mercredi 30 avril 2008

escrocs / didier saco


ni ivanhoé, ni robin des bois : juste vigileant

il nous arrive tous, parfois, de baisser la garde
prendre un taxi en maraude à la sortie d’un aéroport en voulant se croire malin en évitant la file d’attente et se retrouver devoir payer une note astronomique et sans pouvoir contester quoi que ce soit

ou régler, grand seigneur, un restaurant avec sa carte de crédit sans lire le détail de la note et découvrir, le relevé reçu, que nous avons dû, vu le montant, être plus nombreux ou plus gourmand que dans notre souvenir

chacun d’entre nous a reçu, au fil des années et de nos activités, des factures d’abonnements, d’assurances, de produits, de mutuelles, de services vaguement familières et que nous avons réglées, par confiance, négligence ou un peu les deux et qui ne correspondent à aucune de nos activités réelles mais juste à une industrie d’escrocs

ci-joint facture que nous venons de recevoir de
the mark kft
worldwide production
hu-9700 szombathely
thököly I u 1 9
qui nous prie de leur adresser 1 590.00 euros par chèque barré

le but de mondaydesign est aussi cette vigileance solidaire qui, certes, ne changera pas la face du monde mais a, quand même, le but de changer nos vies / un peu

www : il n’y en a pas

lundi 28 avril 2008

design senior / senior designers / didier saco


chacun a compris que, tout en même temps, la durée de vie, en europe, se prolonge et que le temps de travail va devoir en faire autant

également que le pouvoir d’achat des seniors est fort, responsable et cultivé et que le corps étant une machine dont certaines pièces, avant de s’arrêter définitivement, peuvent s’user, il convient d’adapter l’usage à l’usager.

adapter l’usage, cela signifie tout autant des formes et des modes d’ouverture de packs destinés à des doigts aux muscles affaiblis que des couleurs et des typographies destinées à des yeux qui distinguent différemment les reflets et les impressions

adapter à l’usager, cela signifie savoir concevoir des produits, des scénographies, des mobiliers, des messages destinés à une population qui a lu, voyagé et a formé son jugement, sa culture et son intuition pendant cinquante ans d’expériences devenus capital

design senior, cela peut signifier un design destiné à une population qui a envie de packs faciles à utiliser et n’achète plus de jambon sous vide dans un pack qu’elle n’arrive pas à ouvrir, et donc un design destiné à une population précise / autrement dit, du design communautariste

l’essence du design est de partir des besoins, des difficultés, des obstacles particuliers pour trouver des solutions universelles, et non particulières

le péril du design communautariste peut devenir apocalyptique :
quitter le monde réel, où chacun doit pouvoir, junior et senior, ouvrir son pack de jambon le plus simplement possible, pour tenter d’atteindre le virtuel, où chacun est casé, selon son âge, son sexe et son pouvoir d’achat comporte le risque de bâtir l’exclusion, comme les enseignes qui concoivent des banques pour femmes, des voyages pour gays et des affiches en yiddish

design denior, ce serait aussi un design communautariste pour lequel les agences de design, animées par des designers seniors qui ont partagé ces cinquante années d’expériences et en connaissent les étapes passées et les épreuves futures ont devant elles, par le simple fait de leur connivence avec le temps, des carnets de commandes remplis pour des dizaines d’années

le virtuel ne marche pas / d’abord pour les milliers de designers qui sortent d’écoles chaque année et veulent travailler, sans devoir attendre d’avoir cinquante ans, être femme, gay ou lire le yiddish,
ensuite parce que la vraie vie est composée d’étapes de vie, parfois congruentes, souvent dissonantes, qui construisent une personnalité et ne pourront jamais être résumées à une case, un âge, un sexe ou un revenu

“one shot”, c’est ce que pronostique manuel valls sur les ambitions politiques de ségolène royal qui construit un parti politique virtuel dont elle exclut ceux qui ne l’ont pas soutenue / la vraie vie.

ce qui marche, c’est l’extrême attention portée aux détails qui construisent les formes et déterminent les usages de ce que nous concevons, dans la perspective d’être utilisé par tous et dans toutes les configurations.

www.mhmc / concepteur d’outils de marketing destinés à mesurer les aptitudes des consommateurs seniors face aux matériels et packagings qui leur sont proposés
“boost your creativity for the mature market”

vendredi 18 avril 2008

philippe apeloig au cœur des mots / décager les designs / didier saco


chacun d’entre nous mène ses combats, avec ses convictions, ses forces, ses poings rageurs parfois, ses outils, ses talents et ses réseaux / et c’est bien sûr de cette énergie que naissent les idées, les rencontres et les projets que nous menons

