’entre nous, agence de design, designer indépendant, école, marque à l’affût de nouvelles idées, artisan, marchand de couleurs et de matières, peut thésauriser sur son talent, l’ancrer et veuille le montrer et le partager

small is not small, ce peut être l’idée de créer une journée portes ouvertes, à l’instar de québec et soutenu par la municipalité, où chaque agence accueille tous ceux qui veulent venir la rencontrer et y présente ses projets, ses succès, ses trophées, ses locaux et ses talents

design’s tour, ce peut être une journée entière de rencontres où prospects, clients, partenaires, aspirants-designers franchissent le rubicon et viennent à notre rencontre, dans nos agences, nous dont, souvent, nous comprenons que nos métiers sont parfois difficllement perçus / de notre fait, de la multitude de nos projets et de nos difficultés parfois à les résumer

ezio manzini / expert world écodesign et développement durable
www.sustainable-everyday.net/manzini

Entreprise, montre-moi ton lieu d’accueil et je te dirais qui tu es / am builles


« Design des lieux d’accueil ou créer de la valeur par la décoration » :
c’est un état de l’art très exhaustif et très dense que publie Nicolas Minvielle.

On « ne peut pas ne pas décorer » pour la simple bonne raison que tout lieu d’accueil est le lieu privilégié où se joue la qualité de la relation d’une marque avec son client, condition nécessaire pour asseoir sa reconnaissance et sa notoriété.
Évidemment, il y a un peu de provocation de la part de l’auteur à utiliser le mot décoration quand on connaît l’attitude ombrageuse des designers dès qu’est abordé le caractère décoratif de leur travail.

On peut simplement avancer ici qu’il s’agit bien de décor, au sens de mise en scène d’une pièce à trois personnages : l’entreprise, le client et le designer.

La complexité de la triangulation des personnages et des intérêts en jeu, oblige l’auteur au rappel de toutes les avancées, sources d’information et questionnements concernant les stratégies d’expression des marques, les attentes et comportements clients et la qualité d’expertise des designers.
En fait, la problématique reste celle de deux perspectives antagonistes qui essaient de se rapprocher, imaginaire et approche anthropologique du côté du designer, approche économique du côté de l’entreprise, deux positions qui finissent par trouver un commun accord sur la problématique service client.

L’intérêt du propos prend sa vraie dimension design quand Nicolas Minvielle aborde le vif du sujet, exemple de l’hôtellerie à l’appui, pour inventorier la somme des contraintes inhérentes à la mise en œuvre et orchestration et la répartition des rôles dans ce type projet d’aménagement.
Nicolas Minvielle connaît son sujet et apporte un éclairage précis sur les étapes, les conditions de décision et le cadre juridique de tout process de développement design, un projet qui se construit pas à pas dans l’échange permanent entre donneur d’ordre et designer.

Ce qui prouve une fois de plus que contraintes et respect du process n’entravent en rien le potentiel de talent et d’inventivité du designer, bien au contraire.
La maison Baccarat en est une très belle illustration ; pouvait-on imaginer la magie du résultat et pareille valorisation d’un savoir-faire au regard des contraintes de l’exercice imposé à la star du design, Philippe Starck ?

Nicolas Minvielle / design des lieux d’accueil / éditions de boeck

lundi 13 octobre 2008

vertiges / de la souplesse et du dire / didier saco


l’innovation est au cœur de nos métiers / innovation des formes, des usages, des matériaux et des couleurs
et les turbulences extrêmes que nous traversons tendent vers une direction totalement opposée / l’innovation ne rime pas avec la récession

chacun d’entre nous l’a déjà noté depuis plusieurs mois, plusieurs semestres, plusieurs années : la prise de risque a totalement disparu, et les projets retenus ne relevent plus ni de la création, ni de l’innovation mais de la thésaurisation : on garde ce que l’on connait

rééditions, simples changements de matières ou de couleurs, utilsation de formes existantes pour de nouveaux produits / la funeste formule : “on ne change pas une équipe qui gagne” est responsable de centaines de projets qui n’ont pas vu le jour et remplacés par de l’existant relooké

cet état de stagnation des idées va s’installer et se développer jusqu’au vertige / si les marques doivent produire, ce sont pour des marchés mutants et qu’elles ne connaissent pas, et donc avec des codes, des signes et des histoires les plus atones possibles, afin de prendre le moindre risque de perdre la moindre part de marché

que faire ?
nous avons beaucoup de chances et d’atouts
nous sommes en amont des projets et des histoires / et tout comme nous avons perçu, depuis des mois, cette glaciation, que pouvons-nous percevoir et mettre en place pour les temps à venir pour notre développement ?