étienne hervy, rédacteur en chef de la revue étapes, s’est ouvert sur ce blog et dans ses pages de son désespoir de voir que “le graphisme est le parent pauvre, le premier dont on rogne le budget et les ailes, le grand oublié du design et des arts visuels”

philippe apeloig expose son travail à la galerie espace topographique à paris
ce n’est pas une rétrospective / il est si jeune / ce n’est pas non plus une vente à but caritatif, une promotion personnelle ou une exposition commerciale: c’est un manifeste

chacun d’entre nous a dans l’œil la couverture du catalogue chicago pour le musée d’orsay, les affiches actuelles pour le châtelet et celles si pertinentes pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme à paris, sans savoir qui les a conçues

et c’est là le manifeste de philippe apeloig qui ne revendique pas tant la création de ces affiches que la réflexion sur la signification de la couleur, de la typographie, de la mise en page, de la respiration et du blanc, et l’implication nécessaire de tous les décideurs en termes de communication sur des engagements à long terme sur le sens des messages avant leur contenu, et sur l’indispensable vision à long terme de toute identité

“la vocation du graphiste s’apparente à celle d’un acteur qui a pour mission de créer un personnage et de déclamer le texte d’un auteur de la façon la plus claire et la plus personnelle qui soit / son interprétation révèle son génie / si le texte est incompréhensible et le rôle peu credible, on peut alors juger de son mauvais jeu : l’ouvrage a échoué / de même, le graphiste doit respecter les besoins de son client / il a pour tâche de les interpréter visuelllement / s’il en change la direction ou s’accapare le propos en le rendant indéchiffrable, il a manqué à sa mission”

hélas, étienne hervy et philippe apeloig disent la même chose / ils revendiquent la part artistique du métier de graphiste, déplorent la confrontation lourde et brutale avec les corrections de textes et les réunions interminables et regrettent les décalages de cultures et de formations avec leurs interlocuteurs

sans doute devons-nous continuer à décager les designs et à lier davantage toutes les formes d’expression des désirs et des marques pour permettre une meilleure connaissance des talents et des besoins de chacun

vivo in typo / espace topographique de l’art 15 rue de thorigny paris 4 / jusqu’au 25 05 08
catalogue indispensable / au coeur du mot / philippe apeloig / éditions lars muller publishers / prix réduit pour les étudiants

lundi 14 avril 2008

branzi à cartier / design fondamental / didier saco


“le design est une activité liée à une pensée complexe et à une logique très originale, où la recherche esthétique s’associe aux stratégies industrielles et où la technologie n’est qu’une partie d’un vaste contexte symbolique”

à tous ceux et celles qui courent pour accélérer la lutte contre la glaciation qui nous entoure et nous enserre, l’exposition andrea branzi à la fondation cartier à paris est une merveille

merveille d’intelligences, d’énergies et de perspectives

chacun se souvient qu’andrea branzi, juste italien, participe aux débats sur le design depuis quarante ans, d’archizoom dans les années 70 à memphis et alchymia au début des années 80

juste italien car andrea branzi fait partie de cette série limitée de créateurs sans limite, que les seuls termes de designer, d’architecte, de scénographe, d’éditorialiste, d’enseignement, de théoricien et d’artiste ne sauraient suffir à définir car son travail est transversal et s’enrichit de toutes ces tentations de projet de vie

tous nos fondamentaux, toutes nos circulations d’espaces, tous nos mobiliers, urbains et d’intérieur, depuis plus de vingt ans ont leur source dans l’œuvre d’andrea branzi

et si “joli” est le qualificatif employé parfois à propos du design italien quand les mots d’usage, de pertinence et de modernité se trouvent courts, l’exposition andréa branzi est très jolie
en quelques pièces, quelques matières, toute l’œuvre d’une vie d’équilibre et d’échanges de langages est présentée en une installation circulaire, baignée par les poèmes écrits, lus et musiqués par patti smith