nous avons, précieuse, notre expérience, riche de mille enseignements, du bon et du moins
le bon, et même l’excellent, ce sont les talents /
les experts sémio, matério, écolo et écono qui travaillent pour nous, les artisans avec lesquels nous travaillons, les écoles qui forment celles et ceux avec lesquelles nous travaillerons et les marques, parmi les plus riches d’histoires dans le monde entier et pour lesquelles nous travaillons

et le moins bon, ce sont les temps /
les charges et les banques qui raisonnent sur des modules au mieux vieux de trois ans, les appels d’offres qui demandent six mois de conception, s’annulent parfois dès réception des réponses et ne donnent parfois pas de réponse deux ans après la remise des dossiers, les projets qui nécessitent des mois à mûrir, les contrats pas assez renouvelables, les temps de conception insuffisament rémunérés et ceux de développement insuffisament estimés et nos clients qui émettent des bons de commande réglables à 60 jours le 10 et omettent de les adresser à la commande et attendent parfois … des semaines, sinon des mois

créons
créons des structures de travail souples qui permettent aux projets d’avancer plus vite et aux marques de s’y engager sans crainte
créons des espaces de travail partagés, où sont assemblées sur le même espace des expertises convergentes
créons des espaces-temps mobiles, adaptables selon les projets avant de l’être à partir des vacances scolaires
créons des rémunérations séquencées au seul temps de travail, qu’il soit de recherches, de conception, de développement, de veille ou de suivi de projet

l’innovation peut aussi s’appliquer à notre fonctionnement, à nos méthodes de travail et de rémunération, ainsi qu’à nos talents pour le dire et le faire savoir

tout celà ne va pas changer la face du monde / mais peut être un peu le nôtre
l’innovation nous appartient

vertigo / esthétique et histoire du cinéma / n°34 japon / 14.80 euros
distribué par capricci éditions / www.capricci.fr

Que nous est-il permis d’espérer ? / am builles


II y a des Monday design où il nous est permis d’espérer, quand l’Europe solidaire décide d’une gouvernance économique commune, prône un retour à l’économie réelle et projette de définir de nouvelles normes comptables.

Les entreprises seront évaluées sur leurs fondamentaux ; il y a longtemps, dans nos métiers du design, que ce principe de réalité figure en lettres d’or dans tous nos cahiers des charges.
L’autre bonne nouvelle, le Nobel de littérature décerné à l’écrivain français JMG Le Clézio.

Quel rapport avec Monday Design ? Simplement, quand peu de voix s’élèvent dans la profession à propos de l’isolement des jeunes designers dans leur formation et leur difficulté d’accès à l’entreprise, l’on ne peut qu’être frappé par l’une des premières réactions de l’écrivain, un propos simple et noble qui regrette « la difficulté que les jeunes ont à se faire publier, la difficulté que quelqu'un qui pense en créole a pour traduire sa pensée en français, puis pour trouver un éditeur en-dehors de son île.
Toute la relativité du système éditorial :c'est si difficile quand on est loin des pays qui ont de l'argent, ça devrait être plus simple."

Il faut se réjouir de ce prix attribué à un homme de liberté et de sincérité dont on peut dire que rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Loin de ceux qui se veulent détachés, il décide à vingt ans que « vivre est une chose sérieuse » et part courir le monde et les déserts à la rencontre des derniers hommes libres pour nous conter de simples récits d’humanité ; regarder les hommes vivre « pour faire de chaque instant, de l’ici, du présent, du déployé sa vraie demeure ».

Une éthique de vie où prime le respect du monde, des autres et de soi. Une œuvre qui dit que « la conscience n’est pas celle des mots » mais la vie, l’infiniment humain, la somme de toutes nos expériences, « le monde où l’on vit ; un monde précis ingénieux, infini lui aussi, où chaque seconde qui passe nous apporte quelque chose nous transforme, nous fabrique ».

Présence sensuelle et vibrante aux autres, à « l’aventure d’être vivant, aux humbles détails de la vie ».
« Pas de maître à penser, rien n’est jamais résolu, pour chaque homme, l’aventure est à refaire entièrement ».

Il faut continuer à lire des romans, un très bon moyen, dit-il, pour interroger le monde actuel et se poser des questions.
Il y a en effet aujourd’hui certaines questions à se re-poser.
Jean-Marie Gustave Le Clézio / L’extase matérielle (Gallimard 1966)

lundi 6 octobre 2008

peter knapp / je pars toujours d’une chose simple pour arriver à moins / design global / didier saco


peintre, directeur artistique, graphiste, photographe, cineaste, enseignant / toutes ces activités, pratiques successives et parfois simultanées, classent peter knapp parmi les inclassables, celles et ceux qui répandent leur créativité, qui séduisent et font peur tout en même temps, tant ils sont prolixes et parfois traités de ‘touche-à-tout”

peter knapp, comme chacun sait, travaille autant sur commande, pour la presse et pour l’édition, qu’en développant une activité d’artiste, en exposant en galeries et en musées en tant que peintre tout d’abord, puis photographe

jean paul goude, naoto fukasawa, marc newson, david steiner, et jean cocteau et léonard de vinci si nous voulons remonter le fil des ans : nous en connaissons des dizaines, autour de nous, capables de créer du mobilier, de l’enseigne, du logotype, de l’annonce presse, du flacon, de la plv et du luminaire

la démarche essentielle est la curiosité / à côté, bien sûr, de l’élan doivent suivre les équipes capables du développement matières, formes, usages et droits sans lesquelles aucune idée n’est viable

pourquoi alors sommes nous parfois dépités, déconcertés, désorientés de voir les marques avec lesquelles nous travaillons nous “caser” en une activité design et une seule ?