“croyez-vous que la maison, la structure la plus hostile au changement, puisse subir des modifications profondes ?
si je devais choisir un lieu témoin du présent - ou du futur - , je ne choisirais pas une maison / j’opterais probablement pour un incubateur, c’est-à-dire un espace dans lequel on exerce différentes activités simultanément : habiter, produire, exposer, vendre, communiquer, jouer /
la maison est un lieu apparemment immobile, mais en réalité elle change profondément et lentement, obéissant à des forces souterraines non pas générées par le projet mais par des forces anthropologiques / la maison actuelle est un lieu de fonctionnements plus qu’un lieu fonctionnel

je crois qu’aujourd’hui le milieu dans lequel nous vivons est saturé, tant sur le plan esthétique qu’écologique / saturé de signes et de langages qui rendent l’espace souvent très écœurant / il s’agit donc de produire une esthétique plus vivable, c’est-à-dire une esthétique qui ne soit pas aussi envahissante / c’est pour cette raison que je travaille sur des catégories de projets qui ne tendent pas à créer de nouveaux langages mais plutôt à démonter et remonter le monde existant”

andrea branzi / open enclosures / jusqu’au 22 juin 08 / fondation cartier boulevard raspail paris

Mystique Starckienne / anne-marie builles


« D’un point de vue structurel, le design est totalement inutile».
« J'ai créé tellement de choses sans vraiment m'y intéresser».
« J’étais un producteur de matérialité. J’en ai honte ».
« Peut-être toutes ces années ont-elles été nécessaires pour que je me rende compte finalement qu'au fond, nous n'avons besoin de rien ? Nous possédons toujours trop ».
L’homme n’a besoin de « rien de materiel », seulement « de capacité à aimer, d’intelligence, d’humour et d’éthique »
Nous sommes d’accord !!!
Il souhaitait démocratiser le beau et rendre les gens plus heureux en améliorant leur vie ordinaire, c’était dans les années 90, notre Philippe Starck signait « la brosse à dents »
objet culte s’il en est, qui trônait jusqu’à ce matin sur l’étagère de ma salle de bains.
Dans un bel élan de repentir ou de conscience retrouvée, je viens de la jeter.
Nous sommes tous coupables, quelle agence à la suite du grand Philippe n’a pas caressé le doux rêve de dessiner pour colgate ou signal en quête de quelque obole.
Hommes de sincérités successives, il nous faut bien vivre, nous en sommes tous là. Tenter d’exister et de s’expliquer, un petit objet et puis s’en va, puis un jour nous taraude la question existentielle du pourquoi ?
Rien de neuf…..
Certains n’attendent pas 40 ans pour se mettre en quête d’une réponse, je pense au « Na da per todo » d’un certain Jean de » La Croix celui qui ne « désire posséder quelque chose en rien » puisque « au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour »
Encore un effort camarade Starck, dans la voie du « pur amour » Hâtons-nous lentement…. encore deux ans….. (nous t’accordons le sens de l’humour !)
Dommage, j’ai peut être balancé un peu rapidement ma brosse à dents, signature Starck mais s’inspirant malicieusement d’un « coq » œuvre d’un certain Brancusi.
Je m’en vais devoir en choisir une parmi toutes ces boursoufflures de couleur et plastique qui s’étalent sur les linéaires…… je crains d’y perdre au change.
J’irai me consoler à l’expo d’Andrea Branzi, à la Fondation Cartier« des petites choses qui changent la vie ».
Retour aux vraies valeurs !!!!

Le lien
deco-design.biz/interview-choc-de-philippe-starck

lundi 7 avril 2008

les ihm / interfaces homme-machine et le design collaboratif / didier saco


que nous le sachions ou pas, tout comme monsieur jourdain, nous sommes de plus en plus en contact avec les ihm / et ne pas forcément le savoir est un excellent signe, puisque celà signifie que nos ihm se passent sans histoire, ce qui est rare

relève de l’ihm tout ce qui donne à la machine une fonction destinée à rendre un service, à transmettre une information et à vendre un produit

l’ihm qui nous est la plus familière, car la plus ancienne, et la plus basique est celle qui distribue de l’argent, en échange d’une carte magnétique et de quelques chiffres
celle qui est plus récente et nous laisse rarement indifférents est celle avec laquelle nous échangeons des informations précises / date, heure, destination, degré de confort / qui relèvent souvent de nos vies privées / pour obtenir des titres de transport

bien qu’il s’agisse là de produits, de matériels, d’outils, d’accessoires, il nous est très difficile d’échapper à la tentation de les maintenir dans ce seul domaine pour pouvoir les doter de vertus, de qualités et de défauts qui relevaient, il y a encore peu de temps, exclusivement de l’humain

lorsque l’échange avec une interface s’avère difficile, peu lisible, incompatible avec notre humeur ou étrangère à notre logique, s’installent alors des sentiments d’agacement, de frustration, voire d’angoisse

lorsque, au contraire, tout “marche” bien et que nous en sommes surpris, nous ne sommes toujours pas dans le rapport ancien d’un humain avec un matériel mais dans l’échange, le partage des mêmes cultures, la complicité, la congruence

certains parlent d’âge, 50 ans, âge qui scinde les deux publics, le public “digital nativ” / ceux qui ont toujours connu les écrans / et les autres, ceux d’avant, qui auraient un rejet, lié à leur crainte de ne pas savoir et privilégient toujours les guichets aux objets communicants, sans oublier les indéfectibles enfants de blum, de jaurès et de mai 68, missionnaires du quotidien et qui privilégiront toujours le guichet à l’appareil, “pour maintenir l’emploi”

peut-être s’agit-il simplement de choix des mots et des valeurs que nous leur donnons, entre les mots interphase et intelligence
peut-on doter un appareil d’intelligence ?
la barrière qui se dresse encore aux “out of digital nativ” ne vient-elle pas de ce rejet, face à un appareil / “simple appareil” ?

il s’agit là de design
design collaboratif, avec des anthropologues, des sémiologues, des ingénieurs, des industriels, des techniciens des populations et des designers pour arriver à l’expression et à l’usage d’une fonction qui ne soit ni que le fait de l’humain, ni que le fait d’un évènement, ni que le fait d’un matériel, mais celle d’un rapport

design sociétal tout autant, qui essaie, comme le fait la ratp avec navigo, de présenter son offre non par produit mais par besoin, et dans les termes les plus simples, les plus quotidiens, les plus faciles pour que chacun, pressé, “digital nativ ou pas”, parlant français, anglais, espagnol, très bien, un peu ou ne sachant pas lire du tout puisse accéder à l’usage et intégrer la fonction d’acteur

www.apci.asso.fr / compte-rendu des ateliers design transportmobilité, en ligne prochainement
www.predit.prd.fr / programme de recherches sur les déplacements terrestres
palais des congrès les 05, 06 et 07 mai prochains

mercredi 2 avril 2008

les disparus du design / didier saco


héloïse neefs vient de faire paraître aux éditions fayard “les disparus du littré”, nomenclature de quelques 25 000 articles de mots disparus du dictionnaire littré alors qu’ils y figuraient dans l’édition de 1876

abigoti, affrouer, s’allégrer, bureaumanie, chosier, clopémanie, congénialité, délinquer, désouci, électionner, gulpe, inavare, incogitance, jolier, naqueter, nivèlerie, romipète, somnicide, tulipomane : tous ces mots font partie de ces disparus ; ils peuvent nous sonner familiers car ils figurent dans la littérature française / chateaubriand, corneille, diderot, montaigne, rabelais, rousseau, saint-simon, voltaire, mais nul d’entre nous ne les écrit ou ne le prononce

le travail d’héloïse neefs et la préface d’alain rey nous donnent une multitude d’ouvertures qui dépassent la simple liste de mots
les linguistes admettent que la langue française compterait de 6 à 8 millions de mots, en intégrant les mots techniques et hors les noms propres, alors que les dictionnaires d’usage en comportent en moyenne 50 000
chaque dictionnaire, même s’il comporte le même nombre de mots, n’indique pas les mêmes / à quel moment, sous quelle autorité, dans quel projet un mot figure ou ne figure pas dans un dictionnaire ?
quel est le but de la liste, de la nomenclature / les mots usuels ou les mots usés ? / les mots qui font sens ou ceux qui font histoire ? alain rey cite du bellay : “de mon petit village fumer la cheminée” : quelle est la place de la cheminée dans un dictionnaire en 2008 : décor, chauffage ou message de vie familiale, d’abri, de chaleur, de nourriture ?

tout comme les disparus du littré, il y a aussi les disparus du design

qu’est ce qui aujourd’hui relève du design ? l’histoire, la fonction, la forme, le matériau, le projet ?
quelle est la place de la valentine, du téléphone en bakélite, de la calculatrice de bureau, du minitel, du canapé de le corbusier ? aux puces, sous les combles au musée des arts décoratifs ou en réédition ?

ce sont les époques, les usages, les énergies, la disparition de certains matériaux et l’apparition de certains autres qui déterminent la vie / et la disparition / de nombre de nos créations
nul d’entre nous ne travaillera plus jamais l’ivoire, tout en respectant éminemment tout le travail chryséléphantin / en or et en ivoire / des siècles passés

revendiquons le rôle essentiel des musées de conserver le travail des designers passés et de transmettre l’histoire de leurs projets, dans leur contexte, et donnons aux designers actuels leur place dans notre actualité, dans nos bureaux, nos usines et nos maisons / même si nos vies allongent, le nombre des canapés qui feront partie de nos vies est limité

héloïse neefs / les disparus du littré / fayard / 45.00 euros