pourquoi un flacon sublime et un logotype “rapide”, pourquoi une prise de vue exceptionnelle et une mise en page qui l’est beaucoup moins, pourquoi un mobilier en pharmacies qui respecte tous les codes du développement durable, pour accueillir des packs en 6 couleurs plus vernis plus packs secondaires, le tout en 46 volumes différents / des pots, des tubes, des sprays et des flacons en 6 contenances chacun avec autant de moules, de fabricants, de fabrications et de sources différentes ?

pourquoi les marques ont-elles du design une vision partielle, par activité / le print, le pack, le produit, le web / et non globale ?


la réponse, biensûr, nous appartient
c’est nous qui communiquons / ou pas assez / sur ce que nous faisons
c’est nous qui, à force de vouloir informer et rassurer, faisons peut-être trop vite l’impasse sur ce que nous pouvons faire
à force de vouloir spécialiser nos projets et nos interventions, nous dressons peut-être nous-mêmes les cloisons qui nous casent

la couleur, la matière, la forme et la fonction sont nos fondamentaux
si les marques avec lesquelles nous avons la chance de travailler nous “casent”, c’est peut-être que nous ne partons pas assez de nos fondamentaux et allons très vite, pour “rassurer”, sur le produit fini avant de parcourir les possibles / possibles usages, possibles images et possibles messages

peut-être que le concept du concept a disparu, que le comment a avalé le pourquoi et que, incertitudes du lendemain et obligations de fin de mois obligeant, nous préférons “assurer” qu’élargir le cercle de la recherche des possibles, sous d’autres formes, d’autres us, d’autres designs

peut-être que le design global n’est pas un vilain mot, et le touche-à-tout un nouveau département à créer en écoles de design

david steiner / exposition fondation pierre bergé / yves saint laurent 5 avenue marceau paris 8
peter knapp / éditions chêne / print en 08

Fauchon, Christian Biecher et la ligne claire / am builles


2002 / le groupe Flo se «déleste» de son réseau de boutiques Flo Prestige et Fauchon croit saisir une opportunité de croissance et de notoriété pour sa marque en se portant acquéreur des 12 boutiques.
Cette opération, dit son manager de l’époque, permettra à Fauchon de gagner cinq à six ans sur son projet de développement de boutiques en propre à Paris, oubliant à l’occasion, le fameux principe de rareté qui dit qu’une marque de luxe est aussi déirable par sa notoriété que par sa pénétration.
Cette acquisition à marche forcée va se révéler dangereuse pour la santé financière et managériale de l’entreprise.

2005 / Michel Ducros, nouveau manager de la marque, revend les 12 boutiques à son concurrent LeNôtre « Nous avons atteint nos limites managériales », admet-il. « Cela aura été une parenthèse de trois ans, pendant laquelle nous sommes sortis de notre modèle de développement ».

Michel Ducros pour qui la gestion identitaire d’une marque n’a pas de secret en tire naturellement les conséquences.
Retour à ce qui fait la spécificité et le caractère fondateur de Fauchon : la grande épicerie fine de luxe de Paris, abandon du projet d’un réseau de proximité de boutiques-traiteur et recentrage sur ce qui fait l’histoire, la culture et les valeurs de Fauchon, là d’où est partie sa renommée : son site d‘exception place de la Madeleine.

Michel Ducros et sa directrice de la communication Isabelle Capron engagent alors le vaste projet de rénovation esthétique de la marque / le lieu, les services et les produits.

Le nom de code du projet pour l’architecture du lieu, Belle Madeleine, dit bien l’ambition de design global de l’entreprise.
Aujourd’hui « la Belle Madeleine », lieu fondateur et émetteur de la marque rayonne à nouveau et, pour consécration du travail accompli, le grand prix Stratégies du design vient de lui être attribué.

L’artisan de la lumineuse métamorphose du lieu est Christian Biecher.
Christian Biecher est un designer architecte exigeant, il ne fait ni style, ni genre, mais travaille à l’épure. Structures nettes, perspectives et lignes claires architecturent ses espaces, avec cette touche de vibration couleur et lumière qui lui est très personnelle. Sa boulangerie, tout en or et lumière, panneaux de métal, verre lamé, cuir or, rayonne radieuse et chatoyante dans l’écrin noir et fuschia de la façade de la boutique.
Désir, plaisir, « sensualité chic » et modernité sont de nouveau au rendez-vous place de la Madeleine.
Avec Christian Biecher, Fauchon retrouve le sens de sa marque et de son développement d’épicerie de luxe et toute son « aura » de raffinement à la française, un savoir-faire recapitalisé par l’esthétique design de la marque et qui peut de nouveau se redéployer à l’international (Chine et Japon… et bien d’autres sites).
Auguste Fauchon avait pour devise « d'être le meilleur et l'unique ».

Belle définition que Fauchon faillit oublier en s’éloignant de ses fondamentaux et retrouve avec la ligne claire du design de Christian Biecher

www.biecher.com

Photo/Christian Biecher boulangerie Fauchon Madeleine